Arrêt du Tribunal (neuvième chambre élargie) du 5 octobre 2020.#Casino, Guichard-Perrachon et Achats Marchandises Casino SAS (AMC), anciennement EMC Distribution contre Commission européenne.#Concurrence – Ententes – Procédure administrative ‐ Décision ordonnant une inspection – Exception d’illégalité de l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 – Droit à un recours effectif – Égalité des armes – Obligation de motivation – Droit à l’inviolabilité du domicile – Indices suffisamment sérieux – Proportionnalité.#Affaire T-249/17.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2020:458
Docket NumberT-249/17
Date05 October 2020
Celex Number62017TJ0249
CourtGeneral Court (European Union)

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

5 octobre 2020 (*)

« Concurrence – Ententes – Procédure administrative ‐ Décision ordonnant une inspection – Exception d’illégalité de l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 – Droit à un recours effectif – Égalité des armes – Obligation de motivation – Droit à l’inviolabilité du domicile – Indices suffisamment sérieux – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑249/17,

Casino, Guichard-Perrachon, établie à Saint-Étienne (France),

Achats Marchandises Casino SAS (AMC), anciennement EMC Distribution, établie à Vitry-sur-Seine (France),

représentées par Mes D. Théophile, I. Simic, O. de Juvigny, T. Reymond, A. Sunderland et G. Aubron, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Mongin, A. Dawes et I. Rogalski, en qualité d’agents, assistés de Me F. Ninane, avocate,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Boelaert, S. Petrova et M. O. Segnana, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1054 final de la Commission, du 9 février 2017, ordonnant à Casino, Guichard-Perrachon ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil (affaire AT.40466 – Tute 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, R. da Silva Passos, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

I. Cadre juridique

1 L’article 20 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), intitulé « Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection », dispose :

« 1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

2. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :

a) accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ;

b) contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;

c) prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ;

d) apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ;

e) demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.

3. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection exercent leurs pouvoirs sur production d’un mandat écrit qui indique l’objet et le but de l’inspection, ainsi que la sanction prévue à l’article 23 au cas où les livres ou autres documents professionnels qui sont requis seraient présentés de manière incomplète et où les réponses aux demandes faites en application du paragraphe 2 du présent article seraient inexactes ou dénaturées. La Commission avise, en temps utile avant l’inspection, l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

5. Les agents de l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée ainsi que les agents mandatés ou désignés par celle-ci doivent, à la demande de cette autorité ou de la Commission, prêter activement assistance aux agents et aux autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission. Ils disposent à cette fin des pouvoirs définis au paragraphe 2.

6. Lorsque les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission constatent qu’une entreprise s’oppose à une inspection ordonnée en vertu du présent article, l’État membre intéressé leur prête l’assistance nécessaire, en requérant au besoin la force publique ou une autorité disposant d’un pouvoir de contrainte équivalent, pour leur permettre d’exécuter leur mission d’inspection.

7. Si, en vertu du droit national, l’assistance prévue au paragraphe 6 requiert l’autorisation d’une autorité judiciaire, cette autorisation doit être sollicitée. L’autorisation peut également être demandée à titre préventif.

8. Lorsqu’une autorisation visée au paragraphe 7 est demandée, l’autorité judiciaire nationale contrôle que la décision de la Commission est authentique et que les mesures coercitives envisagées ne sont ni arbitraires ni excessives par rapport à l’objet de l’inspection. Lorsqu’elle contrôle la proportionnalité des mesures coercitives, l’autorité judiciaire nationale peut demander à la Commission, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité de concurrence de l’État membre, des explications détaillées, notamment sur les motifs qui incitent la Commission à suspecter une violation des articles [101] et [102 TFUE], ainsi que sur la gravité de la violation suspectée et sur la nature de l’implication de l’entreprise concernée. Cependant, l’autorité judiciaire nationale ne peut ni mettre en cause la nécessité de l’inspection ni exiger la communication des informations figurant dans le dossier de la Commission. Le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice. »

II. Antécédents du litige

2 Casino, Guichard-Perrachon, la première requérante (ci-après « Casino »), est la société mère du groupe Casino, qui exerce ses activités notamment en France, principalement dans le secteur de la distribution alimentaire et non alimentaire. Sa filiale, Achats Marchandises Casino SAS (AMC), anciennement EMC Distribution, la seconde requérante, est une centrale de référencement qui négocie les conditions d’achat auprès des fournisseurs pour les enseignes du groupe Casino en France.

3 Ayant reçu des informations relatives à des échanges d’informations entre la première requérante et d’autres entreprises ou associations d’entreprises, notamment Intermarché, société qui exerce également ses activités dans le secteur de la distribution alimentaire et non alimentaire, la Commission européenne a adopté, le 9 février 2017, la décision C(2017) 1054 final ordonnant à Casino, Guichard-Perrachon ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement nº 1/2003 (affaire AT.40466 – Tute 1) (ci-après la « décision attaquée »).

4 Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Casino […], ainsi que toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle, sont tenues de se soumettre à une inspection concernant leur éventuelle participation à des pratiques concertées contraires à l’article 101 [TFUE] dans les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante, dans le marché de vente de services aux fabricants de produits de marque et dans les marchés de vente aux consommateurs de biens de consommation courante. Ces pratiques concertées consistent en :

a) des échanges d’informations, depuis 2015, entre des entreprises et/ou des associations d’entreprises, notamment ICDC […], et/ou ses membres, notamment Casino et AgeCore et/ou ses membres, notamment Intermarché, concernant les rabais obtenus par eux sur les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante dans les secteurs des produits alimentaires, produits d’hygiène et produits d’entretien et les prix sur le marché de vente de services aux fabricants de produits de marque dans les secteurs des produits alimentaires, produits d’hygiène et produits d’entretien, dans plusieurs États membres de l’Union européenne, notamment la France, et

b) des échanges d’informations, depuis au moins 2016, entre Casino et Intermarché concernant leurs stratégies commerciales futures, notamment en termes d’assortiment, de développement de magasins, d’e-commerce et de politique promotionnelle sur les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante et sur les marchés de vente aux consommateurs de biens de consommation courante, en France.

Cette inspection peut avoir lieu dans n’importe quel local de l’entreprise […]

Casino autorise les fonctionnaires et autres personnes mandatées par la Commission pour procéder à une inspection et les fonctionnaires et autres personnes mandatées par l’autorité de concurrence de l’État membre concerné pour les aider ou nommées par ce dernier à cet effet, à accéder à tous ses locaux et moyens de transport pendant les heures normales de bureau. Elle soumet à inspection les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support, si les fonctionnaires et autres personnes mandatées en font la demande et leur permet de les examiner sur place et de prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents. Elle autorise...

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