Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 22 January 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:29
Date22 January 2020
Celex Number62018CC0634
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 22 janvier 2020 (1)

Affaire C634/18

Prokuratura Rejonowa w Słupsku

contre

JI

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy w Słupsku (Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2004/757/JAI – Dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue – Portée – Article 2, paragraphe 1, sous c), et article 4, paragraphe 2, sous a) – Consommation personnelle – Grandes quantités de drogue – Principe de légalité des délits et des peines »






1. Nullum crimen nulla poena sine lege scripta, praevia, certa et stricta. Les termes de cette maxime, bien qu’ils expriment une règle claire et un principe fondamental, à savoir la légalité des délits et des peines, nécessitent toujours une interprétation (2).

2. Dans la présente affaire, le Sąd Rejonowy w Słupsku – XIV Wydział Karny (tribunal d’arrondissement de Słupsk – XIVe division pénale, Pologne) s’interroge sur l’interprétation de la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil, du 25 octobre 2004, concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue (3). La juridiction de renvoi demande en substance si est compatible avec cette décision-cadre et avec le principe de légalité des délits et des peines une situation prévue en droit national dans laquelle la notion de « grandes quantités de drogue », constitutive d’une infraction aggravée au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757, n’est pas définie par la législation nationale, mais au cas par cas par les juridictions nationales. Afin de répondre à cette question, la Cour devra examiner en premier lieu le point de savoir si elle est compétente pour répondre à des questions préjudicielles dans des affaires relatives à la détention de drogues à des fins de consommation personnelle, une situation qui est exclue du champ d’application de la décision-cadre 2004/757 en vertu de son article 2, paragraphe 2, ainsi que le point de savoir si la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après « la Charte ») est applicable en l’espèce (4).

Cadre juridique

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

3. L’article 7, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après « la CEDH ») dispose : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».

Droit de l’Union

Le traité sur l’Union européenne

4. L’article 31, paragraphe 1, sous e), du traité sur l’Union européenne, dans sa version applicable au moment de l’adoption de la décision-cadre 2004/757, prévoit que l’action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise à « adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue ». L’article 34, paragraphe 2, sous b), du traité sur l’Union européenne habilite le Conseil, agissant à l’unanimité à l’initiative de tout État membre ou de la Commission européenne, à arrêter des décisions-cadres « aux fins du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres. Les décisions-cadres lient les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Elles ne peuvent entraîner d’effet direct ».

La Charte

5. L’article 49 de la Charte reprend et développe l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH. Il dispose :

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle‑ci doit être appliquée.

2. Le présent article ne porte pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux reconnus par l’ensemble des nations.

[…] »

6. Conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celles‑ci « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union […] ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». L’article 52, paragraphe 3, prévoit que « [d]ans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère [la CEDH] […] ».

La décision-cadre 2004/757

7. Le préambule de la décision-cadre 2004/757 contient les déclarations suivantes. « Le trafic de drogue représente une menace pour la santé, la sécurité et la qualité de la vie des citoyens de l’Union européenne, ainsi que pour l’économie légale, la stabilité et la sécurité des États membres » (5). « Il est nécessaire d’adopter des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions de trafic de drogue et de précurseurs, qui permettront de définir une approche commune au niveau de l’Union européenne dans la lutte contre le trafic de drogue » (6). L’action de l’Union européenne doit se concentrer « sur les formes les plus graves d’infractions en matière de stupéfiants », alors que « [l]’exclusion du champ d’application de [la décision-cadre 2004/757] de certains comportements concernant la consommation personnelle ne constitue pas une orientation du Conseil sur la manière dont les États membres entendent traiter ces autres cas dans leur législation » (7). « Les sanctions prévues par les États membres doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, et inclure des peines privatives de liberté. Pour déterminer le niveau des sanctions, les éléments de fait tels les quantités et la nature des drogues qui font l’objet du trafic, le fait que les infractions aient été ou non commises dans le cadre d’une organisation criminelle, doivent être pris en compte » (8). « L’efficacité des efforts entrepris pour lutter contre le trafic de drogue dépend essentiellement du rapprochement des mesures nationales de mise en œuvre des dispositions de la présente décision‑cadre » (9).

8. L’article 2 dispose :

« 1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les comportements intentionnels suivants soient punis lorsqu’ils ne peuvent être légitimés :

a) la production, la fabrication, l’extraction, la préparation, l’offre, la mise en vente, la distribution, la vente, la livraison à quelque condition que ce soit, le courtage, l’expédition, l’expédition en transit, le transport, l’importation ou l’exportation de drogues ;

b) la culture du pavot à opium, du cocaïer ou de la plante de cannabis ;

c) la détention ou l’achat de drogues dans le but d’exercer l’une des activités énumérées au point a) ;

d) la fabrication, le transport, la distribution de précurseurs, dont celui qui s’y livre sait qu’ils doivent être utilisés dans ou pour la production ou la fabrication illicites de drogues.

2. Les comportements décrits au paragraphe 1 ne sont pas inclus dans le champ d’application de la présente décision-cadre lorsque leurs auteurs s’y livrent exclusivement à des fins de consommation personnelle telle que définie par la législation nationale.

9. L’article 4 dispose :

« 1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées aux articles 2 et 3 soient passibles de peines effectives, proportionnées et dissuasives.

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 2 soient passibles de peines maximales d’un à trois ans d’emprisonnement au moins.

2. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 2, paragraphe 1, points a), b) et c) soient passibles de peines maximales de cinq à dix ans d’emprisonnement au moins dans chacun des cas suivants :

a) l’infraction porte sur de grandes quantités de drogue ;

[…] »

Droit national

10. L’article 62 de l’Ustawa z dnia 29 lipca 2005 roku o przeciwdziałaniu narkomanii (loi du 29 juillet 2005 concernant la lutte contre la toxicomanie ; ci‑après « la loi concernant la lutte contre la toxicomanie) dispose :

« 1. Toute personne qui, en violation de la présente loi, détient des produits stupéfiants ou des substances psychotropes, est passible d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à trois ans.

2. Lorsque l’infraction visée au paragraphe 1 porte sur une quantité importante de produits stupéfiants ou de substances psychotropes, son auteur est passible d’une peine privative de liberté d’un à dix ans. »

Faits, procédure et les questions préjudicielles

11. La Prokuratura Rejonowa w Słupsku (le parquet d’arrondissement de Słupsk, Pologne ; ci‑après la « Prokuratura ») a initié une procédure à l’encontre de JI pour, entre autres, des faits de détention : i) le 7 novembre 2016, d’une quantité importante de substances psychotropes sous forme d’amphétamines d’un poids net total de 10,73 grammes et de produits stupéfiants sous la forme de marijuana d’un poids total de 16,07 grammes, constitutive d’une infraction d’après l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie...

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