Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie contra Y. Z. y otros.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:820
Docket NumberC-557/17
Celex Number62017CC0557
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 October 2018
62017CC0557

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 4 octobre 2018 ( 1 )

Affaire C‑557/17

Y.Z.,

Z.Z.,

Y.Y.,

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/86/CE – Droit au regroupement familial – Directive 2003/109/CE – Statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée – Retrait du titre de séjour ou perte du statut pour cause de fraude – Absence de connaissance »

I. Introduction

1.

Dans la présente affaire, par sa première question préjudicielle, le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) cherche à savoir si le titre de séjour délivré au membre de la famille d’un ressortissant de pays tiers, conformément à la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial ( 2 ), obtenu sur la base d’informations frauduleuses fournies par le regroupant ( 3 ), peut être retiré lorsque son titulaire n’avait pas connaissance du caractère frauduleux desdites informations. De manière similaire, par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si, pour perdre le statut de résident de longue durée, tel qu’il découle de la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ( 4 ), il est nécessaire que le titulaire dudit statut ait eu connaissance de la fraude, au motif que ledit statut aurait été obtenu sur le fondement d’informations frauduleuses.

2.

Certes, ainsi que l’observait l’avocat général Elmer dans ses conclusions dans l’affaire Kol (C‑285/95, EU:C:1997:107, point 19), avaliser la fraude commise en vue de l’obtention d’un permis de séjour « reviendrait à donner une prime à un acte blâmable, ce qui constituerait pour d’autres un encouragement – au lieu d’une dissuasion – à remettre de fausses déclarations aux autorités des États membres chargées de la police des étrangers ». Toutefois, dans l’affaire au principal, les bénéficiaires des permis de séjour visés dans les questions préjudicielles n’avaient pas connaissance du caractère frauduleux des informations apportées à l’appui des demandes introduites en vue de leur obtention. Ils subissent, dès lors, les conséquences de la fraude commise par autrui.

3.

La Cour a déjà eu à se prononcer sur l’incidence de l’acquisition frauduleuse par un travailleur turc de son propre titre de séjour sur les droits que les membres de la famille de ce travailleur tirent de l’article 7, premier alinéa, de la décision no 1/80 du conseil d’association CEE‑Turquie ( 5 ), du 19 septembre 1980, relative au développement entre la Communauté européenne et la Turquie. En revanche, elle n’a jamais été interrogée sur le point de savoir si, lorsque des documents frauduleux ont été utilisés à l’appui de demandes de délivrance de permis de séjour au titre, d’une part, de regroupement familial et, d’autre part, de résidence de longue durée, les permis ainsi obtenus peuvent être retirés rétroactivement pour cause de fraude, dans les cas où les titulaires de ceux-ci n’ont pas eu connaissance du caractère frauduleux desdits documents. La présente affaire fournira donc à la Cour l’occasion de clarifier ce point qui requiert d’examiner l’interaction entre fraude et intention frauduleuse.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

Aux termes de l’article 16, paragraphe 2, sous a), de la directive 2003/86 :

« Les États membres peuvent également rejeter une demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial, ou retirer ou refuser de renouveler le titre de séjour d’un membre de la famille, s’il est établi :

a)

que des informations fausses ou trompeuses ou des documents faux ou falsifiés ont été utilisés, ou qu’il a été recouru à la fraude ou à d’autres moyens illégaux. »

5.

Selon l’article 17 de la directive 2003/86, « [l]es États membres prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans les cas [...] de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour [...] ».

6.

L’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109, intitulé « Retrait ou perte du statut », dispose :

« 1. Le résident de longue durée perd le droit au statut de résident de longue durée dans les cas suivants :

a)

constatation de l’acquisition frauduleuse du statut de résident de longue durée ».

B. Le droit néerlandais

7.

L’article 18, paragraphe 1, initio et sous c), de la Vreemdelingenwet 2000 (loi sur les étrangers de 2000, Pays-Bas, ci-après la Vw 2000), lu conjointement avec l’article 19 de cette même loi, constituent la mise en œuvre de l’article 16, paragraphe 2, sous a), de la directive 2003/86. L’article 18, paragraphe 1, initio et sous c), de la Vw 2000 énonce :

« Une demande tendant à la prolongation de la validité d’un permis de séjour à durée limitée visé à l’article 14 peut être rejetée lorsque […] l’étranger a fourni des informations inexactes ou n’a pas fourni des informations alors que ces informations auraient entraîné le rejet de la demande initiale d’obtention ou de prolongation ».

8.

L’article 19 de la Vw 2000 dispose :

« Le permis de séjour à durée limitée peut être retiré pour les motifs visés à l’article 18, paragraphe 1, à l’exception de celui visé sous b) [...] ».

9.

Selon l’article 20, paragraphe 1, de la Vw 2000 ( 6 ) :

« Notre ministre est compétent pour :

a)

accueillir, rejeter ou écarter sans examen la demande visant à obtenir un permis de séjour à durée illimitée ;

b)

retirer le permis de séjour à durée illimitée […] ».

10.

L’article 21, paragraphes 1et 3, de la Vw 2000, énonce :

« 1. En application de l’article 8, paragraphe 2, de la [directive 2003/109], la demande tendant à obtenir ou à modifier un permis de séjour à durée illimitée visé à l’article 20 ne peut être rejetée que lorsque l’étranger :

a)

n’a pas résidé de manière légale, au sens de l’article 8, pendant une période de cinq ans ininterrompue et précédant immédiatement la demande ;

[...]

d)

ne dispose pas de manière indépendante et durable, conjointement ou non avec le membre de la famille chez qui il réside, de moyens d’existence suffisants ;

[...]

h)

a fourni des informations inexactes ou n’a pas fourni des informations alors que ces informations auraient entraîné le rejet de la demande d’obtention, de modification ou de prolongation ;

[...] »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

11.

Le requérant Y. Z. (ci-après « le père »), ressortissant de pays tiers, s’est vu délivrer plusieurs permis de séjour conformément au droit national, dans le cadre de ses activités alléguées de dirigeant d’une société qui se sont relevées fictives ( 7 ). Il n’est pas contesté que le père ait obtenu ses titres de séjour de manière frauduleuse.

12.

Le 31 janvier 2002, dans le cadre du droit au regroupement familial, le requérant Z. Z. (ci-après « le fils »), né en 1991, et la requérante Y. Y. (ci-après « la mère »), tous deux ressortissants de pays tiers, se sont vu délivrer un permis de séjour ordinaire à durée limitée, au sens l’article 2, sous d), de la directive 2003/86 ( 8 ) (ci-après le « permis de séjour au titre du regroupement familial »). Par décisions du 21 mars 2007, la mère et le fils ont obtenu, à compter du 18 octobre 2006, un permis de séjour ordinaire à durée illimitée portant la mention « résident de longue durée ‑ CE » (ci-après le « permis de séjour de résident de longue durée »), conformément aux articles 7 et 8 de la directive 2003/109.

13.

Par décisions du 29 janvier 2014, le Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État ») a retiré avec effet rétroactif, d’une part, les permis de séjour au titre du regroupement familial accordés à la mère et au fils et, d’autre part, en application de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109, les permis de séjour de résident de longue durée qui leur avaient été délivrés (ci-après les « décisions de retrait du 29 janvier 2014 »). Il leur a enjoint de quitter immédiatement les Pays-Bas et a adopté une interdiction de retour contre eux. Les décisions de retrait du 29 janvier 2014 étaient justifiées par le fait que les permis de séjour au titre du regroupement familial de la mère et du fils avaient été délivrés sur la base des déclarations frauduleuses faites par le prétendu employeur du père, afin de justifier que le père disposait de ressources stables, régulières et suffisantes, telles qu’exigées à l’article 7, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/86. De manière similaire, les permis de séjour de résident de longue durée délivrés à la mère et au fils avaient également été obtenus de manière frauduleuse, puisque, d’une part, ils avaient été délivrés sur la base de la supposition inexacte que la mère et le fils jouissaient d’un séjour légal dans le cadre de leur séjour au titre du regroupement familial, et, d’autre part, les attestations frauduleuses d’emploi du père avaient également été produites afin de justifier qu’ils disposaient de ressources stables, régulières et suffisantes en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109. Selon le secrétaire d’État, le fait que la mère et le fils étaient ou non au courant...

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