Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 2 September 2021.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62020CC0226 |
ECLI | ECLI:EU:C:2021:689 |
Date | 02 September 2021 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GIOVANNI PITRUZZELLA
présentées le 2 septembre 2021 (1)
Affaire C‑226/20 P
Eurofer, Association Européenne de l’Acier, AISBL
contre
Commission européenne
« Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2017/1795 – Importation de produits plats laminés à chaud, en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés – Clôture de la procédure concernant les importations originaires de Serbie – Règlement (UE) 2016/1036 – Articles 3, paragraphe 4, sous a), et 9, paragraphes 2 et 3 – Détermination de l’existence d’un préjudice – Évaluation cumulative des effets des importations en provenance de plus d’un pays – Caractère “négligeable” du volume des importations en provenance d’un pays donné – Clôture de la procédure – Article 20, paragraphe 2 – Violation des droits de la défense »
1. Dans le cadre d’une enquête antidumping, la Commission européenne peut-elle considérer comme « négligeable » un volume d’importations dans l’Union européenne, en provenance d’un pays donné, qui représente une part de marché de 1,04 % et qui est donc – légèrement – supérieur au seuil de 1 % ? Dans ces conditions, la Commission peut-elle par conséquent décider de ne pas évaluer les effets des importations en provenance de ce pays de façon cumulative avec les importations en provenance des autres pays faisant l’objet de l’enquête et, partant, décider de clôturer l’enquête en ce qui concerne les importations en provenance dudit pays ?
2. Telles sont en substance les questions que la Cour devra traiter dans la présente affaire qui porte sur un pourvoi par lequel Eurofer, Association Européenne de l’Acier, AISBL (ci‑après « Eurofer ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 mars 2020, Eurofer/Commission, (ci‑après l’« arrêt attaqué ») (2), ayant rejeté le recours d’Eurofer tendant à l’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) 2017/1795 (3) (ci‑après le « règlement litigieux »), par lequel la Commission a clôturé l’enquête antidumping concernant les importations dans l’Union de certains produits plats laminés à chaud, en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés originaires de Serbie.
I. Le cadre juridique
3. L’article 3 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (ci‑après le « règlement de base ») (4), intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », prévoit à ses paragraphes 3 et 4 :
« 3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.
4. Lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que s’il a été établi que :
a) la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, et le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable ; et
b) une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et un produit similaire de l’Union ».
4. L’article 5, paragraphe 7, du règlement de base dispose :
« Les éléments de preuve relatifs au dumping et au préjudice sont examinés simultanément afin de décider si une enquête sera ouverte ou non. Une plainte est rejetée lorsque les éléments de preuve relatifs au dumping ou au préjudice sont insuffisants pour justifier la poursuite du dossier. Une procédure n’est pas ouverte à l’encontre de pays dont les importations représentent une part de marché inférieure à 1 %, à moins que collectivement ces pays représentent 3 %, ou davantage, de la consommation de l’Union ».
5. L’article 9 du règlement de base dispose à ses paragraphes 2 et 3 :
« 2. Lorsque aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire, l’enquête ou la procédure est close. (…)
3. Pour les procédures ouvertes conformément à l’article 5, paragraphe 9, le préjudice est en principe considéré comme négligeable lorsque les importations concernées représentent moins que les volumes prévus à l’article 5, paragraphe 7. Ces mêmes procédures sont immédiatement closes lorsqu’il a été établi que la marge de dumping, en pourcentage des prix à l’exportation, est inférieure à 2 %, étant entendu que seule l’enquête est close lorsque la marge est inférieure à 2 % pour des exportateurs individuels et que ceux‑ci restent soumis à la procédure et peuvent faire l’objet d’une nouvelle enquête lors de tout réexamen ultérieur effectué pour le pays concerné en vertu de l’article 11 ».
6. L’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base dispose :
« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d’information sont adressées par écrit immédiatement après l’institution des mesures provisoires et l’information est donnée par écrit aussitôt que possible.
2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires ».
II. Les faits et le règlement litigieux
7. Le cadre factuel est exposé aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué, auxquels je renvoie pour plus de détails. Aux fins de la présente procédure, je rappelle simplement qu’à la suite d’une plainte déposée le 23 mai 2016 par Eurofer, la Commission européenne a ouvert une enquête antidumping concernant les importations, dans l’Union européenne, de certains produits plats laminés à chaud, en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés, originaires du Brésil, d’Iran, de Russie, de Serbie et d’Ukraine. L’enquête a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016 (ci‑après la « période d’enquête »).
8. Cette enquête a abouti à l’adoption, par la Commission, le 5 octobre 2017, du règlement litigieux.
9. Il ressort des considérants 232 à 236 dudit règlement, repris aux points 52 à 58 de l’arrêt attaqué, que la Commission a considéré, dans ce règlement, les volumes des importations en provenance de Serbie comme étant « négligeables » au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, au motif que ce volume avait baissé au cours de la période d’enquête et s’élevait à une part de marché de 1,04 % seulement. À cet égard, au considérant 232 du règlement litigieux, la Commission a observé ce qui suit : « [l]a Commission a coutume de considérer comme “négligeable” toute part de marché inférieure au seuil de 1 % établi par le règlement de base au stade de l’ouverture. Toutefois, la Commission a considéré en l’espèce qu’un taux de 1,04 % restait négligeable, car le surplus de 0,04 % devait être considéré comme insignifiant, en particulier lorsque, par comparaison, les volumes d’importation provenant de Serbie sont considérablement inférieurs à ceux provenant de chacun des quatre autres pays. De fait, les volumes d’importation provenant de Serbie représentaient pratiquement la moitié de ceux provenant du Brésil, deuxième pays présentant les volumes d’importation les plus faible ».
10. La Commission a ensuite rejeté l’argumentation d’Eurofer faisant valoir que les importations serbes auraient dû faire l’objet d’une évaluation cumulative avec celles des autres pays étant donné qu’elles avaient dépassé le seuil de minimis de 1 %. À cet égard, au considérant 234 du règlement litigieux, la Commission a considéré ce qui suit :
« La décision d’évaluer les importations cumulativement ou non doit être prise sur la base de tous les critères énoncés à l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base. L’article 3, paragraphe 4, du règlement de base n’accorde pas d’importance particulière à l’un ou l’autre de ces critères individuels. S’il est vrai que les importations en provenance d’un pays ne peuvent pas être cumulées dès lors que leur volume est négligeable, l’inverse ne signifie pas qu’elles doivent être cumulées ipso facto. En outre, le règlement de base ne fixe pas explicitement de seuils de minimis. Bien que l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base puisse apporter des orientations en ce qui concerne les volumes d’importation négligeables, l’article 3, paragraphe 4, ne renvoie pas à ces seuils. Au contraire, son libellé donne à la Commission suffisamment de marge de manœuvre pour mener une analyse au cas par cas tenant compte du fait que les volumes “supplémentaires” de 0,04 % n’étaient pas significatifs ».
11. Ensuite, la Commission a relevé, au considérant 235...
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