Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 30 septembre 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date30 September 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 30 septembre 2020 (1)

Affaire C649/19

Spetsializirana prokuratura

Procédure pénale

contre

IR

[demande de décision préjudicielle formée par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Droit à l’information dans le cadre des procédures pénales – Directive 2012/13/UE – Articles 3 à 7 – Déclaration écrite de droits lors de l’arrestation – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Droit d’accès aux pièces du dossier – Personne arrêtée en exécution d’un mandat d’arrêt européen – Recours contre la décision d’émission d’un mandat d’arrêt européen – Validité de la décision-cadre 2002/584/JAI – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 6, 47 et 48 »






I. Introduction

1. Depuis l’année 2010, le législateur de l’Union européenne a adopté un certain nombre de directives destinées à améliorer la coopération judiciaire en matière pénale et ayant principalement pour objet le renforcement des droits des personnes concernées dans le cadre des procédurales pénales.

2. La première question posée par la juridiction de renvoi est afférente à la portée, ratione personae, d’un tel renforcement, s’agissant plus particulièrement de la reconnaissance au profit des personnes arrêtées en exécution d’un mandat d’arrêt européen de différents droits procéduraux prévus à la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (2). Associant le bénéfice de ces droits à l’exercice d’un recours effectif contre la décision d’émission d’un tel mandat, ladite juridiction s’interroge quant à la validité même de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (3) au regard des articles 6 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question.

3. La présente affaire donne ainsi l’occasion à la Cour de préciser l’articulation entre la directive 2012/13 et la décision-cadre 2002/584 ainsi que ses exigences de protection des droits fondamentaux appliquées au système du mandat d’arrêt européen.

II. Le cadre juridique

A. La directive 2012/13

4. Le considérant 39 de cette directive est ainsi rédigé :

« Le droit d’être informé par écrit de ses droits lors de l’arrestation tel que prévu dans la présente directive devrait également s’appliquer, mutatis mutandis, aux personnes arrêtées dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, conformément à la décision-cadre [2002/584]. Pour aider les États membres à rédiger une déclaration de droits pour ces personnes, un modèle figure à l’annexe II. Ce modèle est fourni à titre indicatif et pourrait faire l’objet d’une révision à la suite du rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la présente directive et aussi une fois que toutes les mesures de la feuille de route seront entrées en vigueur. »

5. L’article 1er de ladite directive dispose :

« La présente directive définit des règles concernant le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’être informés de leurs droits dans le cadre des procédures pénales et de l’accusation portée contre eux. Elle définit également des règles concernant le droit des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen d’être informées de leurs droits. »

6. L’article 3 de la même directive prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement des informations concernant, au minimum, les droits procéduraux qui figurent ci‑après, tels qu’ils s’appliquent dans le cadre de leur droit national, de façon à permettre l’exercice effectif de ces droits :

a) le droit à l’assistance d’un avocat ;

b) le droit de bénéficier de conseils juridiques gratuits et les conditions d’obtention de tels conseils ;

c) le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, conformément à l’article 6 ;

d) le droit à l’interprétation et à la traduction ;

e) le droit de garder le silence.

2. Les États membres veillent à ce que les informations fournies au titre du paragraphe 1 soient données oralement ou par écrit, dans un langage simple et accessible, en tenant compte des éventuels besoins particuliers des suspects ou des personnes poursuivies vulnérables. »

7. L’article 4 de la directive 2012/13 dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont arrêtés ou détenus reçoivent rapidement une déclaration de droits écrite. Ils sont mis en mesure de lire la déclaration de droits et sont autorisés à la garder en leur possession pendant toute la durée où ils sont privés de liberté.

2. Outre les informations prévues à l’article 3, la déclaration de droits visée au paragraphe 1 du présent article contient des informations sur les droits suivants, tels qu’ils s’appliquent dans le droit national :

a) le droit d’accès aux pièces du dossier ;

b) le droit d’informer les autorités consulaires et un tiers ;

c) le droit d’accès à une assistance médicale d’urgence ; et

d) le nombre maximal d’heures ou de jours pendant lesquels les suspects ou les personnes poursuivies peuvent être privés de liberté avant de comparaître devant une autorité judiciaire.

3. La déclaration de droits contient également des informations de base sur toute possibilité, prévue par le droit national, de contester la légalité de l’arrestation ; d’obtenir un réexamen de la détention ; ou de demander une mise en liberté provisoire.

4. La déclaration de droits est rédigée dans un langage simple et accessible. Un modèle indicatif de déclaration de droits figure à l’annexe I.

5. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent la déclaration de droits par écrit dans une langue qu’ils comprennent. Lorsque la déclaration de droits n’est pas disponible dans la langue appropriée, les suspects ou les personnes poursuivies sont informés de leurs droits oralement dans une langue qu’ils comprennent. Une version de la déclaration de droits dans une langue qu’ils comprennent leur est alors transmise sans retard indu. »

8. L’article 5 de cette directive prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que les personnes arrêtées aux fins de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen reçoivent rapidement une déclaration de droits appropriée contenant des informations sur leurs droits conformément au droit de l’État membre d’exécution mettant en œuvre la décision-cadre [2002/584].

2. La déclaration de droits est rédigée dans un langage simple et accessible. Un modèle indicatif de déclaration de droits figure à l’annexe II. »

9. Selon l’article 6 de ladite directive :

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense.

2. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont arrêtés ou détenus soient informés des motifs de leur arrestation ou de leur détention, y compris de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis.

3. Les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien‑fondé de l’accusation.

4. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient rapidement informés de tout changement dans les informations fournies en vertu du présent article, lorsque cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure. »

10. L’article 7 de la même directive dispose :

« 1. Lorsqu’une personne est arrêtée et détenue à n’importe quel stade de la procédure pénale, les États membres veillent à ce que les documents relatifs à l’affaire en question détenus par les autorités compétentes qui sont essentiels pour contester de manière effective conformément au droit national la légalité de l’arrestation ou de la détention soient mis à la disposition de la personne arrêtée ou de son avocat.

2. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur avocat, aient accès au minimum à toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge des suspects ou des personnes poursuivies, qui sont détenues par les autorités compétentes, afin de garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur défense.

3. Sans préjudice du paragraphe 1, l’accès aux pièces visé au paragraphe 2 est accordé en temps utile pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense et, au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien‑fondé de l’accusation. Si les autorités compétentes entrent en possession d’autres preuves matérielles, elles autorisent l’accès à ces preuves matérielles en temps utile pour qu’elles puissent être prises en considération.

4. Par dérogation aux paragraphes 2 et 3, pour autant que le droit à un procès équitable ne s’en trouve pas affecté, l’accès à certaines pièces peut être refusé lorsque cet accès peut constituer une menace grave pour la vie ou les droits fondamentaux d’un tiers, ou lorsque le refus d’accès est strictement nécessaire en vue de préserver un intérêt public important, comme dans les cas où cet accès risque de compromettre une enquête en cours ou de porter gravement atteinte à la sécurité nationale de l’État...

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