conclusiones del Abogado General Saugmandsgaard Øe presentadas en el asunto Brussels Securities

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:680
Celex Number62018CC0389
CourtCourt of Justice (European Union)
Date05 September 2019

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 5 septembre 2019 (1)

Affaire C389/18

Brussels Securities SA

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents – Directive 90/435/CEE –Article 4, paragraphe 1, premier tiret – Réglementation nationale visant à supprimer la double imposition des bénéfices distribués par une filiale – Dividendes déduits de la base imposable de la société mère uniquement dans la mesure de l’existence de bénéfices imposables –Possibilité de report des excédents illimitée dans le temps – Ordre d’imputation impératif des montants déductibles »






I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique) est relative à l’interprétation de l’article 4 de la directive 90/435/CEE, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (2), telle que modifiée par la directive 2006/98/CE (3) (ci‑après la « directive 90/435 »).

2. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 90/435, quand des bénéfices distribués sont perçus par une société mère à titre d’associée de sa filiale sise dans un autre État membre, l’État membre dans lequel la société mère est établie peut opter pour la voie consistant à s’abstenir d’imposer ces bénéfices. Ainsi, lors de la transposition de cette disposition, le Royaume de Belgique a adopté un système visant à ce que les sociétés mères établies sur son territoire soient, dans une certaine mesure, dispensées d’acquitter des impôts sur les dividendes reçus de leurs filiales établies dans d’autres États membres, afin d’éviter une double imposition de tels bénéfices.

3. La Cour s’est déjà penchée à différentes reprises sur le régime belge de l’impôt sur les revenus des sociétés et, en particulier, sur deux dispositifs, à savoir les revenus définitivement taxés (ci‑après les « RDT ») et la déduction pour capital à risque (ci‑après la « DCR »), qui permettent que les bénéfices concernés soient, dans des conditions bien spécifiques, déduits de la base imposable d’une société (4).

4. La présente affaire s’inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence et dans le cadre d’un litige ayant essentiellement pour objet le fait que le droit belge exige, d’une part, que les dividendes reçus de ses filiales par une société mère soient d’abord inclus dans la base imposable de celle‑ci puis déduits au titre des RDT, avec désormais une possibilité de report sur tous les exercices d’imposition suivants, et, d’autre part, que ces RDT soient imputés avant la DCR, dont le report vers des exercices ultérieurs est en revanche limité dans le temps.

5. En substance, la Cour est invitée à déterminer si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435 s’oppose à une réglementation nationale prévoyant une telle inclusion préalable des dividendes dans les bénéfices imposables d’une société mère combinée à un tel ordre d’imputation d’éléments déductibles de cette nature. Pour les motifs exposés dans les présentes conclusions, j’estime qu’il convient de répondre par l’affirmative à la question posée.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6. Bien qu’ayant été abrogée par la directive 2011/96/UE (5), avec effet au 18 janvier 2012, la directive 90/435 est applicable ratione temporis, eu égard à la date des faits du litige au principal.

7. Le quatrième considérant de la directive 90/435 énonce que « lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués, l’État de la société mère doit :

– ou bien s’abstenir d’imposer ces bénéfices,

– ou bien les imposer, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices ».

8. Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive :

« 1. Lorsqu’une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l’association entre la société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de cette dernière, l’État de la société mère et l’État de son établissement stable :

– soit s’abstiennent d’imposer ces bénéfices,

– soit les imposent tout en autorisant la société mère et l’établissement stable à déduire du montant de leur impôt la fraction de l’impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale et toute sous‑filiale, à condition qu’à chaque niveau la société et sa sous‑filiale respectent les exigences prévues aux articles 2 et 3, dans la limite du montant dû de l’impôt correspondant.

[...]

2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins‑values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale. »

B. Le droit belge

1. Le code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992)

9. La directive 90/435 a été transposée en droit belge par la loi du 23 octobre 1991 (6), qui a modifié le régime des RDT alors en vigueur. Puis une codification de la réglementation en matière d’impôt sur les revenus, et en particulier des dispositions relatives aux RDT, est intervenue au cours de l’année 1992 (7).

10. Les dispositions pertinentes du code des impôts sur les revenus 1992 (8) dans sa version applicable à l’affaire au principal, à savoir celle applicable pour l’exercice d’imposition 2011 (ci‑après le « CIR 1992 »), sont libellées de la façon suivante.

11. S’agissant des RDT, l’article 202, paragraphe 1, 1°, du CIR 1992 prévoit que « [d]es bénéfices de la période imposable sont également déduits, dans la mesure ou' ils s’y retrouvent[,] les dividendes, à l’exception des revenus qui sont obtenus à l’occasion de la cession à une société de ses propres actions ou parts ou lors du partage total ou partiel de l’avoir social d’une société ».

12. L’article 204, paragraphe 1, du CIR 1992 énonce que « [l]es revenus déductibles conformément à l’article 202, paragraphe 1, 1°[,] sont censés se retrouver dans les bénéfices de la période imposable à concurrence de 95 % du montant encaissé ou recueilli [...] ».

13. Aux termes de l’article 205, paragraphes 2 et 3, du CIR 1992 :

« 2. La déduction prévue à l’article 202 est limitée au montant des bénéfices de la période imposable, tel qu’il subsiste après application de l’article 199, diminué [des charges énumérées ci‑après].

Les diminutions énumérées à l’alinéa 1 ne s’appliquent pas aux revenus visés à l’article 202, paragraphe 1, 1°[,] alloués ou attribués par une société filiale établie dans un État membre de l’Union européenne.

Pour l’application de l’alinéa précédent, on entend par société filiale, la société filiale telle qu’elle est définie dans la directive [90/435].

3. Les revenus, à concurrence de 95 % de leur montant, visés à l’article 202, paragraphe 1, 1°[,] alloués ou attribués par une société filiale visée au paragraphe 2, alinéa 3, et établie dans un État membre de l’Union européenne, qui n’ont pu être déduits peuvent être reportés sur les exercices d’imposition postérieurs. »

14. S’agissant de la DCR, l’article 205 ter, paragraphe 1, premier alinéa, du CIR 1992 énonce que « pour déterminer la [DCR] pour une période imposable, le capital à risque à prendre en considération correspond, sous réserve des dispositions des paragraphes 2 à 7, au montant des capitaux propres de la société, à la fin de la période imposable précédente, déterminés conformément à la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels tels qu’ils figurent au bilan ».

15. Aux termes de l’article 205 quinquies du CIR 1992, « [e]n cas d’absence ou d’insuffisance de bénéfices d’une période imposable pour laquelle la [DCR] peut être déduite, l’exonération non accordée pour cette période imposable est reportée successivement sur les bénéfices des sept périodes imposables suivantes ».

16. S’agissant des pertes professionnelles subies au cours des exercices d’imposition précédents, l’article 206, paragraphe 1, premier alinéa, du CIR 1992 prévoit que ces pertes antérieures récupérables « sont successivement déduites des revenus professionnels de chacune des périodes imposables suivantes ».

17. En vertu de l’article 207 du CIR 1992, « [l]e Roi détermine les modalités suivant lesquelles s’opèrent les déductions prévues aux articles 199 à 206 ».

2. L’arrêté royal d’exécution du CIR 1992 (AR/CIR 1992)

18. Les dispositions pertinentes de l’arrêté royal d’exécution du CIR 1992 (9) dans sa version applicable pour l’exercice d’imposition 2011 (ci‑après l’« AR/CIR 1992 ») sont libellées de la façon suivante.

19. Figurant dans le chapitre I de l’AR/CIR 1992, intitulé « Assiette et calcul des impôts », la section XXVIII, intitulée « Détermination du revenu imposable en matière d’impôt des sociétés », contient les articles 74 à 79 de cet instrument.

20. L’article 77 de l’AR/CIR 1992 dispose que « [l]es montants visés aux articles 202 à 205 du [CIR] 1992 déductibles à titre de [RDT] ou de revenus mobiliers exonérés sont déduits à concurrence des bénéfices restant après application de l’article 76 ; cette déduction s’opère eu égard à la provenance des bénéfices, par priorité sur ceux dans lesquels lesdits montants sont compris ».

21. Aux termes de l’article 77/1 de l’AR/CIR 1992, « [l]a déduction pour revenus de brevets visée aux articles 205/1 à 205/4 du [CIR] 1992 est déduite à concurrence des bénéfices restant après application de l’article 77 ».

22. L’article 77 bis de l’AR/CIR 1992 énonce que « [l]a [DCR] visée aux...

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