Roumanie contre Commission européenne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:686
Docket NumberC-498/19
Date10 September 2020
Celex Number62019CJ0498
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

10 septembre 2020 (*)

« Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Décision de la Commission européenne excluant des dépenses du financement de l’Union européenne – Notification au destinataire – Erreur d’impression de l’annexe – Publication de la décision au Journal officiel de l’Union européenne – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Principe de sécurité juridique – Respect du principe du contradictoire »

Dans l’affaire C‑498/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 juin 2019,

Roumanie, représentée initialement par M. C.-R. Canţăr ainsi que par Mmes E. Gane, O.-C. Ichim et M. Chicu, puis par Mmes E. Gane, O.-C. Ichim et M. Chicu, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme J. Aquilina et M. A. Biolan, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. L. Bay Larsen et N. Jääskinen (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Roumanie demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 30 avril 2019, Roumanie/Commission (T‑530/18, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:269), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29, ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle concerne certaines dépenses effectuées par cet État membre.

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2 Le 13 juin 2018, la Commission européenne a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle a appliqué à la Roumanie une correction financière d’un montant total de 90 133 370,64 euros concernant, notamment, d’une part, la sous-mesure 1a eu égard aux mesures relevant du Système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) dans le cadre du « Développement rural Feader » pour les exercices financiers 2015 et 2016 et, d’autre part, les sous-mesures 3a, 5a, 3b et 4b eu égard aux mesures non liées à la surface dans le cadre du « Développement rural Feader Axe 2 » pour l’exercice financier 2014.

3 L’article 2 de la décision litigieuse prévoit notamment que « la Roumanie [es]t destinataire [...] de la présente décision ».

4 Le 14 juin 2018, la décision litigieuse a été notifiée à la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne, sous le numéro C(2018) 3826.

5 Le 15 juin 2018, la décision litigieuse a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2018, la Roumanie a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse.

7 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 octobre 2018, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le 26 novembre 2018, la Roumanie a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

8 Par mesure d’organisation de la procédure du 24 janvier 2019, le Tribunal a demandé à la Commission des renseignements concernant d’éventuelles différences entre la version notifiée et la version publiée de la décision litigieuse. Par courrier du 4 février 2019, la Commission a déféré à la demande du Tribunal en fournissant les renseignements demandés.

9 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que le recours de la Roumanie avait été introduit après l’expiration du délai prescrit et qu’il était, dès lors, tardif.

10 Le Tribunal a jugé, au point 32 de l’ordonnance attaquée, que le délai de recours contre la décision litigieuse avait commencé à courir à compter du jour de la notification de cette décision à la représentation permanente de la Roumanie, intervenue le 14 juin 2018, et non à compter de celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. Conformément au règlement de procédure du Tribunal, le délai de recours, délai de distance inclus, avait expiré, selon le Tribunal, le 24 août 2018 à minuit.

11 Le Tribunal, ayant constaté la tardivité du recours, a rejeté celui-ci comme étant irrecevable.

Les conclusions des parties devant la Cour

12 Par son pourvoi, la Roumanie demande à la Cour :

– de déclarer recevable le pourvoi ;

– d’annuler l’ordonnance attaquée ;

– de statuer à nouveau sur l’affaire T‑530/18 et d’annuler partiellement la décision litigieuse ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci annule partiellement la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens.

13 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la Roumanie aux dépens.

Sur le pourvoi

14 Au soutien de son pourvoi, la Roumanie invoque deux moyens. D’une part, elle soutient que le Tribunal a violé les dispositions du droit de l’Union régissant le délai de recours contre la décision litigieuse, notamment les articles 263 et 297 TFUE ainsi que le principe de sécurité juridique. D’autre part, la Roumanie fait valoir que le Tribunal a violé le principe du contradictoire au regard de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal en ne lui ayant pas accordé la possibilité de présenter ses observations lors d’une mesure d’organisation de la procédure adressée par celui-ci à la Commission.

Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 263 et 297 TFUE ainsi que du principe de sécurité juridique

15 Ce moyen se divise, en substance, en quatre branches. Premièrement, la Roumanie fait valoir que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation en considérant que la notification de la décision litigieuse effectuée par la Commission était de nature à faire courir le délai prévu par l’article 263 TFUE. Deuxièmement, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur dans l’interprétation des articles 263 et 297 TFUE en ce qui concerne les effets de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision litigieuse. Troisièmement, elle fait valoir que le Tribunal a méconnu le principe de sécurité juridique en estimant que les discordances entre la version notifiée et la version publiée de la décision litigieuse constituaient une erreur rédactionnelle mineure. Quatrièmement, la Roumanie soutient que le Tribunal a considéré à tort que les différences entre ces versions de la décision litigieuse visant d’autres États membres étaient dénuées de pertinence et inopérantes.

16 La Commission conclut au rejet du premier moyen.

Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’erreur commise par le Tribunal lorsqu’il a estimé que le délai de recours avait été déclenché par la notification de la décision litigieuse

Argumentation des parties

17 La Roumanie fait valoir, tout d’abord, que le Tribunal a constaté de manière prématurée, au point 31 de l’ordonnance attaquée, « que la décision [litigieuse] a pris effet à l’égard de la Roumanie par sa notification, intervenue le 14 juin 2018 », sans avoir réalisé une analyse concrète de cette dernière. Elle rappelle à cet égard qu’une décision est dûment notifiée, au sens du traité FUE, dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance.

18 Elle soutient, ensuite, que l’existence de toute erreur portant sur les éléments essentiels d’une décision, telle que la décision litigieuse, constitue une atteinte au principe de sécurité juridique qui exige que tout acte des institutions produisant des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé. Cet impératif s’impose, selon elle, avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’un acte susceptible de comporter des conséquences financières, tel que celui en l’espèce, afin de permettre à l’intéressé de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui lui sont imposées.

19 Selon la Roumanie, le Tribunal a considéré de manière erronée, aux points 50 et 52 à 54 de l’ordonnance attaquée, que les différences entre la version notifiée et la version publiée de la décision litigieuse étaient la conséquence d’une erreur formelle et mineure, ne l’empêchant pas de prendre connaissance du contenu et des motifs de cette décision. Elle fait valoir, en outre, que le Tribunal a réalisé cette appréciation sans disposer de repère lui permettant d’effectuer un classement entre les différentes catégories d’erreurs.

20 Plus particulièrement, en ce qui concerne le point 53 de l’ordonnance attaquée, la Roumanie conteste l’appréciation du Tribunal selon laquelle elle aurait pu déduire facilement du texte de la décision litigieuse que le mot « montant », figurant dans la version notifiée de celle-ci, faisait en réalité référence à l’expression « montant estimé », employée dans la version publiée, car seuls quatre types de correction auraient pu être mentionnés, sous les dénominations « ponctuelle », « forfaitaire », « extrapolée » et « montant estimé ». Cette appréciation est erronée, selon elle, en raison du fait que les dispositions applicables en la matière prévoient uniquement trois types de correction possibles, sous les appellations « calculées », « extrapolées » et « forfaitaires ». Elle soutient à cet égard que la référence « montant », ne correspondant pas aux trois corrections existantes dans la réglementation de...

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