Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 14 November 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:974
Celex Number62018CC0328
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 November 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 14 novembre 2019 (1)

Affaire C328/18 P

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

contre

Equivalenza Manufactory SL

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) nº 207/2009 – Demande de marque figurative BLACK LABEL BY EQUIVALENZA – Procédure d’opposition – Marque figurative antérieure LABELL – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Risque de confusion – Similitude des signes – Méthode de comparaison des signes – Constat d’une similitude phonétique moyenne entre les signes en conflit – Obligation de procéder à l’appréciation globale du risque de confusion »






I. Introduction

1. Le présent pourvoi a été introduit par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2018, Equivalenza Manufactory/EUIPO – ITM Entreprises (BLACK LABEL BY EQUIVALENZA) (T‑6/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:119), par lequel ce dernier a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO, du 11 octobre 2016, relative à une procédure d’opposition entre ITM Entreprises SAS et Equivalenza Manufactory SL (ci-après « Equivalenza ») (affaire nº R 690/2016-2, ci‑après la « décision litigieuse »).

2. Ce pourvoi soulève plusieurs questions de droit concernant l’examen du motif relatif de refus d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 (2), tiré de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public. Concrètement, l’EUIPO invite la Cour à préciser la méthode de comparaison des signes et les circonstances dans lesquelles le Tribunal est fondé à considérer que deux signes ne remplissent pas la condition de similitude prévue à cette disposition.

3. Comme je l’expliquerai dans ces conclusions, les nombreuses décisions rendues par le Tribunal dans ce domaine n’ont pas toujours suivi la même approche sur ces différents points. En réalité, elles ont divergé au point de fonder deux lignes de jurisprudence distinctes, qui coexistent pour l’instant sans que la Cour ait pris position en faveur de l’une ou de l’autre. La présente affaire offre à celle-ci l’opportunité de le faire.

II. Le cadre juridique

4. Le règlement n° 207/2009 a été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne (3). Néanmoins, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause dans le présent litige, à savoir le 16 décembre 2014, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, ce litige est régi par les dispositions matérielles du premier règlement.

5. Le considérant 8 du règlement n° 207/2009 énonce :

« La protection conférée par la marque de [l’Union européenne], dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services. La protection devrait valoir également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services. Il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion. Le risque de confusion, dont l’appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, devrait constituer la condition spécifique de la protection. »

6. L’article 8 de ce règlement, intitulé « Motifs relatifs de refus », dispose :

« 1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[...]

b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

[...]

5. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque [de l’Union européenne] antérieure, elle jouit d’une renommée dans [l’Union] et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. »

III. Les antécédents du litige

7. Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 10 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins du présent pourvoi, ils peuvent être résumés comme suit.

8. Le 16 décembre 2014, Equivalenza a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, en vertu du règlement nº 207/2009, pour le signe figuratif suivant :

Image not found

9. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Parfums ».

10. Le 18 mars 2015, ITM Entreprises a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement nº 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point précédent au motif d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

11. L’opposition est fondée, notamment, sur la marque figurative antérieure, reproduite ci-dessous, faisant l’objet de l’enregistrement international nº 1079410, désignant l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, la Croatie, la Hongrie, la Lituanie, le Luxembourg, la Lettonie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie, enregistrée le 1er avril 2011 et visant les « Eaux de Cologne, déodorants à usage personnel (parfum), parfums » :

Image not found

12. Par décision du 2 mars 2016, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour tous les produits contestés en raison de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent en République tchèque, en Hongrie, en Pologne et en Slovénie.

13. Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par Equivalenza contre la décision de la division d’opposition. Cette chambre de recours a constaté que le public pertinent était composé du grand public des quatre États membres en question, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen et que les produits en cause étaient identiques. S’agissant de la comparaison des signes en conflit, elle a considéré que ceux-ci présentaient un degré moyen de similitude visuelle et phonétique ainsi que des différences sur le plan conceptuel. Elle en a déduit qu’ils étaient globalement similaires. Ladite chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, dans l’esprit du public pertinent.

IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2017, Equivalenza a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de son recours, elle a invoqué un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

15. Lors de l’examen de ce moyen, le Tribunal s’est appuyé sur les constatations non contestées de la chambre de recours de l’EUIPO selon lesquelles, d’une part, le public pertinent est composé du grand public de la République tchèque, de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovénie, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, et, d’autre part, les produits désignés par les signes en conflit sont identiques (points 17 et 18 de l’arrêt attaqué).

16. S’agissant de la similitude des signes en conflit, le Tribunal a, en premier lieu, comparé leurs aspects visuel, phonétique et conceptuel. Dans ce cadre, il a considéré que ces signes produisent une impression d’ensemble différente sur le plan visuel (points 29 à 33 de l’arrêt attaqué), présentent un degré moyen de similitude sur le plan phonétique (points 34 à 39 de cet arrêt) et sont différents sur le plan conceptuel (points 40 à 45 dudit arrêt).

17. En second lieu, le Tribunal a procédé à une appréciation globale de la similitude des signes en conflit. Dans ce cadre, il a observé que, eu égard au fait que les produits en cause, à savoir des parfums, sont généralement vendus soit dans des magasins en libre-service, soit dans des parfumeries, l’aspect visuel de ces signes était plus important, pour leur impression d’ensemble, que leurs aspects phonétique et conceptuel. À cet égard, le Tribunal a réitéré son constat selon lequel lesdits signes sont différents sur le plan visuel. En outre, il a rappelé que ces mêmes signes sont différents sur le plan conceptuel. Le Tribunal a conclu que les signes en conflit ne sont, selon une impression d’ensemble, pas similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 (points 48 et 51 à 55 de l’arrêt attaqué).

18. L’une des conditions cumulatives d’application de cette disposition faisant défaut, le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait commis une erreur de droit en constatant l’existence d’un...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT