Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 9 de diciembre de 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:993
Celex Number62020CC0530
Date09 December 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 9 décembre 2021 (1)

Affaire C530/20

SIA « EUROAPTIEKA »

en présence de

Ministru kabinets

[demande de décision préjudicielle formée par la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie)]

« Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Publicité pour des médicaments – Publicité encourageant l’achat de médicaments en invoquant leur prix – Ventes spéciales ou ventes combinées incluant d’autres médicaments, également à prix réduits, ou d’autres marchandises »






I. Introduction

1. Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter les dispositions de la directive 2001/83/CE (2) pour clarifier si, compte tenu du caractère et de l’étendue de l’harmonisation réalisée par cette directive, un État membre peut interdire la diffusion d’informations qui encouragent l’achat de médicaments non pas seulement lorsqu’elles concernent un médicament spécifique, mais également lorsqu’elles concernent des médicaments non soumis à prescription médicale en général.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

2. Les articles 86 à 100 de la directive 2001/83, relatifs à la publicité des médicaments, figurent sous les titres VIII et VIII bis de celle-ci, intitulés, respectivement, « Publicité » et « Information et publicité ».

3. L’article 86, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« Aux fins du présent titre, on entend par “publicité pour des médicaments” toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ; elle comprend en particulier :

– la publicité pour les médicaments auprès du public,

[...] »

4. L’article 87, paragraphe 3, de ladite directive stipule, notamment, que « la publicité faite à l’égard d’un médicament [...] doit favoriser l’usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés ».

5. L’article 90 de la même directive énonce la liste des éléments que la publicité auprès du public faite à l’égard d’un médicament ne peut comporter.

B. Le droit letton

6. Le point 18.12 du Ministru kabineta noteikumi Nr. 378 « Zāļu reklamēšanas kārtība un kārtība, kādā zāļu ražotājs ir tiesīgs nodot ārstiem bezmaksas zāļu paraugus » (décret nº 378 du Conseil des ministres portant modalités de publicité pour les médicaments et modalités selon lesquelles les fabricants de médicaments sont autorisés à fournir des échantillons gratuits de médicaments aux médecins), du 17 mai 2011 (Latvijas Vēstnesis, 2011, nº 78), (ci‑après la « disposition litigieuse »), dispose :

« Il est interdit d’inclure, dans la publicité faite auprès du public à l’égard d’un médicament, des informations qui encouragent l’achat du médicament en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix du médicament, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que le médicament est vendu avec d’autres médicaments (y compris à un prix réduit) ou produits. »

III. Les faits de l’affaire au principal, la procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

7. SIA « EUROAPTIEKA » est une société établie en Lettonie qui exerce une activité pharmaceutique et fait partie d’un groupe détenant un réseau de pharmacies et de sociétés de distribution de médicaments au détail dans cet État membre. Conformément au droit letton, les pharmacies sont autorisées à fournir des produits autres que des médicaments.

8. Au mois de mars 2016, EUROAPTIEKA a annoncé une vente promotionnelle sur son site Internet et dans son périodique mensuel, offrant une réduction de 15 % sur le prix d’achat de tout médicament lors de l’achat d’au moins trois articles.

9. Par décision du 1er avril 2016, la Veselības inspekcijas Zāļu kontroles nodaļa (Inspection de la santé publique, service contrôle des médicaments, Lettonie), en s’appuyant sur la disposition litigieuse, a interdit à EUROAPTIEKA de diffuser la publicité relative à cette vente promotionnelle (ci-après la « décision du 1er avril 2016 »).

10. EUROAPTIEKA a introduit devant la juridiction de renvoi un recours constitutionnel portant sur la conformité de la disposition litigieuse avec, d’une part, les articles 100 et 105 de la Constitution lettone, consacrant respectivement la liberté d’expression et le droit de propriété et, d’autre part, avec l’article 288, troisième alinéa, TFUE et une procédure a ensuite été ouverte au cours de l’année 2020.

11. À l’appui de son recours, EUROAPTIEKA a fait valoir, d’une part, que la disposition litigieuse s’applique non seulement à la publicité d’un médicament spécifique, mais également à la publicité des médicaments en général. Par conséquent, cette disposition restreindrait son droit de faire de la publicité auprès du public en vue de promouvoir sa marque et de renforcer sa notoriété, et lui interdirait d’informer les consommateurs sur les conditions du contrat de vente des produits qui leur sont proposés. Ladite disposition aurait, partant, réduit le nombre des clients réguliers de ses pharmacies et, ce faisant, porté atteinte à son droit de propriété, la clientèle devant être considérée comme un bien au sens de l’article 1er du protocole nº 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

12. D’autre part, et en ce qui concerne le volet de son recours qui sous-tend les questions préjudicielles, EUROAPTIEKA a considéré que le législateur n’avait pas habilité le Conseil des ministres à édicter une disposition telle que la disposition litigieuse afin de mettre en œuvre la directive 2001/83. En effet, cette directive s’appliquerait non pas à toute publicité relative au secteur pharmaceutique ou aux médicaments en général, mais uniquement à celle relative à des médicaments spécifiques. En outre, ladite directive prévoirait une harmonisation complète dans le domaine de la publicité pour des médicaments et n’autoriserait pas les États membres à imposer, dans leur législation, des exigences supplémentaires. En édictant la disposition litigieuse, le Conseil des ministres aurait étendu la liste des formes de publicité interdites figurant à l’article 90 de la même directive et, ce faisant, aurait méconnu l’article 288, troisième alinéa, TFUE.

13. Le Conseil des ministres a soutenu que le fait que la disposition litigieuse impose des exigences plus strictes en matière de publicité pour des médicaments ne signifie pas qu’il a excédé le pouvoir qui lui est confié par le législateur afin de mettre en œuvre les dispositions de la directive 2001/83. En effet, la notion de « publicité pour les médicaments » figurant dans cette directive devrait recevoir une interprétation large. En outre, l’article 87, paragraphe 3, de ladite directive interdirait toute publicité favorisant l’usage irrationnel des médicaments et cette interdiction s’appliquerait à l’usage de tout médicament.

14. En faisant référence à l’arrêt Gintec (3), la juridiction de renvoi indique que la Cour a jugé que la directive 2001/83 a procédé à une harmonisation complète dans le domaine de la publicité pour les médicaments, tout en énumérant explicitement les cas dans lesquels les États membres sont autorisés à adopter des dispositions s’écartant des règles fixées par cette directive. Cette juridiction considère que la disposition litigieuse doit être considérée comme une réglementation relative à la « publicité pour des médicaments », au sens de ladite directive. En outre, la même directive ne s’opposerait pas à la disposition litigieuse, dans la mesure où l’interdiction prévue à cette disposition serait conforme aux objectifs poursuivis par la directive 2001/83.

15. Cela étant posé, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 86, paragraphe 1, ainsi qu’aux articles 87 et 90 de la directive 2001/83.

16. Dans un premier temps, la juridiction de renvoi remarque que, conformément à l’article 89, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de la directive 2001/83, toute publicité à l’égard d’un médicament doit comporter le nom ainsi que, le cas échéant, la dénomination commune de celui-ci. Cela pourrait impliquer que seule la publicité pour les médicaments identifiables serait une « publicité pour des médicaments », au sens de cette directive.

17. La juridiction de renvoi indique que la disposition litigieuse n’exige pas d’inclure, dans ce qu’elle considère être une publicité faite auprès du public à l’égard d’un médicament, des informations sur des médicaments spécifiques telles que leur dénomination, mais interdit certaines informations de la publicité faite à leur égard tenant, notamment, à leur prix. Par conséquent, dans la mesure où cette disposition régirait non pas les informations sur les médicaments eux-mêmes et leur dénomination, mais celles sur leur prix, les activités visées par ladite disposition pourraient être considérées non pas comme une publicité au sens de la directive 2001/83, mais comme une forme de démarchage d’information, de sorte que cette même disposition ne relèverait pas du champ d’application de cette directive.

18. Dans un second temps, la juridiction de renvoi indique que la disposition litigieuse énonce une interdiction qui ne correspond à aucune des formes de publicité interdites à l’article 90 de la directive 2001/83. Se poserait dès lors la question de savoir si les États membres sont en droit d’étendre la liste des formes de publicité interdites énumérées à cette disposition. Elle remarque que, en particulier, l’article 87, paragraphe 3, de cette directive, lu à la lumière du considérant 45 de celle-ci, pourrait être interprété en ce sens qu’il permet aux États membres d’interdire toute publicité manifestement excessive et inconsidérée pour les médicaments, susceptible en tant que telle d’affecter la santé publique.

19. C’est dans ce contexte que...

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