Conclusiones del Abogado General Sr. N. Wahl, presentadas el 22 de marzo de 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:216
Date22 March 2018
Celex Number62016CC0096
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-94/17,C-96/16
62016CC0096

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 22 mars 2018 ( 1 )

Affaires jointes C‑96/16 et C‑94/17

Banco Santander SA

contre

Mahamadou Demba,

Mercedes Godoy Bonet

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia no 38 de Barcelona (tribunal de première instance no 38 de Barcelone, Espagne)]

et

Rafael Ramón Escobedo Cortés

contre

Banco de Sabadell SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Contrats conclus avec les consommateurs – Clauses abusives – Cession de créances – Absence de droit de retrait – Critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle fixant les intérêts moratoires – Conséquences de ce caractère »

Introduction

1.

Les présentes demandes de décisions préjudicielles, émanant des juridictions espagnoles, ont toutes deux été présentées dans le cadre de litiges opposant certains établissements bancaires à des consommateurs au sujet de l’exécution de contrats de prêts qu’ils ont conclus ensemble.

2.

Ces affaires portent notamment sur la compatibilité avec le droit de l’Union, en particulier avec la directive 93/13/CEE ( 2 ), d’une orientation jurisprudentielle nationale selon laquelle, d’une part, sont présumées abusives les clauses non négociées des contrats de prêts à la consommation qui fixent un taux d’intérêts moratoires dépassant de plus de deux points de pourcentage le taux des intérêts ordinaires (rémunératoires) et, d’autre part, il convient de tirer certaines conséquences de ce constat tant pour les prêts sans garantie réelle que pour les prêts hypothécaires. Cette règle aurait été dégagée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) dans divers arrêts ( 3 ), qui ont à leur tour été rendus postérieurement aux arrêts rendus par la Cour dans les affaires Aziz ( 4 ) et Unicaja Banco SA ( 5 ).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3.

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 prévoit que les « clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives [...] ne sont pas soumises aux dispositions de [cette] directive ».

4.

L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13 est libellé comme suit :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[...]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

5.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

6.

L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

7.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

8.

Aux termes de l’article 8 de cette directive :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

9.

L’article 8 bis de la même directive dispose :

« 1. Lorsqu’un État membre adopte des dispositions conformément à l’article 8, il informe la Commission de l’adoption desdites dispositions ainsi que de toutes modifications ultérieures, en particulier lorsque ces dispositions :

[...]

contiennent des listes de clauses contractuelles réputées abusives.

2. La Commission s’assure que les informations visées au paragraphe 1 sont aisément accessibles aux consommateurs et aux professionnels, entre autres sur un site [I]nternet spécifique.

[...] »

Le droit espagnol

Les dispositions relatives aux clauses abusives

10.

L’article 82, paragraphe 1, du texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (texte portant refonte de la loi générale pour la défense des consommateurs et des utilisateurs, et d’autres lois complémentaires), approuvé par le Real Decreto Legislativo 1/2007 (décret royal législatif 1/2007), du 16 novembre 2007 ( 6 ), dans sa version applicable aux litiges au principal, dispose :

« Sont considérées comme des clauses abusives toutes les stipulations n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et toutes les pratiques non consenties expressément qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’utilisateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

11.

Aux termes de l’article 83 du décret royal législatif 1/2007 :

« 1. Les clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites.

2. La partie du contrat entachée de nullité est corrigée conformément à l’article 1258 du Código Civil (code civil) et au principe de la bonne foi objective.

À cet effet, le juge qui déclare la nullité desdites clauses complète le contrat et dispose d’un pouvoir modérateur quant aux droits et aux obligations des parties, si le contrat subsiste, et quant aux conséquences de son invalidité si celle-ci cause un préjudice appréciable au consommateur et à l’usager. Le juge ne peut déclarer l’invalidité du contrat que si les clauses qui subsistent placent les parties dans une situation inéquitable à laquelle il ne peut être remédié. »

Les dispositions relatives à la cession de créance

12.

L’article 1535 du Código Civil (code civil), qui régit le droit du débiteur de racheter sa dette en cas de cession de créance, dispose :

« Lorsqu’une créance litigieuse est cédée, le débiteur a le droit de l’éteindre en remboursant au cessionnaire le montant que ce dernier a payé ainsi que les frais qu’il a exposés et les intérêts du montant à compter de la date de ce paiement.

Une créance est considérée comme litigieuse lorsque l’action en justice relative à celle-ci fait l’objet d’une contestation.

Le débiteur peut se prévaloir de son droit dans un délai de neuf jours à compter de la demande de paiement présentée par le cessionnaire. »

13.

La substitution du cessionnaire d’une créance au cédant dans les procédures juridictionnelles est régie par les articles 17 et 540 de la Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil (loi 1/2000 portant code de procédure civile), du 7 janvier 2000 (ci-après le « code de procédure civile »), ledit article 17 s’appliquant dans le cadre des procédures au fond et l’article 540 dans celui des procédures en exécution.

Les dispositions relatives à la fixation des intérêts moratoires

14.

L’article 1108 du Código Civil (code civil) dispose :

« Si l’obligation consiste à verser une somme d’argent et que le débiteur est en retard de paiement, le taux d’intérêt qui s’applique à la réparation du préjudice subi est, sauf disposition contraire, le taux convenu et, en l’absence d’accord, le taux d’intérêt légal. »

15.

Aux termes de l’article 114, paragraphe 3, de la Ley Hipotecaria (loi hypothécaire), telle que modifiée par la Ley 1/2013 de medidas para reforzar la protección a los deudores hipotecarios, reestructuración de deuda y alquiler social (loi 1/2013 relative aux mesures visant à renforcer la protection des débiteurs hypothécaires, la restructuration de la dette et le loyer social), du 14 mai 2013 ( 7 ):

« Les intérêts de retard pour les prêts ou crédits visant à l’acquisition du logement habituel, garantis par des hypothèques constituées sur le logement en question, ne peuvent excéder trois fois le taux d’intérêt légal et ne peuvent être perçus que sur le montant du principal à payer. [...] »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Dans l’affaire C‑96/16

16.

Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C‑96/16 que Mme Mercedes Godoy Bonet et M. Mahamadou Demba ont conclu avec l’établissement bancaire Banco Santander SA deux contrats de prêt, respectivement le 2 novembre 2009 et le 22 septembre 2011, d’un montant de 30750 euros avec une échéance au 2 novembre 2014 pour le premier et d’un montant de 32153,63 euros avec une échéance au 22 septembre 2019 pour le second.

17.

Conformément aux conditions générales desdits contrats, les taux des intérêts ordinaires et moratoires applicables étaient respectivement de 8,50 % et de 18,50 % pour le premier contrat, et de 11,20 % et de 23,70 % pour le second contrat.

18.

M. Demba et Mme Godoy Bonet ayant cessé de verser à Banco Santander les mensualités prévues par les contrats de prêt en cause, cet établissement bancaire a déclaré...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Dexia Nederland BV v XXX and Z.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Enero 2021
    ...already been addressed in the Opinion of Advocate General Wahl in Joined Cases Banco Santander and Escobedo Cortés (C‑96/16 and C‑94/17, EU:C:2018:216), where it was concluded that that possibility should be limited to cases in which the invalidity of an unfair term would require the court ......
1 cases
  • Dexia Nederland BV v XXX and Z.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Enero 2021
    ...already been addressed in the Opinion of Advocate General Wahl in Joined Cases Banco Santander and Escobedo Cortés (C‑96/16 and C‑94/17, EU:C:2018:216), where it was concluded that that possibility should be limited to cases in which the invalidity of an unfair term would require the court ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT