Conclusiones del Abogado General Sr. A. Rantos, presentadas el 9 de diciembre de 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:994
Date09 December 2021
Celex Number62020CC0561
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 9 décembre 2021 (1)

Affaire C561/20

Q,

R,

S

contre

United Airlines Inc.

[demande de décision préjudicielle formée par le Nederlandstalige ondernemingsrechtbank Brussel (tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Droit à indemnisation en cas de retard important d’un vol – Vol divisé en deux segments – Retard important à la destination finale subi lors du second segment reliant deux aéroports d’un pays tiers – Validité du règlement (CE) no 261/2004 au regard du droit international »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant Mmes Q et R, ainsi que M. S. (ci-après les « demandeurs au principal »), à United Airlines Inc. (États-Unis) au sujet d’une indemnisation pour cause de retard important d’un vol avec correspondances.

2. Par sa première question préjudicielle, qui porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7 du règlement (CE) nº 261/2004 en matière d’indemnisation des passagers aériens (2), la juridiction de renvoi invite la Cour à préciser certains aspects de l’applicabilité de ce règlement dans le cadre de vols avec correspondances au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre comportant une correspondance dans un aéroport situé sur le territoire d’un État tiers et ayant pour destination finale un autre aéroport de cet État tiers.

3. À cet égard, si la Cour n’a pas encore eu l’occasion d’examiner l’applicabilité du règlement nº 261/2004 aux situations dans lesquelles le retard concerne un vol avec correspondances effectué entièrement par un transporteur aérien effectif non communautaire et survient pendant un segment de ce vol qui se déroule entièrement sur le territoire d’un pays tiers, j’estime que les principes qui ressortent de la jurisprudence existante fournissent des repères utiles d’analyse qui peuvent être transposés mutatis mutandis à la présente affaire (3).

4. Par sa seconde question préjudicielle, qui est posée à titre subsidiaire, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la validité du règlement nº 261/2004 au regard du droit international et, en particulier, du principe de la souveraineté complète et exclusive d’un État sur son espace aérien. Cette question permettra à la Cour d’examiner, pour la première fois, la validité dudit règlement au regard du droit international public et, notamment, du principe de droit international aérien coutumier (4).

5. À l’issue de mon analyse, je proposerai à la Cour de répondre à ces deux questions en ce sens que, d’une part, l’article 3, paragraphe 1, sous a), et l’article 7 du règlement nº 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’une situation telle que celle décrite au point 3 des présentes conclusions entre dans le champ d’application de ce règlement et, d’autre part, que ledit règlement reste valide au regard du droit international, et notamment du principe de la souveraineté complète et exclusive d’un État sur son espace aérien.

II. Le cadre juridique

6. Les considérants 1, 4 et 7 du règlement nº 261/2004 énoncent :

« (1) L’action de la Communauté dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

[...]

(4) La Communauté devrait, par conséquent, relever les normes de protection fixées par ledit règlement, à la fois pour renforcer les droits des passagers et pour faire en sorte que les transporteurs aériens puissent exercer leurs activités dans des conditions équivalentes sur un marché libéralisé.

[...]

(7) Afin de garantir l’application effective du présent règlement, les obligations qui en découlent devraient incomber au transporteur aérien effectif qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol, indépendamment du fait qu’il soit propriétaire de l’avion, que l’avion fasse l’objet d’un contrat de location coque nue (dry lease) ou avec équipage (wet lease), ou s’inscrive dans le cadre de tout autre régime. »

7. Aux termes de l’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions » :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) “transporteur aérien”, une entreprise de transport aérien possédant une licence d’exploitation en cours de validité ;

b) “transporteur aérien effectif”, un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager ;

c) “transporteur communautaire”, un transporteur aérien possédant une licence d’exploitation en cours de validité, délivrée par un État membre conformément aux dispositions du règlement (CEE) nº 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens [(5)] ;

[...]

h) “destination finale”, la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement, ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol ; les vols avec correspondances disponibles comme solution de remplacement ne sont pas pris en compte si l’heure d’arrivée initialement prévue est respectée ;

[...] »

8. L’article 3 du règlement nº 261/2004, intitulé « Champ d’application », prévoit, à ses paragraphes 1 et 5 :

« 1. Le présent règlement s’applique :

a) aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;

b) aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.

[...]

5. Le présent règlement s’applique à tout transporteur aérien effectif assurant le transport des passagers visés aux paragraphes 1 et 2. Lorsqu’un transporteur aérien effectif qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit des obligations découlant du présent règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné. »

9. L’article 5 de ce règlement, intitulé « Annulations », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

[...]

c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :

i) au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou

ii) de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou

iii) moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée.

[...]

3. Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. »

10. Sous l’intitulé « Droit à indemnisation », l’article 7 dudit règlement prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a) 250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins ;

b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

c) 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).

Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l’heure prévue du fait du refus d’embarquement ou de l’annulation. »

11. L’article 13 du même règlement, intitulé « Droit à la réparation des dommages », dispose :

« Lorsqu’un transporteur aérien effectif verse une indemnité ou s’acquitte d’autres obligations lui incombant en vertu du présent règlement, aucune disposition de ce dernier ne peut être interprétée comme limitant son droit à demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable. En particulier, le présent règlement ne limite aucunement le droit du transporteur aérien effectif de demander réparation à un organisateur de voyages ou une autre personne avec laquelle le transporteur aérien effectif a conclu un contrat. De même, aucune disposition du présent règlement ne peut être interprétée comme limitant le droit d’un organisateur de voyages ou d’un tiers, autre que le passager avec lequel un transporteur aérien effectif a conclu un contrat, de demander réparation au transporteur aérien effectif conformément aux lois pertinentes applicables. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

12. Les demandeurs au principal ont, par l’intermédiaire d’une agence de voyages, effectué une réservation unique auprès du transporteur communautaire Deutsche Lufthansa AG (ci-après la « Lufthansa ») (6), pour un vol avec correspondances au départ de l’aéroport de Bruxelles-National (Belgique) et à destination de San José International (États-Unis), avec une escale à Newark International (États-Unis).

13. Ces deux segments du vol ont été effectués par United Airlines, qui est un transporteur aérien d’un pays tiers. Les demandeurs au principal sont parvenus à leur...

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