PI contra Landespolizeidirektion Tirol.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 May 2019
62018CJ0230

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

8 mai 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Article 15, paragraphe 2, et article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’établissement et de prestation de services – Restriction – Décision de fermeture immédiate d’un établissement commercial – Absence de motivation – Raisons impérieuses d’intérêt général – Prévention de la commission d’infractions pénales à l’égard des personnes qui se livrent à la prostitution – Protection de la santé publique – Caractère proportionné de la restriction de la liberté d’établissement – Articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux – Effectivité du contrôle juridictionnel – Droits de la défense – Principe général du droit à une bonne administration »

Dans l’affaire C‑230/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesverwaltungsgericht Tirol (tribunal administratif régional du Tyrol, Autriche), par décision du 27 mars 2018, parvenue à la Cour le 30 mars 2018, dans la procédure

PI

contre

Landespolizeidirektion Tirol,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme C. Toader, présidente de chambre, MM. A. Rosas et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour PI, par Me A. Zelinka, Rechtsanwalt,

pour la Landespolizeidirektion Tirol, par M. C. Schmalzl, en qualité d’agent,

pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. H. Krämer et L. Malferrari, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 2, ainsi que des articles 41, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant PI à la Landespolizeidirektion Tirol (direction régionale de la police du Tyrol, Autriche, ci-après la « direction régionale ») au sujet de la légalité de la fermeture d’un établissement commercial géré par PI.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La Charte

3

L’article 15 de la Charte, intitulé « Liberté professionnelle et droit de travailler », prévoit :

« 1. Toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée.

2. Tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre.

[...] »

4

Les explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17) précisent, en ce qui concerne l’article 15, paragraphe 2, de cette dernière, que cette disposition reprend les trois libertés garanties par les articles 26, 45, 49 et 56 TFUE, à savoir la libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation des services.

5

Aux termes de l’article 16 de la Charte, intitulé « Liberté d’entreprise » :

« La liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales. »

6

Les explications relatives à la Charte précisent, en ce qui concerne l’article 16 de celle-ci, que cette disposition se fonde sur la jurisprudence de la Cour, qui a reconnu la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale et la liberté contractuelle, ainsi que sur l’article 119, paragraphes 1 et 3, TFUE, qui reconnaît la concurrence libre.

7

L’article 35 de la Charte, intitulé « Protection de la santé », est libellé comme suit :

« Toute personne a le droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. [...] »

8

L’article 41 de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration », dispose :

« 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

2. Ce droit comporte notamment :

a)

le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

b)

le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;

c)

l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

[...] »

9

L’article 47 de la Charte, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », est libellé comme suit :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

[...] »

10

L’article 48 de la Charte, intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », dispose, à son paragraphe 2 :

« Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé ».

11

L’article 51 de la Charte, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. [...] »

12

L’article 52 de la Charte, intitulé « Portée et interprétation des droits et des principes », énonce :

« 1. Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

2. Les droits reconnus par la présente Charte qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci.

[...]

7. Les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la présente Charte sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres. »

La directive 2006/123/CE

13

L’article 4 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), intitulé « Définitions », est rédigé en ces termes :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

5)

“établissement”, l’exercice effectif d’une activité économique visée à l’article 43 [CE] par le prestataire pour une durée indéterminée et au moyen d’une infrastructure stable à partir de laquelle la fourniture de services est réellement assurée ;

6)

“régime d’autorisation”, toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ;

[...] »

14

Le chapitre III de cette directive, intitulé « Liberté d’établissement des prestataires », comprend, sous sa section 1, intitulée « Autorisations », les articles 9 à 13.

15

L’article 9 de ladite directive, intitulé « Régimes d’autorisation », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies :

a)

le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

b)

la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. »

16

L’article 10 de la même directive, intitulé « Conditions d’octroi de l’autorisation », est, à son paragraphe 1, libellé comme suit :

« Les régimes d’autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire. »

17

La section 2, intitulée « Exigences interdites ou soumises à évaluation », du chapitre III de la directive 2006/123 comprend les articles 14 et 15 de celle-ci.

Le droit autrichien

18

L’article 14 du Tiroler Landes-Polizeigesetz (loi de police du Land du Tyrol), du 6 juillet 1976 (LGBl. no 60/1976), dans sa version résultant de sa dernière modification (LGBl. no 56/2017) (ci-après la « loi de police »), intitulé « Interdiction », prévoit :

« Il est interdit :

a)

de tolérer, à titre professionnel, la réalisation d’actes sexuels sur son propre corps ou de procéder à titre professionnel, à des actes sexuels (prostitution) en dehors des établissements de...

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