ÖKO-Test Verlag GmbH contra Dr. Rudolf Liebe Nachf. GmbH & Co.KG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:39
Celex Number62017CC0690
Date17 January 2019
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-690/17
62017CC0690

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 17 janvier 2019 ( 1 )

Affaire C‑690/17

Öko-Test Verlag GmbH

contre

Dr. Rudolf Liebe Nachf. GmbH & Co.KG

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Marque de l’Union européenne – Droits conférés par la marque – Droit de s’opposer à l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire – Apposition non autorisée d’une marque en tant que label de test sur un produit »

1.

Le renvoi préjudiciel dans la présente affaire porte sur le droit du titulaire d’une marque (ÖKO-TEST), consistant en un label de test ( 2 ) et enregistrée pour identifier un certain nombre de services, d’interdire l’usage de sa marque par un tiers qui, sans son consentement, l’emploie sur l’emballage d’un dentifrice (Aminomed).

2.

Dans un tel cas de figure, où il ne semble pas exister d’identité ou de similitude entre les produits dentaires et les services proposés par le titulaire du label, est-il pertinent d’intenter une action en contrefaçon de marques ? Telle est, en substance, la question que soulève la juridiction de renvoi, par laquelle elle cherche à surmonter les difficultés liées au fait que le titulaire de la marque ÖKO‑TEST ne peut exercer contre celui qui utilise ce label sans son consentement, une action contractuelle ou toute autre action fondée sur les dispositions du droit allemand en matière de concurrence déloyale.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

Le régime juridique de protection des marques est composé des mesures d’harmonisation des droits nationaux (en particulier la directive 2008/95/CE) ( 3 ), mais également des dispositions régissant la marque de l’Union européenne [le règlement (CE) no 207/2009] ( 4 ), applicables aux opérateurs qui choisissent ce titre de propriété industrielle.

1. La directive 2008/95

4.

L’article 5, paragraphes 1 à 3, de cette directive dispose :

« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

a)

d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

b)

d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque ou le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit :

a)

d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

b)

d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ;

[...] »

2. Le règlement 2017/1001

5.

L’article 9, paragraphes 1 à 3 ( 5 ), de ce règlement dispose ce qui suit :

« 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :

a)

ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ;

b)

ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ;

c)

ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice.

3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 :

a)

d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

b)

d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ;

[...] »

B. Le droit allemand : la loi allemande relative à la protection des marques et d’autres signes distinctifs

6.

Avec l’article 14, paragraphe 2, point 3, du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi allemande relative à la protection des marques et d’autres signes distinctifs) ( 6 ), la République fédérale d’Allemagne a fait usage de la faculté prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/95 en faveur des marques renommées.

II. Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

7.

Öko-Test Verlag GmbH est l’éditeur du magazine « ÖKO‑TEST », qui est diffusé dans toute l’Allemagne. Outre des informations générales destinées aux consommateurs, cette société publie des analyses de produits et de services, qui sont commandées à des laboratoires indépendants. Les tests et les analyses sont effectués sans que soit connue l’identité des différents fabricants.

8.

Depuis le 23 avril 2012, Öko-Test Verlag est titulaire auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques), et depuis le 31 août 2012 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), respectivement, des marques figuratives nationale et de l’Union suivantes ( 7 ) :

Image

9.

Les services ( 8 ) couverts par la marque et les plus pertinents pour le litige au principal figurent dans les classes 35 (informations et conseils aux consommateurs dans la sélection de produits et de services, en particulier en utilisant des résultats de tests et d’examens ; exécution et évaluation de sondages d’opinion et sondages) et 42 (conduite et évaluation de tests scientifiques de produits et études de services à usage scientifique ; conduite et évaluation d’études de qualité ; conduite et évaluation de tests et d’examens techniques).

10.

Öko-Test Verlag est financée principalement par les recettes provenant de la commercialisation de son magazine ainsi que la concession de licences pour l’usage de la marque, qu’elle accorde aux fabricants des produits, une fois que ces derniers ont été testés. Les preneurs de licence reçoivent un fichier électronique comportant le label ÖKO-TEST et l’utilisent pour leurs produits, en insérant dans le cadre prévu à cet effet le résultat du test ainsi que la source de ce résultat ( 9 ).

11.

Le contrat de licence prend fin lorsqu’un test plus récent (avec de nouveaux paramètres) modifie le résultat des tests précédents effectués sur le produit du preneur de licence, même si ce produit n’a pas été soumis au nouveau test ( 10 ), ou en cas de modification de la nature ou des caractéristiques du produit.

12.

La société Dr. Rudolf Liebe Nachf. GmbH & Co.KG ( 11 ) fabrique du dentifrice, et notamment un produit appelé « Aminomed ». Öko-Test Verlag a testé un certain nombre de dentifrices, parmi lesquels le dentifrice dit « Aminomed Fluorid-Kamillen-Zahncreme » (dentifrice aux extraits de camomille et de fluorure) et a publié les résultats du test dans le Jahrbuch Kosmetik 2005 (recueil des tests concernant des produits cosmétiques, effectués au cours de l’année 2005), et lui a attribué la mention « très bien » (« sehr gut »).

13.

En août 2005, les deux sociétés ont conclu un contrat de licence relatif à l’usage du label ÖKO-TEST (non encore enregistré en tant que marque), que Dr. Liebe a commencé à utiliser dans la publicité pour son produit.

14.

En octobre 2014, Öko-Test Verlag a appris qu’Aminomed était commercialisé sous la forme reproduite ci-dessous :

Image

la version initiale de l’emballage ayant été modifiée.

15.

Öko-Test Verlag a introduit une action en contrefaçon devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne). Elle a fait valoir que Dr. Liebe n’était pas autorisée, en vertu du contrat de licence, à utiliser le label ÖKO-TEST étant donné que : a) ce dernier ne faisait pas l’objet du contrat ; b) s’agissant de la catégorie de produits « dentifrices », un nouveau test comportant de nouveaux paramètres d’évaluation a été publié en 2008...

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