Opinion of Advocate General Kokott delivered on 20 April 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:321
Date20 April 2023
Celex Number62021CC0559
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 avril 2023 (1)

Affaire C559/21 P

Global Silicones Council e.a.

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

« Pourvoi – Établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 (REACH) (liste des substances candidates) – Inscription de l’octaméthylcyclotétrasiloxane (D4), du décaméthylcyclopentasiloxane (D5) et du dodécaméthylcyclohexasiloxane (D6) sur cette liste – Substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (substances “PBT”) – Substances très persistantes et très bioaccumulables (substances “vPvB”) – Bioaccumulation – Facteur de bioconcentration – Substances organométalliques – Qualification juridique des faits – Erreur manifeste d’appréciation – Toxicité »






I. Introduction

1. En vertu du règlement REACH (2), l’Union peut restreindre la fabrication, l’utilisation ou la mise sur le marché de substances extrêmement préoccupantes. Ainsi, la Commission peut imposer une obligation d’autorisation pour l’utilisation de telles substances. Pour préparer cette mesure, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) doit d’abord intégrer les substances en question sur la liste dite des « substances candidates », ce qui est déjà soumis à certaines exigences.

2. Les substances qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques (ci-après « PBT ») ou très persistantes et très bioaccumulables (ci-après « vPvB » pour « very persistant and very bioaccumulative ») suscitent, entre autres, des préoccupations particulières (3). Ces substances ne se dégradent que très lentement, voire pas du tout, et peuvent donc s’accumuler dans certaines parties de l’environnement. Les effets de cette accumulation ne sont pas prévisibles à long terme. De même, en pratique, une telle accumulation est difficilement réversible. En outre, les substances PBT ou vPvB peuvent contaminer des zones reculées qui devraient être protégées d’une nouvelle contamination par des substances dangereuses issues de l’activité humaine (4).

3. Le présent pourvoi a pour origine le fait que l’ECHA considère que les substances litigieuses, à savoir l’octamethylcyclotetrasiloxane (ci-après le « D4 »), le descaméthylcyclopentasiloxane (ci-après le « D5 ») et le dodécamethylcyclohexasiloxane (ci-après le « D6 »), constituent des substances PBT ou vPvB. Ainsi, par la décision attaquée (5), l’ECHA a inclus ces trois substances dans la liste des substances candidates à l’imposition d’une obligation d’autorisation.

4. Le présent pourvoi porte notamment sur la réglementation relative à la méthode d’appréciation de la bioaccumulation ainsi que sur certaines objections d’ordre scientifique et factuel dirigées contre l’application de cette réglementation.

II. Le cadre juridique

5. L’article 13 du règlement REACH contient des dispositions générales relatives à la production d’informations sur les propriétés intrinsèques des substances. Les méthodes d’essai sont abordées à l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement.

« Quand des essais sur des substances sont nécessaires pour produire des informations sur les propriétés intrinsèques desdites substances, ils sont réalisés conformément aux méthodes d’essai définies dans un règlement de la Commission, ou conformément à d’autres méthodes d’essai internationales reconnues par la Commission ou par l’Agence comme étant appropriées […] ».

6. Le règlement REACH habilite la Commission à soumettre l’utilisation de certaines substances à une obligation d’autorisation (titre VII).

7. En vertu de l’article 57, sous d) et e), du règlement REACH, les substances PBT et vPvB, notamment, sont concernées par une obligation d’autorisation :

« Les substances suivantes peuvent être incluses dans l’annexe XIV conformément à la procédure prévue à l’article 58 :

[…]

d) les substances qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement ;

e) les substances qui sont très persistantes et très bioaccumulables, conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement ;

f) [...] ».

8. L’article 59 du règlement REACH établit la procédure d’identification des substances visées à l’article 57 et prévoit que l’ECHA inscrit les substances ainsi identifiées sur une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV, dite « liste des substances candidates ».

9. L’annexe XIII du règlement REACH contient les critères d’identification des substances PBT et vPvB.

10. Le deuxième alinéa du préambule de l’annexe XIII du règlement REACH décrit la méthode d’application des critères :

« Une détermination par force probante fondée sur l’avis d’experts est appliquée pour l’identification des substances PBT et vPvB, en comparant toutes les informations pertinentes et disponibles visées à la section 3.2 aux critères fixés à la section 1. Cette détermination est notamment appliquée lorsque les critères de la section 1 ne peuvent être appliqués directement aux informations disponibles ».

11. Le quatrième alinéa du préambule de l’annexe XIII du règlement REACH prévoit que « [l]es informations utilisées aux fins de l’évaluation des propriétés PBT/vPvB se fondent sur des données obtenues dans des conditions pertinentes ».

12. Aux termes du cinquième alinéa du préambule de l’annexe XIII, « [l]’identification tient également compte des propriétés PBT/vPvB des constituants pertinents d’une substance et des produits de transformation et/ou de dégradation concernés ».

13. Aux termes du sixième alinéa du préambule de l’annexe XIII du règlement REACH, cette annexe « s’applique à toutes les substances organiques, y compris organométalliques ».

14. La bio-accumulation est définie aux points 1.1.2 et 1.2.2 de l’annexe XIII du règlement REACH par référence au facteur de bioconcentration :

« 1.1.2. Bio-accumulation

Une substance remplit le critère de bioaccumulation (B) lorsque le facteur de bioconcentration chez les espèces aquatiques est supérieur à 2 000.

[…]

1.2.2. Bio-accumulation

Une substance est considérée comme très bioaccumulable (vB) lorsque le facteur de bioconcentration chez les espèces aquatiques est supérieur à 5 000 ».

15. En outre, le point 3.2. de l’annexe XIII du règlement REACH traite des informations à prendre en considération :

« 3.2. Informations pour l’évaluation

Les informations ci-après sont examinées pour l’évaluation des propriétés P, vP, B, vB et T, dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante :

3.2.1. […]

3.2.2. Évaluation des propriétés B ou vB :

a) résultats d’une étude sur la bioconcentration ou la bioaccumulation chez les espèces aquatiques ;

b) autres informations sur le potentiel de bioaccumulation pour autant que leur caractère approprié et leur fiabilité puissent être raisonnablement démontrés, telles que :

— les résultats d’une étude sur la bioaccumulation chez les espèces terrestres,

— des données provenant d’une analyse scientifique des fluides ou des tissus du corps humain, tels que le sang, le lait ou la graisse,

— la détection de niveaux élevés dans les biotes, notamment chez les espèces menacées ou les populations vulnérables, par rapport aux niveaux relevés dans leur milieu ambiant,

— les résultats d’une étude de toxicité chronique chez les animaux,

— l’évaluation du comportement toxicocinétique de la substance,

c) informations sur la capacité de biomagnification de la substance dans la chaîne alimentaire, si possible exprimée par des facteurs de bioamplification ou des facteurs d’amplification trophique ».

16. La Commission a adopté, sur le fondement de l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH, le règlement (CE) nº 440/2008 (6), qui réglemente, à la section C.13 de son annexe, la « [b]ioaccumulation chez le poisson : exposition via le milieu aquatique et via la voie alimentaire ».

17. Le premier alinéa de l’introduction à la section C.13 expose le contexte de la méthode d’essai :

« La présente méthode d’essai est équivalente à la ligne directrice 305 (2012) de l’OCDE pour les essais de produits chimiques. Cette révision de la méthode d’essai poursuit deux objectifs. Tout d’abord, il s’agit d’intégrer à la méthode un essai de bioaccumulation via la nourriture, à même de déterminer le potentiel de bioaccumulation des substances très faiblement solubles dans l’eau [...] ».

18. Le deuxième alinéa de l’introduction à la section C.13 justifie l’introduction d’une méthode d’essai via la nourriture :

« [...] De plus, on admet aujourd’hui que tester des substances très faiblement solubles dans l’eau n’est peut-être pas faisable techniquement. En outre, pour les substances très peu hydrosolubles, l’exposition par l’eau peut présenter moins d’intérêt que l’exposition par la nourriture. D’où le développement d’une méthode d’essai dans laquelle le poisson est exposé via son régime alimentaire [...] ».

19. Le sixième alinéa de l’introduction à la section C.13 décrit la condition à laquelle est subordonné l’essai par exposition via le milieu aquatique :

« [...] L’essai par exposition via le milieu aquatique est le plus adapté pour les produits chimiques organiques stables avec des valeurs de log KOE situées entre 1,5 et 6,0 (13), mais peut aussi s’appliquer aux substances très hydrophobes (dont le log KOE est supérieur à 6,0), si l’on peut démontrer l’existence d’une concentration stable et pleinement dissoute de la substance d’essai dans l’eau. Si on ne peut démontrer une telle concentration, l’étude par exposition via le milieu aquatique n’est pas adaptée, aussi faut-il recourir à la méthode par la nourriture (encore que l’interprétation et l’utilisation des résultats de cet essai par voie alimentaire puissent dépendre du cadre réglementaire) […] ».

20. Le huitième alinéa de l’introduction à la section C.13 aborde le choix entre différentes méthodes d’essai :

« Le choix entre un essai par exposition via le...

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