Zako SPRL contra Sanidel SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:625
Docket NumberC-452/17
Celex Number62017CC0452
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 July 2018
62017CC0452

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑452/17

Zako SPRL

contre

Sanidel SA

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de commerce de Liège (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Directive 86/653/CEE – Article 1er – Agents commerciaux indépendants – Notion d’“agent commercial” – Intermédiaire indépendant ne prospectant pas et ne visitant pas la clientèle ou les fournisseurs en dehors de l’entreprise du commettant et accomplissant d’autres tâches que celles liées à la négociation de la vente ou de l’achat de marchandises pour le commettant »

I. Introduction

1.

L’étymologie de la notion de « commis voyageur » met en lumière la particularité de cette profession, à savoir que, traditionnellement, les personnes exerçant cette profession voyageaient pour prospecter des clients et présenter en personne les avantages des produits afin de les vendre. De nos jours, c’est plutôt la notion d’« agent commercial » qui est utilisée pour décrire les personnes impliquées dans la vente de produits au nom et pour le compte d’une autre personne. Dans quelle mesure le sens traditionnel de la notion de « commis voyageur » est-il encore valable aujourd’hui au regard de la notion d’« agent commercial » ?

2.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la première question préjudicielle posée par le tribunal de commerce de Liège (Belgique), qui donnera à la Cour l’occasion de développer sa jurisprudence relative à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE ( 2 ).

3.

Dans cette veine, par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’exercice par un agent commercial de tâches étrangères à celles visées à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

Le chapitre I de la directive 86/653, intitulé « Champ d’application », comprend les articles 1er et 2. Selon l’article 1er de cette directive :

« 1. Les mesures d’harmonisation prescrites par la présente directive s’appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.

2. Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée “commettant”, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.

3. Un agent commercial aux fins de la présente directive ne peut être notamment :

une personne qui, en qualité d’organe, a le pouvoir d’engager une société ou association,

un associé qui est légalement habilité à engager les autres associés,

un administrateur judiciaire, un liquidateur ou un syndic de faillite. »

5.

Par ailleurs, l’article 2 de la directive 86/653 dispose :

« 1. La présente directive ne s’applique pas :

aux agents commerciaux dont l’activité n’est pas rémunérée,

aux agents commerciaux dans la mesure où ils opèrent dans les bourses de commerce ou sur les marchés de matières premières,

à l’organisme connu sous l’appellation de “Crown Agents for Overseas Governments and Administrations”, tel qu’il a été institué au Royaume-Uni en vertu de la loi de 1979 relative aux “Crown Agents”, ou à ses filiales.

2. Chacun des États membres a la faculté de prévoir que la directive ne s’applique pas aux personnes qui exercent les activités d’agent commercial considérées comme accessoires selon la loi de cet État membre. »

B. Le droit belge

6.

La directive 86/653 a été transposée en droit belge par la loi relative aux contrats d’agence commerciale, du 13 avril 1995 (Moniteur belge du 2 juin 1995, p. 15621). L’article 1er de cette loi, codifié à l’article I.11.1 du code de droit économique, définit le contrat d’agence commerciale comme suit :

« Le contrat par lequel l’une des parties, l’agent commercial, est chargée de façon permanente, et moyennant rémunération, par l’autre partie, le commettant, sans être soumis à l’autorité de ce dernier, de la négociation et éventuellement de la conclusion d’affaires au nom et pour le compte du commettant. L’agent commercial organise ses activités comme il l’entend et dispose librement de son temps. »

III. Les faits du litige au principal

7.

Sanidel SA, une société de droit belge, a confié la promotion et la vente de cuisines équipées dans son établissement situé en Belgique à ZAKO SPRL, une société de droit belge, constituée notamment par M. André Ghaye.

8.

M. Ghaye travaillait depuis la fin de l’année 2007 comme responsable du secteur des cuisines équipées de Sanidel sans qu’aucune convention écrite ait été établie entre les deux parties. Comme l’explique la juridiction de renvoi, M. Ghaye exerçait ses activités au sein de l’établissement de Sanidel de manière sédentaire.

9.

En outre, les tâches de M. Ghaye incluaient le choix des produits et des fournisseurs ainsi que de la politique commerciale, notamment l’accueil des clients, la réalisation des plans des cuisines, l’établissement des devis, la négociation des prix, la signature des commandes, les mesurages sur place, le règlement des litiges, la gestion du personnel du département des cuisines équipées, la réalisation et la gestion du site Internet des ventes en ligne, le développement de la vente ainsi que la négociation et la finalisation des contrats de sous-traitance pour le compte de Sanidel.

10.

Au mois d’octobre 2012, Sanidel a notifié à ZAKO qu’elle mettait fin à leur relation contractuelle sans indemnité ni préavis.

11.

Le recours introduit par M. Ghaye devant le tribunal du travail de Marche-en-Famenne (Belgique) et dirigé contre Sanidel, par lequel celui-ci a demandé le paiement de plusieurs prestations, a été déclaré non fondé. Cette juridiction a considéré que M. Ghaye n’avait pas démontré qu’il aurait exercé ses fonctions dans le cadre d’un contrat de travail. La décision de ce tribunal a été confirmée en appel par la cour du travail de Liège (Belgique). Or ni ledit tribunal ni cette cour n’ont été appelés à statuer sur la question de savoir si la convention en cause était un contrat d’entreprise ou un contrat d’agence commerciale.

12.

Le 6 juin 2016, ZAKO a introduit un recours devant la juridiction de renvoi en invoquant l’existence d’un contrat d’entreprise.

13.

Cependant, selon Sanidel, la convention en cause doit être qualifiée de contrat d’agence commerciale, raison pour laquelle le présent recours serait irrecevable, celui-ci ayant été introduit après l’expiration du délai d’un an prévu par la législation belge pertinente.

14.

La juridiction de renvoi indique qu’elle n’est pas liée par la qualification que les parties donnent à leur contrat. Toutefois, elle nourrit des doutes quant à la qualification de la convention conclue entre les parties au litige au principal, cette qualification étant décisive pour l’application des dispositions régissant les délais dans lesquels les créanciers doivent introduire leurs demandes devant des tribunaux.

IV. Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

15.

Dans ces circonstances, le tribunal de commerce de Liège (Belgique) a ordonné la suspension de la procédure et a soumis les questions préjudicielles suivantes à l’appréciation de la Cour :

« 1)

L’article 1er, paragraphe 2, de la [directive 86/653] doit-il s’interpréter comme exigeant que l’agent commercial prospecte et visite la clientèle ou les fournisseurs en dehors de l’entreprise du commettant ?

2)

L’article 1er, paragraphe 2, de la [directive 86/653] doit-il s’interpréter comme exigeant que l’agent commercial ne puisse accomplir d’autres tâches que celles qui sont liées à la négociation de la vente ou de l’achat de marchandises pour le commettant et à la négociation et à la conclusion de ces opérations au nom et pour le compte du commettant ?

3)

Dans l’hypothèse où la deuxième question appellerait une réponse négative, l’article 1er, paragraphe 2, de la [directive 86/653] doit-il s’interpréter comme exigeant que l’agent commercial ne puisse accomplir d’autres tâches que celles qui sont liées à la négociation de la vente ou de l’achat de marchandises pour le commettant et à la négociation et à la conclusion de ces opérations au nom et pour le compte du commettant, que de manière accessoire ? »

16.

La demande de décision préjudicielle a été déposée auprès du greffe de la Cour le 27 juillet 2017.

17.

Des observations écrites ont été déposées par Sanidel, les gouvernements allemand et italien, ainsi que par la Commission européenne. Ces intéressés, à l’exception du gouvernement italien, ont pris part à l’audience qui s’est tenue le 17 mai 2018.

V. Analyse

A. Sur la première question préjudicielle

18.

Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété comme exigeant qu’un agent commercial exerce ses activités de manière itinérante, en dehors des établissements d’un commettant.

19.

Tous les intéressés ayant déposé des observations sont unanimes sur le fait qu’il convient d’apporter une réponse négative à cette question. En général, ils soutiennent que la...

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