Ermira Bajratari contra Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:512
Docket NumberC-93/18
Date19 June 2019
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62018CC0093

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 19 juin 2019 (1)

Affaire C‑93/18

Ermira Bajratari

contre

Secretary of State for the Home Department

en présence de

AIRE Centre

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord, Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Directive 2004/38/CE – Droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers ascendant direct de citoyens de l’Union mineurs – Article 7, paragraphe 1, sous b) – Condition de ressources suffisantes – Ressources constituées de revenus provenant d’un travail exercé sans permis de séjour et de travail »






I. Introduction

1. Par sa demande de décision préjudicielle, la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord, Royaume-Uni) interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38/CE (2).

2. Les questions posées par la juridiction de renvoi portent, en substance, sur le caractère suffisant des ressources dont doit disposer un citoyen de l’Union lorsque ces ressources, mises à la disposition des enfants en bas âge citoyens de l’Union, proviennent de revenus tirés de l’emploi exercé dans un État membre par leur père, ressortissant d’un État tiers qui, ayant bénéficié d’un permis de séjour et de travail dans le passé, ne bénéficie plus de ce permis dans cet État membre du fait de l’expiration de sa carte de séjour.

3. Si la Cour se penchera, pour la première fois, sur cette question précise, il convient toutefois de relever que la disposition en cause au principal a déjà été interprétée par la Cour, notamment, dans l’arrêt Zhu et Chen (3).

4. Par conséquent, la présente affaire amènera la Cour, en particulier, à préciser la portée de cet arrêt dans le contexte spécifique de l’affaire en cause au principal.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5. L’article 2 de la directive 2004/38, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “citoyen de l’Union” : toute personne ayant la nationalité d’un État membre ;

2) “membre de la famille” :

[...]

b) le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d’un État membre, si, conformément à la législation de l’État membre d’accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l’État membre d’accueil ;

[...]

d) les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ;

3) “État membre d’accueil” : l’État membre dans lequel se rend un citoyen de l’Union en vue d’exercer son droit de circuler et de séjourner librement. »

6. L’article 3 de cette directive, intitulé « Bénéficiaires », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

7. L’article 7 de ladite directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », prévoit, à son paragraphe 1, sous b) :

« 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

[...]

b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

[...] »

8. L’article 14 de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour », énonce, au paragraphe 2 :

« Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles. »

B. Le droit du Royaume-Uni

9. La seule disposition citée par la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord) dans sa décision de renvoi est l’article 1er, paragraphe 2, de l’Immigration Act 1971 (loi de 1971 sur l’immigration), en vertu duquel une personne qui n’est pas citoyenne britannique doit avoir une autorisation de séjourner, de travailler et de s’installer au Royaume-Uni (4).

III. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10. Mme Ermira Bajratari, une ressortissante albanaise, réside en Irlande du Nord depuis l’année 2012. Pour la période allant du 13 mai 2009 au 13 mai 2014, son époux, M. Durim Bajratari, qui est également un ressortissant albanais résidant en Irlande du Nord, a été titulaire d’une carte de séjour l’autorisant à résider au Royaume-Uni. Cette carte lui avait été délivrée sur la base de sa relation antérieure avec Mme Toal, une ressortissante du Royaume-Uni (5), relation qui a pris fin au début de l’année 2011.

11. Bien que, à la suite de la fin de sa relation avec Mme Toal, l’époux de Mme Bajratari ait quitté le Royaume‑Uni au cours de l’année 2011 pour se marier en Albanie avec la requérante au principal, il est retourné en Irlande du Nord au cours de l’année 2012. À aucun moment sa carte de séjour n’a été révoquée.

12. Le couple a trois enfants qui sont tous nés en Irlande du Nord et deux d’entre eux ont obtenu un certificat de nationalité irlandaise.

13. Depuis l’année 2009, l’époux de Mme Bajratari a exercé différentes activités professionnelles, notamment comme employé de restaurant en Irlande du Nord, mais il travaille illégalement depuis le 12 mai 2014, date de l’expiration de sa carte de séjour.

14. La famille ne s’est jamais déplacée et n’a jamais résidé dans un État membre de l’Union autre que le Royaume‑Uni.

15. Après la naissance de son premier enfant, ressortissant irlandais, la requérante au principal a introduit une demande auprès du Home Office (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni) en vue de la reconnaissance d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive 2004/38, en invoquant son statut de personne assurant effectivement la garde de son enfant, citoyen de l’Union, et en faisant valoir qu’un refus de permis de séjour priverait son enfant du bénéfice de ses droits de citoyen de l’Union.

16. Cette demande a été rejetée pour deux motifs distincts, à savoir, d’une part, que la requérante au principal n’avait pas la condition de « membre de la famille » au sens de la directive 2004/38 et, d’autre part, que son enfant ne satisfaisait pas à la condition d’autonomie financière prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.

17. Le 8 juin 2015, le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile, Royaume-Uni)] a rejeté le recours introduit par Mme Bajratari contre la décision du ministère de l’Intérieur. Le 6 octobre 2016, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni] a rejeté le second recours de la requérante. Celle-ci a alors saisi la juridiction de renvoi d’une demande d’autorisation de pourvoi contre l’arrêt de l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)].

18. La juridiction de renvoi observe que la Cour a précédemment jugé que l’exigence imposée par l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, selon laquelle un citoyen de l’Union doit disposer de ressources suffisantes, est satisfaite dès lors que ces ressources sont à la disposition dudit citoyen, et qu’il n’existe pas d’exigence quant à la provenance de ces ressources, ces dernières pouvant être fournies, notamment, par le ressortissant d’un État tiers (6). Cette juridiction relève que la Cour ne s’est toutefois pas prononcée spécifiquement sur la question de savoir s’il convient de prendre en considération les revenus tirés d’un emploi illégal au regard du droit national.

19. C’est dans ces conditions que la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord) a, par décision du 15 décembre 2017 parvenue au greffe de la Cour le 9 février 2018, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les revenus d’un emploi illégal au regard du droit national peuvent‑ils démontrer en tout ou en partie la disponibilité de ressources suffisantes au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la [directive 2004/38] ?

2) En cas de réponse affirmative, peut-il être satisfait aux conditions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), [de cette directive] si l’emploi est considéré comme précaire uniquement en raison de sa nature illégale ? »

20. Le 6 novembre 2018, la Cour a adressé à la juridiction de renvoi une demande d’éclaircissements au titre de l’article 101 du règlement de procédure de la Cour, à laquelle la juridiction de renvoi a répondu le 12 décembre 2018 (7).

21. Des observations écrites ont été déposées par la requérante au principal et AIRE Centre (8), les gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, danois, néerlandais et autrichien ainsi que par la Commission européenne.

22. Au cours de l’audience qui s’est tenue le 24 janvier 2019, des observations orales ont été présentées au nom de la requérante au principal, d’AIRE Centre, des gouvernements du Royaume-Uni et danois ainsi que de la Commission.

IV. Analyse

A. Sur la persistance du litige au principal

23. Il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt de la Cour rendu à titre préjudiciel (9). Partant, la Cour est susceptible de vérifier d’office la...

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