Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 1 de julio de 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:532
Celex Number62020CC0324
Date01 July 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR.

présentées le 1er juillet 2021 (1)

Affaire C324/20

Finanzamt B

contre

X-Beteiligungsgesellschaft mbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Prestation de services – Prestation ponctuelle – Paiement échelonné – Directive 2006/112/CE – Article 63 – Exigibilité de la taxe – Article 64, paragraphe 1 – Notion d’opération “donnant lieu à des paiements successifs” – Article 90, paragraphe 1 – Réduction de la base d’imposition – Notion de “non‑paiement” »






Introduction

1. En vertu des principes de liberté économique et de liberté contractuelle, les opérateurs du marché déterminent librement leurs relations contractuelles, tant en ce qui concerne les prestations fournies qu’en ce qui concerne leur rémunération. Ils doivent toutefois tenir compte à cet égard des conditions dans lesquelles ils exercent leurs activités, non seulement celles de nature économique mais également celles de nature juridique, y compris fiscales. La présente affaire offre une illustration des problèmes qui peuvent survenir lorsque ces conditions ne sont pas prises en compte.

2. Plus précisément, il s’agit dans cette affaire de savoir si, et dans quelle mesure, l’échelonnement du paiement de la contrepartie versée au titre d’une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la « TVA ») influe sur le moment de la naissance de l’obligation de versement de la taxe par l’assujetti.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3. L’article 63 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (2) dispose :

« Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée. »

4. Cependant, en vertu de l’article 64, paragraphe 1, de cette directive :

« Lorsqu’elles donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs, [...] les prestations de services sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces acomptes ou paiements se rapportent. »

5. L’article 66, sous b), de ladite directive prévoit quant à lui :

« Par dérogation aux articles 63, 64 et 65, les États membres peuvent prévoir que la taxe devient exigible pour certaines opérations ou certaines catégories d’assujettis à un des moments suivants :

[...]

b) au plus tard lors de l’encaissement du prix ;

[...] ».

6. Aux termes de l’article 73 de cette même directive :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

7. Enfin, l’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose :

« En cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non‑paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. »

Le droit allemand

8. La directive 2006/112 a été transposée en droit allemand par les dispositions de l’Umsatzsteuergesetz (3) (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci‑après l’« UStG »).

9. L’article 13, paragraphe 1, point 1, de cette loi dispose :

« La taxe prend naissance

1. pour les livraisons et autres prestations

a) en cas de calcul de la taxe en fonction des contreparties financières convenues (article 16, paragraphe 1, première phrase), à l’expiration de la période comptable au cours de laquelle les prestations ont été exécutées. Cela s’applique également aux prestations partielles. Il y a prestation partielle lorsque la contrepartie financière de certaines parties d’une prestation économiquement séparable est convenue séparément. Si la contrepartie financière, ou une partie de celle‑ci, est encaissée avant que la prestation ou la prestation partielle ne soit exécutée, la taxe y afférente devient exigible à l’expiration de la période comptable pendant laquelle la contrepartie ou la contrepartie partielle a été encaissée,

b) en cas de calcul de la taxe en fonction des contreparties financières encaissées (article 20), à l’expiration de la période comptable au cours de laquelle ces contreparties ont été encaissées,

[...]. »

10. En vertu de l’article 17 de l’UStG

« 1. En cas de modification de la base de calcul d’une opération imposable, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, l’entrepreneur qui a réalisé cette opération doit rectifier le montant de la taxe due à ce titre. [...]

2. Le paragraphe 1 est applicable mutatis mutandis lorsque

1) la contrepartie financière convenue pour une livraison imposable, une autre prestation ou une acquisition intracommunautaire imposable est devenue irrécouvrable. Si la contrepartie financière est encaissée ultérieurement, le montant de la taxe et la déduction doivent à nouveau être rectifiés.

[...] »

11. Enfin, l’article 20, première phrase, de l’UStG, dans sa version applicable à l’exercice fiscal litigieux, disposait :

« Le Finanzamt (l’administration des finances) peut, sur demande, autoriser un entrepreneur :

1) dont le chiffre d’affaires global (article 19, paragraphe 3) n’a pas dépassé 500 000 euros au cours de l’année civile précédente, ou

2) qui est dispensé de l’obligation de tenir des livres comptables et d’établir régulièrement des comptes sur la base d’inventaires annuels [...], ou

3) dans la mesure où il effectue des opérations au titre d’une activité exercée en tant que membre d’une profession libérale,

à calculer la taxe non pas en fonction des contreparties financières convenues (article 16, paragraphe 1, première phrase), mais en fonction des contreparties financières encaissées. »

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

12. X-Beteiligungsgesellschaft mbH, société de droit allemand (ci‑après « X »), est assujettie à la TVA en Allemagne.

13. Au cours de l’exercice fiscal 2012, X a fourni à la société T‑GmbH (ci‑après « T ») des services d’intermédiation dans le cadre de la vente d’un bien immobilier par cette dernière. Ainsi qu’il ressort de la convention d’honoraires conclue entre ces sociétés le 7 novembre 2012, au moment de la conclusion de ce contrat, X avait déjà exécuté toutes les prestations auxquelles elle était tenue.

14. Il ressort également de cette convention que les honoraires afférents auxdits services d’intermédiation étaient fixés à un montant d’un million d’euros majoré de la TVA, payable en cinq échéances de 200 000 euros majorées de la TVA. Ces échéances devaient être payées chaque année à compter du 30 juin 2013. À l’expiration du délai de paiement de chaque échéance, X établissait une facture et comptabilisait la TVA due.

15. Par décision du 22 décembre 2016, l’administration fiscale compétente a considéré que l’intégralité de la prestation de services avait été fournie par X à T au cours de l’année 2012, de sorte que X aurait dû acquitter l’intégralité de la TVA sur l’opération en cause.

16. X a introduit un recours contre cette décision devant le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne) compétent. Celui-ci a fait droit au recours en jugeant que si la prestation de services avait effectivement été fournie en 2012, le montant de la contrepartie de cette opération, à l’exception de la première échéance versée le 30 juin 2013, devait être considéré comme irrécouvrable au sens de l’article 17 de l’UStG et de l’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112. Selon cette juridiction, l’application de ces dispositions permettait d’éviter que X soit tenue de verser l’intégralité de la TVA avant d’obtenir l’intégralité de la contrepartie due pour les prestations de services fournies.

17. L’administration fiscale a formé un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. C’est dans ce contexte que le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1) Suffit-il qu’un paiement échelonné soit stipulé pour considérer qu’une prestation ponctuelle, qui n’est donc pas fournie au cours d’une période déterminée, donne lieu à des décomptes ou à des paiements successifs, au sens de l’article 64, paragraphe 1, de la directive TVA ?

2) À titre subsidiaire, en cas de réponse négative à la première question : doit-on considérer qu’il y a non‑paiement au sens de l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, si, lors de la fourniture de sa prestation, l’assujetti est convenu que celle‑ci sera rémunérée au moyen de cinq paiements annuels et que, en cas de paiement ultérieur, le droit national prévoit une rectification ayant pour effet d’annuler la réduction antérieure de la base d’imposition consentie en vertu de cette disposition ? »

18. La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 22 juillet 2020. Des observations écrites ont été présentées par X, le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne et la Commission européenne. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience.

Analyse

Considérations liminaires

Sur les constatations factuelles

19. Dans la demande de décision préjudicielle déférée dans la présente affaire, la juridiction de renvoi se fonde sur les constatations factuelles de la juridiction de première instance, ayant retenu que la prestation prévue dans le cadre de l’opération litigieuse revêtait un caractère ponctuel et avait été intégralement exécutée par X en 2012, de telle sorte que la contrepartie d’un montant d’un million d’euros, majoré de la TVA, correspondait à des prestations intégralement réalisées en 2012.

20. X conteste...

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