Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 3 June 2021.

JurisdictionEuropean Union
Date03 June 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 3 juin 2021 (1)

Affaires C697/19 P à C700/19 P

Sony Corporation et Sony Electronics, Inc. (C697/19 P)

Sony Optiarc et Sony Optiarc America (C698/19 P)

Quanta Storage, Inc. (C699/19 P)

Toshiba Samsung Storage Technology Corp.,

Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp., (C700/19 P)

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Lecteurs de disques optiques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Accords collusoires portant sur des appels d’offres organisés par deux fabricants d’ordinateurs – Infraction unique et continue – Infractions distinctes qui la composent – Obligation de motivation – Violation des droits de la défense – Calcul du montant des amendes – Lignes directrices de 2006 pour le calcul du montant des amendes – Principes d’égalité de traitement et de proportionnalité »






1. Les présentes conclusions concernent quatre pourvois formés par des fournisseurs de lecteurs de disques optiques (Sony Corporation, Sony Electronics, Sony Optiarc ; Sony Optiarc America ; Quanta Storage, Toshiba Samsung, Storage Technology Corp. et Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp., ci-après les « requérantes ») tendant à l’annulation de quatre arrêts par lesquels le Tribunal de l’Union européenne (2) a rejeté leurs recours contre la décision C(2015) 7135 final de la Commission, du 21 octobre 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT. 39639 – lecteurs de disques optiques, ci-après la « décision attaquée ») (3).

2. La Cour a expressément demandé l’approfondissement de deux questions juridiques, communes dans une large mesure à toutes les affaires ; les présentes conclusions s’articuleront donc autour de ces sujets spécifiques : 1) la méthode par laquelle la Commission invoque, outre une infraction unique et continue, également des infractions distinctes, qui tendent à constituer cette infraction unique et continue, sans pour autant apporter une motivation indépendante de celle qu’elle a développée pour caractériser l’infraction unique et continue ; 2) la question du calcul de la sanction en cas de ventes entre les membres de l’entente ou de partage des recettes.

3. C’est l’occasion pour la Cour, en premier lieu, de faire le point sur la relation entre infraction unique et comportements distincts au regard spécifique des obligations de motivation dans la décision finale et des droits de la défense des parties à la procédure et, en second lieu, de clarifier les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission au regard des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en cas de ventes entre les membres de l’entente ou de partage des recettes.

4. La description des faits de l’affaire, commune aux quatre pourvois, sera synthétique et visera exclusivement à analyser les questions que la Cour m’a demandé d’approfondir (4).

I. Les faits :

5. Le 14 janvier 2009, la Commission a reçu une demande d’immunité au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, demande introduite par Philips (5). Les 29 janvier et 2 mars 2009, cette demande a été complétée afin d’y inclure, aux côtés de Philips, Lite-On et leur entreprise commune Philips & Lite-On Digital Solutions Corporation.

6. Le 29 juin 2009, la Commission a adressé une demande de renseignements aux entreprises actives dans le secteur des lecteurs de disques optiques (ci-après les « LDO »). Le 30 juin 2009, la Commission a accordé l’immunité conditionnelle à Philips, Lite-On et Philips & Lite-On Digital Solutions Corporation. Les 4 et 6 août 2009, Hitachi-LG Data Storage, Inc. et Hitachi-LG Data Storage Korea, Inc. ont présenté à la Commission une demande de réduction de l’amende au titre de la communication.

7. Le 18 juillet 2012, la Commission a adressé une communication des griefs (ci-après la « communication des griefs ») à treize fournisseurs de LDO, dont Sony Corporation et Sony Electronics, Sony Optiarc et Sony Optiarc America, Quanta Storage, Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea.

8. La Commission alléguait que ces sociétés avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), en participant à une entente, concernant les LDO, s’étendant du 5 février 2004 au 29 juin 2009, laquelle consistait à coordonner leur comportement à l’égard des appels d’offres organisés par deux fabricants d’ordinateur, Dell et HP.

9. Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté la décision attaquée.

10. Dans la décision attaquée, la Commission a établi que les participants à l’entente avaient coordonné leur comportement concurrentiel au moins du 23 juin 2004 au 25 novembre 2008. La Commission a précisé que cette coordination s’était faite au moyen d’un réseau de contacts bilatéraux parallèles. La Commission a indiqué que les participants à l’entente cherchaient à adapter leurs volumes sur le marché et à faire en sorte que les prix restent à des niveaux plus élevés que ce qu’ils auraient été en l’absence de ces contacts bilatéraux.

11. Dans la décision attaquée, La Commission a précisé que la coordination entre les participants à l’entente concernait les comptes clients de Dell et de HP, les deux plus importants opérateurs sur le marché mondial des PC. Selon la Commission, en plus des négociations bilatérales avec leurs fournisseurs de LDO, Dell et HP appliquaient des procédures d’appel d’offres standardisées, qui avaient lieu au moins chaque trimestre. La Commission a constaté que les membres du cartel ont utilisé leur réseau de contacts bilatéraux pour manipuler ces procédures d’appel d’offres, contrecarrant ainsi les tentatives de leurs clients de stimuler la concurrence par les prix.

12. Pour calculer le montant de l’amende infligée aux requérantes, la Commission s’est basée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (6) (ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »).

13. En premier lieu, pour déterminer le montant de base de l’amende, la Commission a considéré que, compte tenu des différences considérables dans la durée de participation des fournisseurs et afin de mieux traduire l’incidence réelle de l’entente, il était approprié de recourir à une moyenne annuelle calculée sur la base de la valeur réelle des ventes réalisées par les entreprises durant les mois civils complets de leur participation respective à l’infraction. La Commission a ainsi expliqué avoir calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de LDO destinés aux ordinateurs portables et de bureau facturées aux entités de HP et de Dell situées dans l’EEE.

14. La Commission a, par ailleurs, considéré que, étant donné que le comportement anticoncurrentiel à l’égard de HP avait commencé plus tard et afin de tenir compte de l’évolution de l’entente, la valeur des ventes pertinente serait calculée séparément pour HP et pour Dell, et que deux coefficients multiplicateurs en fonction de la durée seraient appliqués.

15. En ce qui concerne Sony Corporation, Sony Electronics, Sony Optiarc et Sony Optiarc America, leur participation dans les contacts à l’égard de HP n’ayant pas été établie, la Commission n’a retenu leur responsabilité que pour leur coordination à l’égard de Dell.

16. En second lieu, la Commission a décidé que, dès lors que les accords de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, et que l’entente s’étendait au moins à l’EEE, le pourcentage appliqué au titre de la gravité en l’espèce serait de 16 % pour tous les destinataires de la décision attaquée.

17. Par ailleurs, la Commission a indiqué que, eu égard aux circonstances de l’espèce, elle avait décidé d’ajouter un montant à des fins dissuasives de 16 %.

18. La Commission a réduit le montant de l’amende infligée à Sony Electronics, à Sony Optiarc et à Sony Optiarc America de 3 % pour tenir compte du fait qu’elles n’avaient pas connaissance de la partie de l’infraction unique et continue afférente à HP, afin de refléter de manière appropriée et suffisante la nature moins grave de leur comportement

19. La Commission a considéré que, Sony Corporation et Sony Electronics ayant réalisé un chiffre d’affaires mondial de 59 252 000 000 euros au cours de l’exercice précédant l’adoption de la décision attaquée, il était approprié d’appliquer au montant de base un coefficient multiplicateur de 1,2.

20. Enfin, le montant de base adapté de l’amende infligée à Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea ayant atteint le seuil maximal de 10 % de leur chiffre d’affaires, la Commission a dû procéder à un ajustement supplémentaire sur le fondement de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

21. Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne les sociétés ayant participé à l’entente, se lit comme suit :

« Article 1er

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, durant les périodes indiquées, à une infraction unique et continue, composée de plusieurs infractions distinctes, dans le secteur des lecteurs de disques optiques couvrant l’ensemble de l’EEE, qui a consisté en des accords de coordination des prix :

[...]

e) Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea du 23 juin 2004 au 17 novembre 2008, pour leur coordination en ce qui concerne Dell et HP ;

f) Sony Corporation et Sony Electronics du 23 août 2004 au 15 septembre 2006, pour leur coordination à l’égard de Dell ;

g) Sony Optiarc [...] du 25 juillet 2007 au 29 octobre 2008, Sony...

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