Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 6 de noviembre de 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:875
Docket NumberC-492/18
Celex Number62018CC0492
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
Date06 November 2018
62018CC0492

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 6 novembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑492/18 (PPU)

Openbaar Ministerie

contre

TC

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Décision de remise – Article 17 – Droits de la personne recherchée – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 6 – Droit à la liberté »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle a été introduite dans le cadre de l’exécution, aux Pays-Bas, d’un mandat d’arrêt européen (ci-après « MAE ») émis par une autorité judiciaire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à l’encontre de TC aux fins de l’exercice de poursuites pénales.

2.

Après l’arrestation de TC aux Pays-Bas, la Cour a été saisie, dans l’affaire RO ( 2 ), d’un renvoi préjudiciel portant sur les implications de la notification par le Royaume-Uni de son intention de se retirer de l’Union européenne, en application de l’article 50, paragraphe 2, TUE, sur l’exécution d’un MAE rendu par des autorités de cet État membre. La juridiction de renvoi dans la présente affaire a sursis à statuer dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans l’affaire RO, ce qui a abouti à ce que TC se trouvait en détention durant une période supérieure à 90 jours.

3.

Or, selon une disposition transposant la décision-cadre 2002/584/JAI ( 3 ) en droit néerlandais, la détention d’une personne recherchée en vertu d’un MAE devrait être suspendue après l’expiration d’un délai de 90 jours à compter de son arrestation. Les juridictions néerlandaises considèrent cependant qu’il y a lieu de suspendre ce délai afin de pouvoir maintenir une telle personne en détention.

4.

C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la conformité du maintien de TC en détention avec l’article 6 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5.

Selon l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre, celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne ».

6.

Aux termes de l’article 12 de la décision-cadre, intitulé « Maintien de la personne en détention » :

« Lorsqu’une personne est arrêtée sur la base d’un [MAE], l’autorité judiciaire d’exécution décide s’il convient de la maintenir en détention conformément au droit de l’État membre d’exécution. La mise en liberté provisoire est possible à tout moment conformément au droit interne de l’État membre d’exécution, à condition que l’autorité compétente dudit État membre prenne toute mesure qu’elle estimera nécessaire en vue d’éviter la fuite de la personne recherchée. »

7.

Selon l’article 17, paragraphes 1, 3 à 5, et 7 de la décision-cadre :

« 1. Un [MAE] est à traiter et exécuter d’urgence.

[…]

3. Dans les autres cas, la décision définitive sur l’exécution du [MAE] devrait être prise dans un délai de soixante jours à compter de l’arrestation de la personne recherchée.

4. Dans des cas spécifiques, lorsque le [MAE] ne peut être exécuté dans les délais prévus aux paragraphes 2 ou 3, l’autorité judiciaire d’exécution en informe immédiatement l’autorité judiciaire d’émission, en indiquant pour quelles raisons. Dans un tel cas, les délais peuvent être prolongés de trente jours supplémentaires.

5. Aussi longtemps qu’aucune décision définitive sur l’exécution du [MAE] n’est prise par l’autorité judiciaire d’exécution, celui-ci s’assurera que les conditions matérielles nécessaires à une remise effective de la personne restent réunies.

[…]

7. Lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, un État membre ne peut pas respecter les délais impartis par le présent article, il en informe Eurojust, en précisant les raisons du retard. En outre, un État membre qui a subi, de la part d’un autre État membre, plusieurs retards dans l’exécution de mandats d’arrêt européens en informe le Conseil en vue de l’évaluation, au niveau des États membres, de la mise en œuvre de la présente décision-cadre. »

B. Le droit néerlandais

8.

La décision-cadre a été transposée en droit néerlandais par l’Overleveringswet (Stb. 2004, no 195) (loi sur la remise, ci-après l’« OLW »). L’article 22, paragraphes 1, 3 et 4, de l’OLW dispose :

« 1. La décision relative à la remise doit être rendue par le rechtbank (tribunal) au plus tard soixante jours après l’arrestation de la personne réclamée, visée à l’article 21.

[…]

3. Dans des cas exceptionnels et en indiquant les raisons à l’autorité judiciaire d’émission, le rechtbank (tribunal) peut prolonger de trente jours au maximum le délai de soixante jours.

4. Si, dans le délai indiqué au paragraphe 3, le rechtbank (tribunal) n’a pas rendu de décision, il peut à nouveau prolonger le délai pour une durée indéterminée, moyennant suspension temporaire, sous conditions, de la privation de liberté de la personne réclamée et information de l’autorité judiciaire d’émission. »

9.

Aux termes de l’article 64 de l’OLW :

« 1. Dans les cas où une décision relative à la privation de liberté peut ou doit être adoptée en vertu de la présente loi, il peut être ordonné que cette privation de liberté soit différée ou suspendue sous conditions jusqu’au prononcé de la décision du rechtbank (tribunal) autorisant la remise. Les conditions fixées sont destinées uniquement à prévenir la fuite.

2. L’article 80, à l’exception du paragraphe 2, et les articles 81 à 88 du code de procédure pénale s’appliquent mutatis mutandis aux ordonnances rendues par le rechtbank (tribunal) ou le juge d’instruction en vertu du paragraphe 1. »

10.

Conformément à l’article 84, paragraphe 1, première phrase, du Wetboek van Strafvordering (code de procédure pénale néerlandais), applicable sur le fondement de l’article 64, paragraphe 2, de l’OLW, le ministère public peut ordonner l’arrestation de la personne réclamée en cas de non-respect de l’une des conditions imposées à la suspension de la détention en vue de la remise, ou si un risque de fuite résulte de circonstances déterminées.

III. Les faits et la procédure devant la juridiction de renvoi

11.

Le 12 juin 2017, une autorité judiciaire du Royaume-Uni a émis un MAE aux fins de l’exercice de poursuites pénales contre TC, un ressortissant britannique résidant en Espagne et soupçonné d’avoir participé à l’importation, à la distribution et à la vente de drogues dures.

12.

Le 4 avril 2018, TC a été arrêté aux Pays-Bas. Le délai de 60 jours, prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’OLW et à l’article 17, paragraphe 3, de la décision-cadre pour adopter une décision sur l’exécution d’un MAE a commencé à courir à cette date.

13.

Le 31 mai 2018, la juridiction de renvoi a prolongé de 30 jours le délai d’adoption de la décision sur l’exécution d’un MAE.

14.

Par décision du 14 juin 2018, la juridiction de renvoi a sursis à statuer dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans l’affaire RO ( 4 ). Par ailleurs, la juridiction de renvoi a autorisé la suspension du délai d’adoption de la décision sur l’exécution du MAE, de telle sorte que TC a été maintenu en détention.

15.

Le 27 juin 2018, le conseil de TC a, sur le fondement de l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, présenté devant la juridiction de renvoi une demande de mise en liberté provisoire de celui-ci à partir du 4 juillet 2018, soit après 90 jours de détention. En effet, en vertu de l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, la juridiction de renvoi doit, en principe, mettre fin à la détention en vue de la remise de la personne réclamée à l’expiration du délai de 90 jours imparti pour adopter une décision définitive au sujet de l’exécution du MAE.

16.

Cela étant dit, la juridiction de renvoi estime, en premier lieu, que lors de la transposition de la décision-cadre, le législateur néerlandais a pris comme prémisse que, selon la décision-cadre, à l’expiration du délai de 90 jours, la personne réclamée ne se trouve plus en détention en vue de sa remise. Or, il ressortirait de l’arrêt Lanigan ( 5 ) que la décision-cadre ne prévoit pas d’obligation générale et inconditionnelle de mise en liberté (provisoire) en cas de dépassement du délai de 90 jours, pour autant que la procédure de remise ait été menée de manière suffisamment diligente et, partant, que la durée de la détention ne présente pas un caractère excessif ( 6 ).

17.

Le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) ajoute, en second lieu, que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW ne prendrait pas suffisamment en compte les obligations qui pèsent sur la juridiction de renvoi en vertu de dispositions du droit primaire de l’Union.

18.

Plus précisément, la juridiction de renvoi indique être tenue, premièrement, de saisir la Cour d’une question préjudicielle lorsque la réponse à cette question est nécessaire pour rendre sa décision relative à l’exécution d’un MAE, deuxièmement, d’attendre la réponse aux questions posées par les autorités judiciaires d’autres États membres lorsque la réponse à une question introduite par une autre juridiction est nécessaire pour prendre sa décision et, enfin, troisièmement, selon l’arrêt Aranyosi et Căldăraru ( 7 ), de reporter sa décision sur la remise s’il existe un risque réel de traitement inhumain ou dégradant à l’égard de la personne réclamée dans l’État...

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