Giuseppe d'Urso y Adriana Ventadori y otros contra Ercole Marelli Elettromeccanica Generale SpA y otros.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1991:228
Docket NumberC-362/89
Celex Number61989CC0362
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date30 May 1991
EUR-Lex - 61989C0362 - FR 61989C0362

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 30 mai 1991. - Giuseppe d'Urso et Adriana Ventadori et autres contre Ercole Marelli Elettromeccanica Generale SpA et autres. - Demande de décision préjudicielle: Pretura di Milano - Italie. - Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise. - Affaire C-362/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-04105


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le pretore de Milan ( ci-après "juge de renvoi ") a déféré à la Cour deux questions relatives à l' interprétation de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements ( 1 ) ( ci-après "directive ").

Ces questions ont été posées dans le cadre d' une procédure engagée par les demandeurs au principal, à savoir d' Urso e.a ., travailleurs salariés de la société Ercole Marelli Elettromeccanica Generale SpA ( ci-après "EMG "), contre les défenderesses au principal, à savoir EMG, ainsi que Ercole Marelli Elettromeccanica SpA ( ci-après "Nuova EMG "), qui a été scindée par la suite en ABB Tecnomasio SpA et ABB Industria Srl .

2 . Par décret du 26 mai 1981, le ministre de l' Industrie a soumis EMG, ainsi que d' autres sociétés du groupe Marelli, à la procédure de l' administration extraordinaire des grandes entreprises en crise (" amministrazione straordinaria delle grandi imprese in crisi "), prévue par la législation italienne . Il a en même temps autorisé EMG à poursuivre ses activités sous le régime de cette procédure .

En 1985, toutes les sociétés du groupe Marelli avaient été restructurées, à l' exception de EMG qui est restée sous administration extraordinaire . Depuis cette année - le moment précis n' est pas indiqué dans l' ordonnance de renvoi -, le contrat de travail des demandeurs au principal est suspendu et la Cassa integrazione guadagni straordinaria ( ci-après "CIGS ") leur verse des indemnités pour la durée intégrale du temps de travail normal ( 2 ).

En septembre 1985, l' intégralité de l' entreprise (" il complesso aziendale ") de EMG a été transférée avec l' autorisation du ministre à la société Nuova EMG, qui a été constituée à cet effet .

En exécution du contrat de transfert et conformément aux accords avec les organisations syndicales auxquels ce contrat renvoyait, 940 travailleurs de EMG sont passés au service de Nuova EMG . Par contre, 518 autres travailleurs de EMG sont restés au service de celle-ci . L' un des accords avec les organisations syndicales stipulait que les travailleurs qui n' étaient pas transférés à Nuova EMG conservaient leur droit aux indemnités à la charge de la CIGS . Cet accord prévoyait également un certain nombre de mécanismes visant à résoudre le problème du personnel excédentaire .

Les demandeurs au principal font partie des travailleurs restés au service de EMG, qui se trouvait sous administration extraordinaire . Ils ont demandé au juge de renvoi de dire pour droit que leur relation de travail avait continué sans interruption avec Nuova EMG à partir de la date de la cession de l' entreprise qui les occupait . Ils se prévalent à cet effet de l' article 2112, premier alinéa, du Codice civile italien, qui se lit comme suit :

"En cas de cession de l' entreprise, si le cédant n' a pas résilié le contrat de travail en temps utile, ce contrat continue avec le cessionnaire et le travailleur conserve les droits découlant de l' ancienneté acquise avant le transfert ." ( 3 ) ( 4 )

Cette disposition garantit en principe que les droits des travailleurs d' une entreprise cédée sont transférés du cédant au cessionnaire . Toutefois, il existe un certain nombre de dérogations à ce principe . C' est ainsi que les défenderesses au principal se prévalent de l' article 3 du décret-loi n 835 du 9 décembre 1986 ( 5 ), converti avec modifications en loi n 19 du 6 février 1987 ( 6 ), qui se lit comme suit :

"En cas de cession d' entreprises ou de parties d' entreprises, effectuée en exécution de programmes imposés aux entreprises se trouvant sous administration extraordinaire ... , l' article 2112, premier alinéa, du Codice civile n' est pas applicable aux travailleurs qui n' ont pas été transférés au moment de la cession ..."

Aux termes de l' article 3, paragraphe 3, précité, cette disposition est applicable aux procédures d' administration extraordinaire qui - comme dans le cas de EMG - avaient été déclarées ouvertes au moment de l' entrée en vigueur de la loi modifiant le décret-loi, et cela avec effet à la date d' ouverture de ces procédures .

3 . Le pretore de Milan estime que le litige principal soulève deux questions relatives à l' interprétation de la directive 77/187 . L' ordonnance de renvoi ne dit pas pourquoi ces questions se posent, par exemple parce que, selon le juge de renvoi, les dispositions de la directive peuvent être invoquées directement par les parties au principal ou parce que la législation italienne doit être interprétée dans un sens qui est conforme à la directive . Dès lors, nous n' axerons pas notre analyse sur l' effet de la directive, mais nous nous bornerons à répondre aux deux questions préjudicielles, énoncées ci-après :

"1 ) L' article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 77/187 du 14 février 1977 prévoit-il le transfert automatique au cessionnaire des rapports de travail relatifs à l' entreprise cédée et existant au moment du transfert de l' entreprise?

2 ) La directive indiquée ci-dessus est-elle applicable aux cessions d' entreprises effectuées par des entreprises sous administration extraordinaire?"

A l' instar du gouvernement italien, du gouvernement français et de la Commission, nous examinerons d' abord la seconde question .

La seconde question : le champ d' application de la directive

4 . Par la seconde question, le juge de renvoi souhaite savoir si la directive 77/187 est applicable au transfert d' une entreprise lorsque le cédant a été soumis à une procédure d' administration extraordinaire, prévue par la législation italienne . Pour répondre à cette question, il faut éviter de définir le champ d' application de la directive en tenant uniquement compte d' une procédure spécifique, existant dans l' ordre juridique d' un seul État membre . Aussi indiquerons-nous dans notre proposition de réponse les critères généraux auxquels une procédure telle que celle qui est en cause ici doit satisfaire pour qu' un transfert, qui a lieu dans le cadre de cette procédure, entre ou n' entre pas dans le champ d' application de la directive . Il incombe alors au juge de renvoi d' examiner si la procédure italienne d' administration extraordinaire satisfait à ces critères . Pour que notre réponse se rattache suffisamment à la question concrète, nous commencerons cependant par décrire succinctement la procédure italienne d' administration extraordinaire des grandes entreprises en crise, en mettant l' accent sur les critères dont nous admettrons par la suite que, eu égard à la jurisprudence de la Cour, ils sont déterminants pour établir si la directive est applicable .

La procédure italienne d' administration extraordinaire

5 . La procédure d' administration extraordinaire des grandes entreprises en crise est l' une des procédures prévues par la législation italienne dans le cas où une entreprise n' est pas en mesure de respecter ses engagements . Outre cette procédure, il existe encore la procédure de la faillite proprement dite (" fallimento "), la liquidation forcée administrative (" liquidazione coatta amministrativa ") ( 7 ), le concordat préventif (" concordato preventivo ") et l' administration contrôlée (" amministrazione controllata "), au sujet de laquelle l' agent du gouvernement italien a affirmé au cours de l' audience qu' elle est comparable à une procédure du genre de celle de la "surséance van betaling" ( 8 ).

La procédure d' administration extraordinaire a été introduite dans l' ordre juridique italien par le décret-loi n 26 du 30 janvier 1979 ( 9 ), qui a été converti avec modifications en loi n 95 du 3 avril 1979 ( 10 ) ( ci-après "loi n 95/79 "), laquelle a été par la suite modifiée à plusieurs reprises .

Aux termes de l' article 1er de la loi n 95/79, la procédure d' administration extraordinaire est applicable aux grandes entreprises, à savoir celles qui occupent depuis au moins un an plus de 300 personnes ( y compris les travailleurs pouvant prétendre à une indemnité en vertu de la réglementation CIGS ) et dont les dettes à l' égard des établissements de crédit et des organismes de prévoyance sociale dépassent tant un montant minimal que le quintuple du capital libéré . La procédure d' administration extraordinaire est applicable à ces entreprises, à l' exclusion de la procédure de la faillite .

La mise en application de cette procédure est décidée par décret ministériel . Toutefois, l' état d' insolvabilité de l' entreprise ou le défaut de paiement d' au moins trois mensualités de rémunération doit avoir été au préalable constaté par le juge . Cette constatation peut être faite d' office ou sur la demande de l' entreprise elle-même, d' un de ses créanciers ou du ministère public .

La procédure est mise en oeuvre par un ou trois commissaires désignés par le ministre de l' Industrie et agissant sous son contrôle .

Sauf disposition contraire de la loi n 95/79, la procédure se déroule conformément aux dispositions de la loi sur la faillite relatives à la liquidation forcée administrative ( 11 ). Il en résulte entre autres que les organes de l' entreprise cessent de fonctionner et sont privés de toute compétence en matière de gestion et de disposition des biens de l' entreprise .

6 . Aux termes de l' article 2 de la loi n 95/79, le décret...

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