Miljoen

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:429
Date25 June 2015
Celex Number62014CC0017
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62014CC0010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 25 juin 2015 ( 1 )

Affaires jointes C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14

J. B. G. T. Miljoen (C‑10/14),

X (C‑14/14),

Société Générale SA (C‑17/14)

contre

Staatssecretaris van Financiën

[demandes de décision préjudicielle formées par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas)]

«Fiscalité directe — Article 63 TFUE — Libre circulation des capitaux — Restriction causée par la législation d’un État membre — Prélèvement à la source d’un impôt sur les revenus issus de dividendes distribués par une société établie dans cet État — Différence de traitement entre les contribuables résidents et les contribuables non‑résidents — Critères de comparaison — Prise en compte dans la comparaison de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés à l’égard duquel l’impôt sur les dividendes s’impute d’une façon systématique seulement pour les résidents — Éléments à inclure dans l’évaluation de la charge fiscale réelle pesant sur ces deux catégories de contribuables — Possibilité de neutraliser la restriction grâce à une convention conclue avec un autre État membre aux fins d’éviter la double imposition»

I – Introduction

1.

Les trois demandes de décision préjudicielle introduites par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas) ( 2 ) sont relatives à l’interprétation de l’article 63 TFUE, sous l’angle de l’articulation entre le principe de la libre circulation des capitaux entre les États membres qui est posé par cet article et la teneur de dispositions relatives à la fiscalité directe ayant été adoptées par un État membre. Les entraves de nature fiscale pouvant exister à l’égard de cette liberté ont déjà fait l’objet d’une très riche jurisprudence de la Cour, mais ces affaires présentent la particularité de porter sur une législation en vertu de laquelle des dividendes sortants font l’objet d’une imposition dans l’État membre de la source non seulement s’ils sont versés à des actionnaires résidant sur son territoire, mais également s’ils sont versés à des actionnaires résidant dans un autre État membre.

2.

Lesdites demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant l’administration fiscale néerlandaise à trois contribuables établis dans un autre État membre, à savoir respectivement deux personnes physiques de nationalité néerlandaise résidant en Belgique et une société de droit français dont le siège est situé en France.

3.

Les intéressés font tous grief à cette administration d’avoir refusé de leur restituer l’impôt, retenu à la source, sur les dividendes de portefeuille leur ayant été distribués par des sociétés néerlandaises. Ils font valoir qu’en vertu du droit néerlandais, les contribuables qui résident aux Pays‑Bas ont, en toutes circonstances, la faculté de déduire ladite retenue de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés qu’ils doivent acquitter, tandis que les non‑résidents se trouvent privés d’un tel avantage. Selon eux, il résulte de cette législation nationale une différence de traitement fiscal qui est constitutive d’une entrave à la libre circulation des capitaux.

4.

En réponse, les autorités néerlandaises objectent que les revenus issus de dividendes sont taxés aux Pays‑Bas selon les mêmes modalités, quel que soit le lieu où est établie la personne physique ou la société qui les perçoit, et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte des avantages qui sont offerts aux seuls résidents à un autre titre. Elles ajoutent que dans l’hypothèse où une entrave serait néanmoins considérée comme possible, les conséquences négatives de celle‑ci pourraient être neutralisées par l’application d’une convention conclue avec l’État membre où réside l’intéressé défavorisé, laquelle permettrait une compensation du chef de l’impôt qui est dû, en l’occurrence, en Belgique ou en France.

5.

Afin de pouvoir déterminer si la législation en cause génère une restriction interdite au sens de l’article 63 TFUE, la juridiction de renvoi souhaite que la Cour précise, en premier lieu, quels sont les éléments pertinents pour comparer la situation fiscale des non‑résidents à celle des résidents en présence de dispositions nationales telles que celles applicables aux litiges au principal, à supposer que ces situations soient bien objectivement comparables. Elle se demande plus particulièrement s’il y a lieu ou non de prendre en considération la faculté, qui se trouve réservée aux résidents, de pouvoir systématiquement déduire l’impôt sur les dividendes, conçu comme un précompte, c’est‑à‑dire un paiement anticipé, pour diminuer le montant d’un autre impôt, respectivement l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, voire de se faire rembourser ce premier impôt dans la mesure où ils ne sont pas imposables au titre du second.

6.

Dans l’hypothèse où ladite possibilité serait jugée déterminante par la Cour, cette dernière est alors invitée à définir, en deuxième lieu, la manière dont il faut apprécier si la charge fiscale réelle pesant sur les non‑résidents, personnes physiques ou sociétés, est plus élevée que celle pesant sur les résidents, et notamment s’il convient de tenir compte à cet égard de données telles que la tranche exonérée d’impôt dont bénéficient les résidents ou divers frais liés aux actions dont résultent les dividendes.

7.

En troisième lieu, la Cour est interrogée sur les conditions dans lesquelles une convention tendant à éviter la double imposition, telles que celles qui ont été conclues entre le Royaume des Pays‑Bas et, respectivement, le Royaume de Belgique ou la République française, pourrait produire un effet correcteur qui pourrait neutraliser les conséquences d’un traitement différencié désavantageant les non‑résidents.

8.

À titre complémentaire, il y a lieu d’observer que ni la juridiction de renvoi, ni le gouvernement néerlandais ne font état d’une quelconque raison impérieuse d’intérêt général qui pourrait, le cas échéant, justifier la restriction à la libre circulation des capitaux dont l’impact négatif ne serait pas corrigé par de telles conventions bilatérales conformément aux exigences de la jurisprudence ( 3 ).

II – Le cadre juridique néerlandais

A – Les dispositions pertinentes de source interne

1. La loi relative à l’impôt sur les dividendes

9.

L’article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1965 relative à l’impôt sur les dividendes ( 4 ), dans sa version applicable aux litiges au principal (ci‑après la «loi relative à l’impôt sur les dividendes»), prévoit qu’«un impôt direct» dénommé «impôt sur les dividendes» est prélevé à la charge de «ceux qui – directement ou au moyen de certificats – recueillent des revenus d’actions émises par […] des sociétés anonymes, des sociétés privées à responsabilité limitée, des sociétés en commandite et d’autres sociétés établies aux Pays‑Bas dont le capital est réparti totalement ou partiellement en actions».

10.

L’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette loi définit l’assiette de l’impôt sur les dividendes, en incluant, notamment, toutes les «distributions directes ou indirectes de bénéfice, sous quelque désignation ou quelque forme que ce soit […]». En vertu de l’article 5 de ladite loi, le taux de cet impôt s’élève à 15 % desdits revenus d’actions.

2. La loi relative à l’impôt sur le revenu

11.

La loi de 2001 relative à l’impôt sur le revenu ( 5 ), dans sa version applicable aux litiges au principal dans les affaires C‑10/14 et C‑14/14 (ci‑après la «loi relative à l’impôt sur le revenu»), définit le régime de l’impôt prélevé sur les revenus des personnes physiques.

12.

L’article 2.13 de ladite loi fixe à 30 % le taux d’imposition applicable au revenu provenant de l’épargne et des placements, lequel relève de la catégorie des revenus imposables qui est usuellement qualifiée de «case 3» ou de «rubrique 3».

13.

L’article 5.1 énonce que le «revenu provenant de l’épargne et des placements» est constitué de «l’avantage tiré de l’épargne et des placements diminué de la déduction personnelle».

14.

En vertu de l’article 5.2, l’«avantage tiré de l’épargne et des placements» est fixé de façon forfaitaire à 4 % de la moyenne entre «la base du rendement au début de l’année civile (date de début)» et «la base du rendement à la fin de l’année civile (date de fin)», «pour autant que ladite moyenne est supérieure à la tranche exonérée du patrimoine».

15.

L’article 5.3, paragraphe 1, définit la «base du rendement» comme étant «la valeur des avoirs minorée de la valeur des dettes». Son paragraphe 2 inclut parmi les «avoirs», notamment, les droits sur des biens immobiliers ou mobiliers et les droits ne portant pas sur des biens réels, tel un montant financier. Son paragraphe 3 indique que les «dettes» sont des obligations ayant une valeur économique prise en compte dans les conditions y énoncées.

16.

Selon l’article 5.5, paragraphe 1, «[l]e capital exonéré d’impôt s’élève à 20014 euros». Les paragraphes 2 à 4 dudit article adaptent cette règle dans le cas particulier d’un contribuable ayant un «partenaire».

17.

L’article 9.2, paragraphe 1, sous b), énonce que le prélèvement de l’impôt sur le dividende perçu est qualifié de «précompte», c’est‑à‑dire un paiement anticipé susceptible, par imputation, de venir minorer l’impôt sur le revenu dû aux Pays‑Bas.

3. La loi relative à l’impôt sur les sociétés

18.

L’article 3, sous a), de la loi de 1969 relative à l’impôt sur les sociétés ( 6 ), dans sa version applicable au litige au principal dans l’affaire C‑17/14 (ci‑après la «loi relative à l’impôt sur les sociétés»), prévoit que les personnes morales non établies aux Pays‑Bas qui recueillent des revenus...

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