Waltraud Brachner v Pensionsversicherungsanstalt.

JurisdictionEuropean Union
Date16 June 2011
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 16 juin 2011 (1)

Affaire C‑123/10

Waltraud Brachner

contre

Pensionsversicherungsanstalt

[demande de décision préjudicielle introduite par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Politique sociale – Directive 79/7/CEE – Article 4 – Égalité de traitement des hommes et des femmes en matière de sécurité sociale – Péréquation annuelle des pensions – Réglementation nationale prévoyant, pour une catégorie de personnes, majoritairement de sexe féminin, qui perçoivent une pension inférieure au revenu minimum social, un coefficient de péréquation inférieur au coefficient de péréquation applicable aux pensions d’un montant plus élevé»






I – Introduction

1. L’Oberster Gerichtshof autrichien (ci-après la «juridiction de renvoi») a saisi la Cour, conformément à l’article 267 TFUE, d’une série de questions sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (2).

2. Ces questions se sont posées à lui dans le cadre de l’examen d’un litige opposant une retraitée, Mme Waltraud Brachner (ci-après, également, la «requérante au principal»), à la Pensionsversicherungsanstalt (ci-après, également, la «défenderesse au principal») concernant le montant de la pension à laquelle elle a droit. Le litige se concentre en substance sur la question de savoir si, dans le cadre de la péréquation annuelle de sa pension à l’évolution de l’index des prix à la consommation, péréquation prévue par le droit national sur l’assurance vieillesse, la requérante au principal pourrait avoir été défavorisée par rapport aux autres pensionnés en raison de son appartenance sexuelle. En fin de compte, cette question soulève celle de la compatibilité de mécanismes complexes de politique sociale nationale avec le principe de l’égalité de traitement des hommes et des femmes en droit de l’Union, tel qu’il est énoncé dans la directive 79/7. Les parties sont, en premier lieu, divisées sur le point de savoir si des mécanismes de ce type peuvent relever du champ d’application de la directive 79/7. Il faudra ensuite examiner s’il y a une inégalité de traitement entre pensionnés de sexe masculin et pensionnés de sexe féminin en l’espèce et si, le cas échéant, elle peut être objectivement justifiée.

3. La demande vise, en substance, à faire la lumière sur la compatibilité avec le droit de l’Union de diverses réglementations du système autrichien de péréquation des pensions. Le Verfassungsgerichtshof s’est déjà prononcé, le 24 septembre 2009, sur la constitutionnalité de ces réglementations, principalement sur leur compatibilité tant avec le principe d’égalité qu’avec le droit à l’inviolabilité de la propriété qui est garanti par la Constitution. Dans sa décision, le Verfassungsgerichtshof a confirmé la constitutionnalité de ces réglementations et rejeté, notamment comme étant non fondées, les demandes que de nombreuses juridictions autrichiennes, en particulier la juridiction de renvoi, lui avait adressées en vue de l’annulation des dispositions litigieuses.

4. L’égalité de la femme sur le plan personnel, social et juridique fait partie des acquis essentiels de la culture européenne. Elle est le résultat d’une évolution historique qui a débuté au siècle des Lumières avec la doctrine des droits de l’homme, qui s’est imposée au siècle dernier grâce à l’engagement de nombreuses femmes qui revendiquaient la liberté et le droit à l’autodétermination, comme en témoigne l’ancrage de l’idée de l’égalité des droits dans une multitude de déclarations et d’instruments juridiques dans les domaines les plus divers (3).

II – Le cadre normatif

A – Le droit de l’Union (4)

5. Les quatre premiers articles de la directive 79/7 sont rédigés comme suit:

«Article premier

La présente directive vise la mise en œuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale prévu à l’article 3, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ci-après dénommé ‘principe de l’égalité de traitement’.

Article 2

La présente directive s’applique à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l’activité est interrompue par une maladie, un accident ou un chômage involontaire et les personnes à la recherche d’un emploi, ainsi qu’aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides.

Article 3

1. La présente directive s’applique:

a) aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants:

– maladie,

– invalidité,

– vieillesse,

– accident du travail et maladie professionnelle,

– chômage;

b) aux dispositions concernant l’aide sociale, dans la mesure où elles sont destinées à compléter les régimes visés sous a) ou à y suppléer.

2. La présente directive ne s’applique pas aux dispositions concernant les prestations de survivants ni à celles concernant les prestations familiales, sauf s’il s’agit de prestations familiales accordées au titre de majorations des prestations dues en raison des risques visés au paragraphe 1 sous a).

3. En vue d’assurer la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement dans les régimes professionnels, le Conseil arrêtera, sur proposition de la Commission, des dispositions qui en préciseront le contenu, la portée et les modalités d’application.

Article 4

1. Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

– le champ d’application des régimes et les conditions d’accès aux régimes,

– l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

– le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

2. Le principe de l’égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité.»

B – Le droit national

6. Le cadre juridique national est constitué par les dispositions de la loi nationale du 9 septembre 1955 sur l’assurance sociale générale (Allgemeines Sozialversicherungsgesetz, ci-après l’ASVG) (5). Les articles 108 et suivants de l’ASVG instituent un système global de péréquation des pensions.

7. L’article 108, paragraphe 5, définit le coefficient de péréquation de la manière suivante:

«Coefficient de péréquation: le ministre fédéral de la Sécurité sociale, des Générations et de la Protection des consommateurs doit fixer chaque année par décret, pour l’année civile suivante, le coefficient de péréquation (article 108 f), avant le 30 novembre de chaque année au plus tard. Le décret doit être soumis au gouvernement fédéral pour approbation. Sauf disposition contraire, le coefficient de péréquation doit être utilisé pour la majoration des rentes et pensions ainsi que des montants fixes liés aux prestations, dans le cadre de la sécurité sociale.»

8. L’article 108 f de l’ASVG dispose ce qui suit:

«(1) Le ministre fédéral de la Sécurité sociale, des Générations et de la Protection des consommateurs doit fixer le coefficient de péréquation pour chaque année civile en tenant compte de la valeur de référence visée à l’article 108 e, paragraphe 9, première phrase.

(2) La valeur de référence doit être fixée de façon que l’augmentation des pensions résultant de l’adaptation avec la valeur de référence corresponde à l’augmentation des prix à la consommation, conformément au paragraphe 3. Elle doit être arrondie à trois décimales.

(3) L’augmentation des prix à la consommation est à déterminer en fonction de l’augmentation moyenne sur douze mois civils jusqu’au mois de juillet de l’année précédant l’année d’adaptation, en recourant à l’indice des prix à la consommation pour 2000 ou à tout autre indice l’ayant remplacé. […]»

9. L’article 108 h de l’ASVG énonce la règle suivante à propos de la péréquation annuelle des pensions:

«(1) Avec effet au 1er janvier de chaque année,

a) toutes les pensions servies par la sécurité sociale pour lesquelles le jour de référence [...] est antérieur au 1er janvier de cette année

[…]

doivent être multipliées par le coefficient de péréquation. […]»

10. Le coefficient de péréquation des pensions pour l’année 2008 a été fixé à 1,017 par décision du ministre fédéral des Affaires sociales (6). Cela signifie qu’en 2008, toutes les pensions servies en exécution de l’ASVG ont en principe été augmentées de 1,7 %.

11. Par dérogation à ce coefficient, l’article 634, paragraphe 10, de l’ASVG, dans la version du Bundesgesetz BGBl. I, 101/2007 (7), a fixé une augmentation de pension extraordinaire pour l’année 2008:

«Par dérogation à l’article 108 h, paragraphe 1, première phrase, les pensions qui sont supérieures à 746,99 euros par mois ne doivent pas être multipliées par le coefficient de péréquation durant l’année civile 2008, mais majorées selon les modalités suivantes: si la pension mensuelle est:

1. comprise entre 746,99 et 1 050 euros, elle doit être augmentée de 21 euros;

2. comprise entre 1 050 et 1 700 euros, elle doit être multipliée par le facteur 1,020;

3. comprise entre 1 700 et 2 161,50 euros, elle doit être majorée d’un taux qui diminue de manière linéaire entre les valeurs précitées, de 2,0 % à 1,7 %;

4. supérieure à 2 161,50 euros, elle doit être augmentée de 35,57 euros.»

12. Les personnes bénéficiant d’une pension de retraite ou de survie dont la pension est si modeste qu’elle ne couvre pas le minimum de subsistance, parce qu’elles n’ont pas accompli suffisamment de périodes d’assurance ou parce que la base de calcul de leur pension est trop faible, ont droit à un supplément compensatoire conformément à l’article 292 de l’ASVG. Le...

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