Opinion of Advocate General Kokott delivered on 17 September 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date17 September 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 septembre 2020 (1)

Affaire C488/19

Minister for Justice and Equality

contre

JR

(Condamnation dans un État tiers, membre de l’EEE)

[demande de décision préjudicielle introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Champ d’application – Condamnation par une juridiction d’un État tiers – Reconnaissance de cette condamnation dans l’État membre d’émission – Exécution dans l’État membre d’émission – Reconnaissance mutuelle – Confiance mutuelle – Article 4, point 7, sous b) – Refus d’exécuter un mandat d’arrêt européen – Infractions commises hors du territoire de l’État membre d’émission »






I. Introduction

1. La décision-cadre 2002/584/JAI (2) autorise les autorités judiciaires des États membres à émettre des mandats d’arrêt européens aux fins de l’exécution des peines privatives de liberté, mais s’applique-t-elle également à l’exécution d’un jugement prononcé dans un État tiers et reconnu dans l’État membre requérant en vertu d’un accord international ?

2. Le fait que la condamnation a été prononcée dans un État tiers soulève également une question concernant l’un des motifs de refus d’exécuter le mandat d’arrêt européen sur lequel la Cour n’a pas eu à se prononcer jusqu’à présent. En effet, aux termes de l’article 4, point 7, sous b), de la décision-cadre 2008/584, l’État requis peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen lorsque l’infraction a été commise hors du territoire de l’État membre requérant et que le droit de l’État membre requis n’autorise pas la poursuite pour les mêmes infractions commises hors de son territoire. Dans la présente affaire, l’infraction a certes été commise dans un État tiers, mais des actes préparatoires ont eu lieu dans l’État membre requérant. Il convient donc de clarifier la portée de cette circonstance en ce qui concerne l’application du motif de refus susvisé.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international public

1. L’accord sur la reconnaissance et lexécution des décisions en matière pénale conclu entre la Lituanie et la Norvège

3. Le 5 avril 2011, la République de Lituanie et le Royaume de Norvège ont conclu l’accord sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière pénale imposant des peines ou des mesures privatives de liberté. Cet accord régit la reconnaissance des jugements prononcés dans l’État d’émission (article 7) et prévoit des motifs par lesquels l’État d’exécution peut refuser de reconnaître ceux‑ci (article 8).

2. L’accord en matière de remise conclu entre lUnion européenne, lIslande et la Norvège

4. L’accord entre l’Union européenne et la République d’Islande et le Royaume de Norvège relatif à la procédure de remise entre les États membres de l’Union européenne et l’Islande et la Norvège (3) est entré en vigueur le 1er novembre 2019 (4).

5. Dans le préambule de cet accord, les parties

« [...]

exprim[ent] leur confiance mutuelle dans la structure et dans le fonctionnement de leurs systèmes juridiques et dans la capacité de toutes les parties contractantes à garantir un procès équitable ;

[...] »

6. L’article 1er, paragraphe 3, dudit accord dispose :

« Le présent accord n’a pas pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux énoncés dans la convention européenne des droits de l’homme ou, en cas d’exécution par l’autorité judiciaire d’un État membre, les principes mentionnés à l’article 6 du traité sur l’Union européenne. »

7. Pour le surplus, les dispositions de l’accord entre l’Union, l’Islande et la Norvège correspondent en grande partie à celles de la décision-cadre 2002/584.

B. Le droit de l’Union

8. Le considérant 6 de la décision-cadre 2002/584 est libellé de la manière suivante :

« Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire. »

9. L’article 1er de la décision-cadre 2002/584 définit le mandat d’arrêt européen et prévoit l’obligation de l’exécuter dans les termes suivants :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne. »

10. L’article 2 de la décision-cadre 2002/584 définit le champ d’application du mandat d’arrêt européen :

« 1. Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois.

2. Les infractions suivantes, si elles sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins trois ans telles qu’elles sont définies par le droit de l’État membre d’émission, donnent lieu à remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen, aux conditions de la présente décision‑cadre et sans contrôle de la double incrimination du fait :

– [...]

– trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes,

– [...]

3. [...]

4. Pour les infractions autres que celles visées au paragraphe 2, la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d’arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l’État membre d’exécution, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle‑ci. »

11. L’article 4 de la décision-cadre 2002/584 autorise dans certains cas l’autorité judiciaire d’exécution à refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen :

1) si, dans l’un des cas visés à l’article 2, paragraphe 4, le fait qui est à la base du mandat d’arrêt européen ne constitue pas une infraction au regard du droit de l’État membre d’exécution ; [...]

[...]

7) lorsque le mandat d’arrêt européen porte sur des infractions qui :

a) selon le droit de l’État membre d’exécution, ont été commises en tout ou en partie sur le territoire de l’État membre d’exécution ou en un lieu considéré comme tel, ou

b) ont été commises hors du territoire de l’État membre d’émission et que le droit de l’État membre d’exécution n’autorise pas la poursuite pour les mêmes infractions commises hors de son territoire. »

12. L’article 8 de la décision-cadre 2002/584 arrête le contenu du mandat d’arrêt européen :

« 1. Le mandat d’arrêt européen contient les informations suivantes, présentées conformément au formulaire figurant en annexe :

[...]

c) l’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de toute autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force entrant dans le champ d’application des articles 1er et 2 ;

[...] »

C. Le droit irlandais

13. L’Irlande a transposé la décision-cadre 2002/584 dans la European Arrest Warrant Act 2003 (loi de 2003 sur le mandat d’arrêt européen). L’article 5 de cette loi dispose :

« Aux fins de la présente loi, une infraction visée par un mandat d’arrêt européen correspond à une infraction au droit [irlandais] lorsque le fait (acte ou omission) qui constitue l’infraction ainsi visée constituerait une infraction au droit [irlandais] s’il avait été commis [en Irlande] à la date à laquelle le mandat d’arrêt européen a été émis. »

14. L’article 44 de ladite loi transpose l’article 4, point 7, sous b), de la décision-cadre 2002/584 dans les termes suivants :

« La remise au titre de la présente loi est refusée si l’infraction visée dans le mandat d’arrêt européen émis à l’égard de la personne concernée a été commise ou prétendument commise ailleurs que dans l’État d’émission et que le fait (acte ou omission) qui constitue l’infraction ne constitue pas une infraction au droit [irlandais] en ce qu’il a été commis ailleurs qu’en [Irlande]. »

15. L’article 15, paragraphe 1, de la Misuse of Drugs Act, 1977 (loi de 1977 sur l’usage illicite de stupéfiants, ci‑après la « loi sur les stupéfiants ») (5) dispose :

« Toute personne qui est en possession, légalement ou non, d’un stupéfiant aux fins de le vendre ou de le fournir de toute autre manière à une autre personne en violation des dispositions de l’article 5 de la présente loi commet une infraction. »

III. Les faits et la demande de décision préjudicielle

16. Le défendeur est un ressortissant lituanien. En janvier 2014, il s’est entendu avec un tiers en Lituanie pour porter des stupéfiants en Norvège en contrepartie du paiement de la somme de 570 euros. Il a transporté les stupéfiants depuis la Lituanie en franchissant plusieurs frontières internationales et, en dernier lieu, la frontière entre la Suède et la Norvège. Le 19 janvier 2014, il a été repéré en Norvège, à approximativement cinq kilomètres de la frontière, avec environ 4,6 kilogrammes de méthamphétamine.

17. Le 28 novembre 2014, le Heggen og Frøland tingrett (tribunal de district de Heggen et Frøland, Norvège) a condamné le défendeur à une peine privative de liberté de quatre ans et six mois pour « livraison illégale d’une très...

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