Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 16 July 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:593
Date16 July 2020
Celex Number62018CC0764
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 16 juillet 2020 (1)

Affaire C-764/18

Ayuntamiento de Pamplona

contre

Orange España SAU

[Demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2002/20/CE – Champ d’application – Notion de services de communications électroniques – Articles 12 et 13 – Redevance pour le droit de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés »






1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2002/20/CE (ci-après la « directive “autorisation” ») (2), qui vise, selon son article 1er, paragraphe 1, à harmoniser et à simplifier les règles et conditions d’autorisation afin de faciliter la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette demande se concentre sur l’interprétation des articles 12 et 13 de cette directive, lesquels permettent aux États membres d’imposer, respectivement, des taxes qui couvrent les coûts occasionnés par la gestion du régime d’autorisation générale et des redevances pour les droits d’utilisation des radiofréquences et des numéros ou pour les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Orange España SAU, un fournisseur de services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, à l’Ayuntamiento de Pamplona (municipalité de Pampelune, Espagne) au sujet d’un prélèvement frappant l’utilisation du domaine public municipal pour l’installation d’infrastructures permettant la fourniture de services de communications électroniques.

3. La juridiction de renvoi, à savoir le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) souhaite savoir si un tel prélèvement relève du champ d’application de la directive « autorisation » et, le cas échéant, si le mode de détermination de ce prélèvement, basé exclusivement sur les recettes brutes obtenues annuellement par une entreprise à l’occasion de la fourniture de certains services de communications électroniques, est compatible avec les articles 12 et 13 de la directive « autorisation ». Il convient de relever que ces questions ont été posées à la lumière de l’arrêt du 12 juillet 2012, Vodafone España et France Telecom España (C‑55/11, C‑57/11 et C‑58/11, EU:C:2012:446) (ci‑après l’« arrêt Vodafone España et France Telecom España »). Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’une redevance prélevée au titre d’une utilisation similaire du domaine public ne relevait pas de l’article 13 de la directive « autorisation », dès lors qu’elle s’appliquait à des opérateurs qui, sans être propriétaires des ressources installées sur ce domaine, les utilisaient pour fournir des services de téléphonie mobile. Dans cet arrêt, la Cour n’a donc pas statué sur le fond de l’affaire, c’est-à-dire sur la compatibilité du mode de détermination de la redevance avec l’article 13 de la directive « autorisation ».

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. L’article 12 de la directive « autorisation », intitulé « Taxes administratives », est libellé comme suit:

« 1. Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé :

a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale, des droits d’utilisation et des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d’harmonisation et de normalisation internationales, d’analyse de marché, de contrôle de la conformité et d’autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l’élaboration et l’application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l’accès et l’interconnexion, et

b) sont réparties entre les entreprises individuelles d’une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires.

2. Lorsque les autorités réglementaires nationales imposent des taxes administratives, elles publient un bilan annuel de leurs coûts administratifs et de la somme totale des taxes perçues. Les ajustements nécessaires sont effectués en tenant compte de la différence entre la somme totale des taxes et les coûts administratifs. »

5. L’article 13 de la directive « Autorisation », intitulé « Redevances pour les droits d’utilisation et les droits de mettre en place des ressources », prévoit :

« Les États membres peuvent permettre à l’autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les États membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l’usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l’article 8 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”). »

B. Le droit espagnol

6. L’article 2, premier alinéa, de l’Ordenanza fiscal n° 22/2014 (ordonnance fiscale n° 22/2014) (3) dispose :

« Le fait générateur de la taxe est constitué par l’utilisation exclusive ou l’exploitation spéciale du sous‑sol et de la surface du domaine public municipal, ainsi que de l’espace surplombant celui‑ci, au moyen de câbles, de conduites et de galeries destinés aux raccordements de […] téléphonie fixe, de téléphonie mobile et d’autres services de communication électronique, y compris les poteaux, câbles, raccordements aériens, boîtiers de fixation, de distribution ou d’enregistrement, transformateurs, glissières, bascules, antennes, appareils de vente automatique et autres appareils analogues liés à la fourniture du service. »

7. Aux termes de l’article 4, point 3, de de l’ordonnance fiscale nº 22/2014 :

« Ne sont pas tenus au paiement de la taxe les opérateurs de téléphonie mobile qui ne sont pas propriétaires des réseaux au moyen desquels ce service est fourni, bien qu’étant titulaires de droits d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion à ces réseaux.

Dans les autres cas de services d’approvisionnement, sont assujettis tant les propriétaires des réseaux ou des infrastructures utilisés que les titulaires d’un droit d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion à ces derniers. »

8. L’article 5 de l’ordonnance fiscale nº 22/2014 dispose :

« 1) La base à laquelle le taux est appliqué afin d’établir le montant dû est déterminée par les recettes brutes découlant du chiffre d’affaires annuel que les assujettis réalisent dans la municipalité. Les critères de détermination de la base imposable ne s’appliquent pas aux opérateurs de téléphonie mobile.

2) Constituent des recettes brutes découlant du chiffre d’affaires celles qui, imputables à chaque société, ont été obtenues par celle‑ci comme contrepartie des services fournis sur le territoire municipal, dans l’exercice de son activité ordinaire. Seules sont exclues les recettes découlant d’événements ou d’activités extraordinaires.

3) Lorsque, pour la jouissance de l’exploitation spéciale, l’assujetti a utilisé d’autres réseaux, la base imposable de la taxe est constituée par le montant annuel des recettes brutes obtenues sur le territoire municipal, diminué des sommes qu’il doit verser au propriétaire du réseau au titre de l’accès ou de l’interconnexion à son réseau. Les entreprises propriétaires de tels réseaux incluent les montants perçus à ce titre dans leurs recettes brutes.

[…] »

9. Selon l’article 6 de l’ordonnance fiscale n° 22/2014, le montant de la taxe est calculé en appliquant un taux de 1,5 % à la base imposable définie à l’article 5 de ladite ordonnance.

II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10. Orange España, qui, comme indiqué au point 2 ci-dessus, fournit des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet dans la municipalité de Pampelune (Espagne), a présenté auprès de la municipalité de Pampelune une autoliquidation du prélèvement pour l’exploitation spéciale du sous‑sol et de la surface du domaine public municipal, ainsi que de l’espace surplombant celui‑ci, prévue par l’ordonnance fiscale n° 22/2014 (ci-après le « prélèvement prévu par l’ordonnance fiscale n° 22/2014 ») correspondant au deuxième trimestre de l’année 2014 au titre de la fourniture des services susmentionnés (ci-après l’« autoliquidation »). Dans l’autoliquidation, le taux de 1,5 % prévu à l’article 6 de l’ordonnance fiscale n° 22/2014 a été appliqué à des recettes brutes qui s’élevaient à 1 188 269,59 euros, ce qui s’est traduit par un montant de 7 928,71 euros à payer par Orange España à la municipalité de Pampelune.

11. Toutefois, considérant que, d’une part, elle n’est pas propriétaire du réseau au moyen duquel elle fournit des services dans la municipalité de Pampelune et qu’elle n’est donc pas un assujetti au sens de l’ordonnance fiscale n° 22/2014 et que, d’autre part, les articles 12 et 13 de la directive « autorisation » s’opposent à l’imposition d’une taxe ou d’une redevance calculée exclusivement sous forme d’un pourcentage fixe des recettes brutes d’une société, Orange España a demandé à la municipalité de Pampelune de rectifier son autoliquidation et, en conséquence, de lui rembourser la somme indûment versée (ci-après la « demande de rectification »).

12. Par décision du 18 septembre 2014, la Directora de Hacienda del Ayuntamiento de Pamplona (directrice des finances de la municipalité de Pampelune) a rejeté la demande de rectification au motif que l’autoliquidation n’était entachée d’aucune erreur de droit ou de fait et qu’elle était conforme à...

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