Hansruedi Raimund contra Michaela Aigner.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:479
Docket NumberC-425/16
Celex Number62016CC0425
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 June 2017
62016CC0425

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 20 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑425/16

Hansruedi Raimund

contre

Michaela Aigner

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Marque de l’Union européenne – Relation entre une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle en nullité »

1.

Le litige à l’origine du présent renvoi préjudiciel oppose deux commerçants de produits (mélanges de plantes à ajouter à des alcools à titre élevé) similaires, si ce n’est identiques, qui portent le même nom « Baucherlwärmer ». De surcroît, l’un des commerçants bénéficie de la protection d’une marque de l’Union européenne, enregistrée auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ( 2 ).

2.

Le titulaire de cette marque distinctive, M. Hansruedi Raimund, a introduit un recours en contrefaçon de sa marque, considérant que Mme Michaela Aigner, qui vendait ses produits sous le même nom, portait atteinte aux droits inhérents à la protection de la marque enregistrée.

3.

Mme Aigner a répondu à cette action en y opposant l’exception ( 3 ) de nullité de la marque et, deux ans plus tard ( 4 ), elle a présenté une demande reconventionnelle. Dans les deux cas, elle reprochait à M. Raimund d’avoir enregistré la marque « Baucherlwärmer » de mauvaise foi, car elle-même l’utilisait avant que M. Raimund n’obtienne ce droit de propriété industrielle.

4.

Le litige a généré deux procédures traitées, en première instance, par le tribunal autrichien des marques de l’Union européenne (Handelsgericht Wien, tribunal de commerce de Vienne, Autriche), et en appel, par l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche). Si la demande reconventionnelle est toujours pendante en première instance, des arrêts ont été rendus dans la procédure en contrefaçon de la marque en première instance et en appel. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) doit se prononcer en cassation sur l’arrêt rendu par la juridiction d’appel.

5.

L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) doit déterminer concrètement si l’arrêt rendu dans le cadre de la procédure pour contrefaçon de la marque pouvait être valablement adopté avant l’adoption d’un arrêt dans le cadre de la demande reconventionnelle. Partant, afin d’écarter tout doute à cet égard, il adresse deux questions préjudicielles à la Cour, qui doit se prononcer sur la portée du règlement (CE) no 207/2009 ( 5 ) à la lumière de deux facteurs pertinents : a) la présomption de validité des marques de l’Union européenne ; et b) l’interaction entre les actions en contrefaçon des marques de l’Union européenne et les éventuelles demandes reconventionnelles en nullité que les parties défenderesses peuvent invoquer face aux premières.

I. Cadre juridique : le règlement no 207/2009

6.

Aux termes de son considérant 16 :

« Il est indispensable que les décisions sur la validité et la contrefaçon des marques [de l’Union européenne] produisent effet et s’étendent à l’ensemble de [l’Union], seul moyen d’éviter des décisions contradictoires des tribunaux et de l’Office, et des atteintes au caractère unitaire des marques [de l’Union]. […] »

7.

Le considérant 17 indique que :

« Il convient d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et de marques nationales parallèles […] »

8.

Parmi les règles générales du titre I, l’article 1er, paragraphe 2, dispose :

« La marque [de l’Union européenne] a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de [l’Union] : elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de [l’Union]. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement. »

9.

Dans le titre VI, consacré à la renonciation, à la déchéance et à la nullité, la section 3 fixe les causes de nullité des marques de l’Union européenne et son article 52 énonce les motifs de nullité absolue, pour ce qui intéresse la présente affaire, dans les termes suivants :

« 1.

La nullité de la marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a)

lorsque la marque [de l’Union européenne] a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 ;

b)

lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque […] »

10.

L’article 53, paragraphe 1, expose les causes de nullité relative, en ce qui concerne la présente affaire, de la manière suivante :

« 1.

La marque [de l’Union européenne] est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : […]

c)

lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies. […] »

11.

Le titre X (« compétence et procédure concernant les actions en justice relatives aux marques de l’Union européenne ») comprend dans sa section 2, qui porte sur les litiges en matière de contrefaçon et de validité des marques de l’Union européenne, l’article 95, dont le paragraphe 1, dispose :

« 1.

Les États membres désignent sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et de deuxième instance, ci-après dénommées “tribunaux des marques [de l’Union européenne]”, chargées de remplir les fonctions qui leur sont attribuées par le présent règlement. »

12.

Aux termes de l’article 96 (« compétence en matière de contrefaçon et de validité ») :

« Les tribunaux des marques [de l’Union européenne] ont compétence exclusive :

a)

pour toutes les actions en contrefaçon et – si la loi nationale les admet – en menace de contrefaçon d’une marque [de l’Union européenne] ;

[…]

d)

pour les demandes reconventionnelles en déchéance ou en nullité de la marque [de l’Union européenne] à l’article 100. »

13.

L’article 99 (« présomption de validité – Défenses au fond ») dispose :

« 1.

Les tribunaux des marques [de l’Union européenne] considèrent la marque [de l’Union européenne] comme valide, à moins que le défendeur n’en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité.

2.

La validité d’une marque [de l’Union européenne] ne peut être contestée par une action en constatation de non-contrefaçon.

3.

Dans les actions visées à l’article 96, points a) et c) ( 6 ), l’exception de déchéance ou de nullité de la marque [de l’Union européenne], présentée par une voie autre qu’une demande reconventionnelle, est recevable dans la mesure où le défendeur fait valoir que le titulaire de la marque [de l’Union européenne] pourrait être déchu de ses droits pour usage insuffisant ou que la marque pourrait être déclarée nulle en raison de l’existence d’un droit antérieur du défendeur. »

14.

L’article 100 énonce :

« 1.

La demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité ne peut être fondée que sur les causes de déchéance ou de nullité prévues par le présent règlement.

2.

Un tribunal des marques [de l’Union européenne] rejette une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité, si une décision rendue par l’Office entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause est déjà devenue définitive […] »

15.

Dans les cas où il existe une certaine connexité entre les affaires présentées devant les tribunaux, ou devant un tribunal des marques de l’Union européenne et l’EUIPO, l’article 104 prévoit :

« 1.

Sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des marques [de l’Union européenne] saisi d’une action visée à l’article 96, à l’exception d’une action en constatation de non-contrefaçon, sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque [de l’Union européenne] est déjà contestée devant un autre tribunal des marques [de l’Union européenne] par une demande reconventionnelle ou qu’une demande en déchéance ou en nullité a déjà été introduite auprès de l’Office.

2.

Sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, l’Office saisi d’une demande en déchéance ou en nullité sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque [de l’Union européenne] est déjà contestée devant un tribunal des marques [de l’Union européenne] par une demande reconventionnelle […] »

II. Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

A. Les faits ( 7 )

16.

Dans les années 1980-1990, le père de Mme Aigner se livrait au commerce, entre autres produits, d’herbes et de préparations d’épices et d’herbes, qu’il proposait dans son établissement, ainsi que, de manière itinérante, dans des foires, sur les marchés et dans la rue.

17.

En 2000, Mme Aigner a repris le...

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