Conclusiones del Abogado General Sr. M. Bobek, presentadas el 6 de febrero de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:97
Celex Number62017CC0391
CourtCourt of Justice (European Union)
Date06 February 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 6 février 2019 (1)

Affaire C391/17

Commission européenne

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord :

(Manquement d’un État membre — Ressources propres — Décision 91/482/EEC – Association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne —Importations d’aluminium en provenance d’Anguilla — Transbordement — Certificats EXP erronément délivrés par les autorités douanières de pays ou territoires d’outre-mer – Droits de douane non perçus par l’État membre d’importation – Responsabilité financière de l’État membre avec lequel un PTOM entretient une relation particulière – Compensation pour la perte de ressources propres de l’UE subie dans un autre État membre)






I. Introduction

1. La Commission européenne tend à faire constater que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du principe de coopération loyale, consacré à l’article 5 CE (2), parce qu’il n’a pas compensé la perte de ressources propres qui auraient dû être mises à disposition du budget de l’Union. Le montant réclamé se rapporte à des droits de douane qui n’ont pas été perçus lors de l’importation en Italie de livraisons d’aluminium originaires d’États tiers. Cette somme aurait été perçue si les autorités douanières d’Anguilla, un pays et territoire d’outre-mer (PTOM) du Royaume-Uni, n’avaient pas délivré les certificats d’exportation pertinents pour la réexportation vers l’Union européenne au cours des années 1998 à 2000, en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision nº 91/482 (3). La Commission considère que conformément au droit de l’Union, le Royaume-Uni est responsable de cette perte de ressources propres causée par son PTOM. Elle fait valoir qu’en vertu du devoir de coopération loyale, il incombe à cet État membre de mettre à présent à la disposition du budget de l’Union les droits de douane qui n’ont pas été perçus par un autre État membre (l’Italie), majorés des intérêts.

2. Par un recours parallèle dans l’affaire C‑395/17, Commission/Royaume des Pays-Bas, dans laquelle je présenterai des conclusions à part, la Commission tente d’obtenir une déclaration similaire et la compensation des pertes de ressources propres. Cette affaire porte sur de prétendus manquements des autorités douanières de Curaçao et d’Aruba, deux PTOM du Royaume des Pays-Bas.

3. La nature technique et complexe du recours en l’espèce, qu’il faut lire plusieurs fois pour saisir ce que la Commission requiert, ne doit pas occulter le fait que la partie immergée de l’iceberg est bien plus importante. Les prétentions ne sont pas ce qu’elles semblent être. Masquée par un brouillard mêlant technicité de la réglementation douanière, complexité de l’ensemble des faits d’un cas particulier, et richesse des antécédents procéduraux, dont la clarté peut bien évoquer Twin Peaks, se cache une question structurelle et constitutionnelle d’une importance considérable. La Commission peut-elle, par un recours en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, faire constater qu’un État membre (le Royaume-Uni) a enfreint le devoir de coopération loyale en ne compensant pas la perte pour le budget de l’Union qui s’est produite dans un autre État membre (l’Italie), en raison d’une prétendue violation du droit de l’Union commise par son PTOM (Anguilla) par le passé (assez lointain) ? La Commission peut-elle demander l’indemnisation du préjudice causé à l’Union européenne, à titre de réparation, dans le cadre de ce recours en manquement ? Si une telle prétention est effectivement recevable au titre de l’article 258 TFUE, quelles sont les conditions de preuve auxquelles la Commission doit satisfaire pour qu’une telle prétention soit accueillie ?

II. Le cadre juridique

A. Le système des ressources propres

4. Le règlement (CEE, Euratom) nº 1552/89 (4), tel que modifié par le règlement (CEE, Euratom) nº 1355/96 (5) (ci-après le « règlement nº 1552/89 »), est applicable aux faits de la présente affaire.

5. Aux termes de l’article 2 du règlement nº 1552/89 :

« 1. Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de la décision 88/376/CEE, Euratom est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

1 bis. La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière.

[…]

1 ter. Dans les cas de contentieux, les autorités administratives compétentes sont réputées pouvoir calculer, aux fins de la constatation visée au paragraphe 1, le montant du droit dû au plus tard à l’occasion de la première décision administrative qui communique la dette au redevable, ou à l’occasion de la saisine de l’autorité judiciaire, si cette saisine intervient en premier lieu.

La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la décision ou celle du calcul à effectuer consécutivement à la saisine mentionnée au premier alinéa ».

6. L’article 6, paragraphes 1 et 2, du même règlement est libellé comme suit :

« 1. Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[…]

2. a) Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b) Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.

[…] »

7. Selon l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1552/89, précité, « [a]près déduction de 10 % au titre des frais de perception en application de l’article 2 paragraphe 3 de la décision 88/376/CEE, Euratom, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de cette décision, intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6 paragraphe 2 point b), l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits ».

8. L’article 11, du règlement nº 1552/89 est libellé comme suit : « Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9 paragraphe 1 donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est majoré de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période de retard. »

9. L’article 17, paragraphes 1 et 2, du même règlement est libellé comme suit :

« 1. Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2. Les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure. En outre, dans des cas d’espèce, les États membres peuvent ne pas mettre ces montants à la disposition de la Commission lorsqu’il s’avère, après examen approfondi de toutes les données pertinentes du cas en question, qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne sauraient leur être imputables. Ces cas doivent être mentionnés dans le rapport prévu au paragraphe 3, dans la mesure où les montants dépassent 10 000 [euros], convertis en monnaie nationale au taux du premier jour ouvrable du mois d’octobre de l’année civile passée ; ce rapport doit comporter une indication des raisons qui ont empêché l’État membre de mettre à disposition les montants en cause. La Commission dispose d’un délai de six mois pour communiquer, le cas échéant, ses observations à l’État membre concerné.

[...] »

10. Le règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 (6) a remplacé le règlement nº 1552/89. L’article 2, paragraphes 1, 2 et 3, l’article 6, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous b) et c), l’article 10, paragraphe 1 et l’article 11 de ce règlement correspondent en substance aux dispositions du règlement 1552/89 cité ci-dessus. L’article 17 du règlement nº 1552/89 a été remplacé par l’article 17 du règlement nº 1150/2000, modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 2028/2004 (7).

B. La décision relative aux PTOM

11. L’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM, applicable ratione temporis en l’espèce, est libellé comme suit :

« Les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l’État vers la Communauté sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d’effet équivalent à condition qu’ils :

– aient acquitté, dans le PTOM concerné, des droits de douane ou taxes d’effet équivalent d’un niveau égal ou supérieur aux droits de douane applicables dans la Communauté à l’importation de ces mêmes produits originaires de pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée,

–...

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