Opinion of Advocate General Collins delivered on 20 January 2022.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2022:48
Date20 January 2022
Celex Number62020CC0572
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY COLLINS

présentées le 20 janvier 2022(1)

Affaire C-572/20

ACC Silicones Ltd

contre

Bundeszentralamt für Steuern

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Articles 63 et 65 TFUE – Libre circulation des capitaux – Distribution de dividendes provenant de parts sociales détenues par un actionnariat dispersé – Remboursement à une société non-résidente de l’impôt sur les revenus du capital prélevé par voie de retenue à la source – Condition tenant à la situation des détenteurs d’une participation directe ou indirecte dans la société bénéficiaire des dividendes – Nécessité de produire une attestation des autorités fiscales de l’État de résidence – Principe de proportionnalité »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle concerne la compatibilité, avec les règles régissant la libre circulation des capitaux, des conditions dans lesquelles la législation fiscale allemande permet aux sociétés non-résidentes d’obtenir le remboursement d’un impôt retenu à la source sur les revenus du capital constitués par des dividendes provenant de participations minoritaires dans des sociétés établies en Allemagne (2).

2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’une contestation par ACC Silicones Ltd du refus du Bundeszentralamt für Steuern (Office fédéral des impôts, Allemagne) de faire droit à des demandes de remboursement de cet impôt, retenu et acquitté au titre des années 2006 à 2008 inclus.

3. Cette demande fait suite à l’arrêt du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne (C-284/09, EU:C:2011:670). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que, en soumettant les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes, dans les cas où n’est pas atteint le seuil de participation d’une société mère dans le capital de sa filiale, tel que prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (3), telle que modifiée par la directive 2003/123/CE (4), à une imposition plus lourde, en termes économiques, que celle grevant les dividendes distribués à une société dont le siège est situé sur son territoire, la République fédérale d’Allemagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE et de l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’« accord EEE ») (5). Afin de se conformer à cet arrêt, le législateur allemand a adopté, en mars 2013, avec effet rétroactif, l’article 32, paragraphe 5, du Körperschaftsteuergesetz (6) (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci‑après le « KStG »), dont il convient d’examiner les dispositions dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 90/435 dispose :

« Aux fins de l’application de la présente directive :

a) la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d’un État membre qui remplit les conditions énoncées à l’article 2 et qui détient, dans le capital d’une société d’un autre État membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 20 %.

[…]

À partir du 1er janvier 2007, le pourcentage minimal de participation sera de 15 %.

À partir du 1er janvier 2009, le pourcentage minimal de participation sera de 10 %.

[...] »

B. Le droit allemand

5. Le régime allemand d’imposition des revenus du capital est prévu par l’Einkommensteuergesetz (7) (loi relative à l’impôt sur le revenu, ci-après l’« EStG »), en combinaison, en ce qui concerne l’imposition des personnes morales, avec le KStG.

6. L’article 20, paragraphe 1, point 1, de l’EStG prévoit que les revenus du capital comprennent les parts de bénéfice (dividendes).

7. L’article 43, paragraphe 1, première phrase, point 1, de l’EStG dispose que, dans le cas, notamment, des revenus du capital au sens de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, « l’impôt sur le revenu est perçu au moyen d’une retenue sur les revenus du capital (impôt sur les revenus du capital) ».

8. Selon l’article 8b, paragraphe 1, première phrase, du KStG, relatif aux participations dans d’autres sociétés et associations, les rémunérations perçues au sens, notamment, de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de l’EStG ne sont pas prises en considération lors du calcul du revenu et ne sont dès lors pas soumises à l’impôt sur les sociétés.

9. S’agissant de la taxation des dividendes distribués à une société dont le siège est établi en Allemagne, il ressort des dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du KStG et de l’article 36, paragraphe 2, point 2, de l’EStG que l’impôt sur les revenus du capital qui a été prélevé par voie d’une retenue à la source est entièrement imputé sur l’impôt sur les sociétés dont est redevable cette société et peut, le cas échéant, lui être remboursé. L’imputation (et, le cas échéant, le remboursement) de l’impôt présuppose que cet impôt ait été retenu et acquitté, ce qui doit être prouvé par la production d’une attestation administrative, conformément à l’article 45a, paragraphe 2 ou 3, de l’EStG.

10. En ce qui concerne l’imposition des dividendes distribués à une société dont le siège n’est pas établi en Allemagne, l’article 32, paragraphe 5, du KStG prévoit un certain nombre de conditions régissant le remboursement de l’impôt sur le revenu du capital. Parmi celles-ci figurent certaines obligations d’apporter des preuves et de fournir des certificats. Cette disposition se lit comme suit :

« (5) [première phrase] Si, pour les revenus du capital au sens de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de [l’EStG], l’impôt sur les sociétés dû par le créancier a été définitivement acquitté en vertu du paragraphe 1 [du présent article], le créancier des revenus du capital est remboursé, sur demande, de l’impôt sur les revenus du capital retenu et acquitté, conformément à l’article 36, paragraphe 2, point 2, de [l’EStG], lorsque

1. le créancier des revenus du capital est une société soumise à une obligation fiscale limitée en vertu de l’article 2, point 1, qui

a) est également une société au sens de l’article 54 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou de l’article 34 de [l’accord EEE],

b) dont le siège social et le siège de direction se situent sur le territoire national d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État auquel s’applique [l’accord EEE],

c) qui est assujettie dans l’État de son siège de direction, sans possibilité d’option, à une obligation fiscale illimitée comparable à [celle prévue à] l’article 1er dont elle n’est pas exonérée, et

2. le créancier détient une participation directe dans le capital initial ou le capital social de la débitrice des revenus du capital et ne satisfait pas à la condition du seuil de participation prévue à l’article 43b, paragraphe 2, de [l’EStG].

[Deuxième phrase] La première phrase s’applique uniquement lorsque

1. il n’est prévu aucun remboursement de l’impôt sur les revenus du capital en cause en vertu d’autres dispositions,

2. les revenus du capital ne seraient, conformément à l’article 8b, paragraphe 1, pas pris en compte lors de la détermination du revenu,

3. en vertu de dispositions étrangères, les revenus du capital ne sont imputés à aucune personne qui n’aurait pas droit au remboursement en vertu du présent paragraphe si elle percevait directement les revenus du capital,

4. un droit au remboursement total ou partiel de l’impôt sur les revenus du capital ne serait pas exclu en cas d’application par analogie de l’article 50d, paragraphe 3, de la loi relative à l’impôt sur le revenu, et

5. l’impôt sur les revenus du capital ne peut être imputé dans le chef du créancier ou d’un actionnaire direct ou indirect du créancier, ni être déduit en tant que charges d’exploitation ou frais professionnels ; la possibilité d’un report de l’imputation équivaut à l’imputation.

[Troisième phrase] Il appartient au créancier des revenus du capital d’apporter la preuve que les conditions de remboursement sont remplies. [Quatrième phrase] Il doit notamment établir, au moyen d’une attestation des autorités fiscales de son État de résidence, qu’il est considéré comme résident fiscal dans cet État, qu’il y est débiteur d’une obligation illimitée au titre de l’impôt sur les sociétés dont il n’est pas exonéré et qu’il est le bénéficiaire effectif des revenus du capital. [Cinquième phrase] L’attestation de l’administration fiscale étrangère doit établir que l’impôt allemand sur les revenus du capital ne peut être imputé, déduit ou reporté et que cela n’a effectivement pas été le cas. [Sixième phrase] L’impôt sur les revenus du capital est remboursé pour tous les revenus du capital perçus au cours d’une année civile, au sens de la première phrase, sur la base d’une décision d’exonération prise en application de l’article 155, paragraphe 1, troisième phrase, de l’Abgabenordnung [(code des impôts)]. »

C. La convention tendant à éviter la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Royaume-Uni

11. Le 26 novembre 1964, la République fédérale d’Allemagne a conclu avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord une convention tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ci‑après la « convention ») (8).

12. L’article XVIII, paragraphe 1, sous a), de la convention dispose :

« (1) sous réserve des dispositions de la législation du Royaume-Uni relatives à l’imputation sur l’impôt britannique de l’impôt dû sur un territoire situé en dehors du Royaume-Uni (qui n’affecte pas le principe général ci-après) :

a) L’impôt de la République fédérale d’Allemagne dû en vertu de la législation de la République fédérale et conformément à la présente convention, directement ou par déduction...

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