Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 29 January 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:44
Date29 January 2020
Celex Number62018CC0570
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 29 janvier 2020 (1)

Affaire C570/18 P

HF

contre

Parlement européen

« Pourvoi – Fonction publique – Agent contractuel au service du Parlement – Articles 12 bis et 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Harcèlement moral – Rejet d’une demande d’assistance – Article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit d’être entendu – Accès aux comptes rendus d’auditions de témoins – Notion de “harcèlement moral” – Critères d’appréciation – Prise en compte du contexte – Pourvoi incident – Recevabilité »






I. Introduction

1. Par son pourvoi, HF demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 juin 2018, HF/Parlement (2), par lequel celui‑ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement européen du 3 juin 2016 par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats (ci‑après l’ « AHCC ») a rejeté la demande d’assistance que HF avait introduite et, d’autre part, à la réparation du préjudice subi par HF du fait des illégalités commises par le Parlement dans le traitement de la demande d’assistance.

2. Le présent pourvoi offre à la Cour l’opportunité de confirmer une jurisprudence récente sur l’étendue du droit d’être entendu avant que l’administration ne prenne une décision faisant grief (3) et de préciser les éléments à prendre en compte pour déterminer si des agissements sont constitutifs d’un harcèlement moral.

3. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions portent sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal ainsi que sur le pourvoi incident introduit par le Parlement.

4. Je propose à la Cour de déclarer le pourvoi incident irrecevable, d’accueillir le premier moyen et de rejeter le troisième moyen du pourvoi principal.

II. Le cadre juridique

5. Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne a été établi par le règlement n° 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Ce statut, dans sa version applicable au litige, (ci-après le « statut »), prévoit à son article 12 bis :

« 1. Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

[...]

3. Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

[...] »

6. L’article 24 du statut énonce :

« L’Union assiste le fonctionnaire notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elle répare solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui‑ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pas pu obtenir réparation de leur auteur. »

III. Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

A. Les antécédents du litige

7. Les antécédents du litige ont été exposés en détail dans l’arrêt attaqué (4). Les éléments essentiels et nécessaires pour la compréhension des présentes conclusions peuvent être résumés comme suit.

8. HF a été embauchée en 2003 au sein de l’unité de l’audiovisuel de la direction générale « Communication » du Parlement et est demeurée au service de cette unité jusqu’en 2015, soit pendant 12 ans. Hormis une période d’environ un an et demi au cours de laquelle elle a été employée par une société tierce tout en travaillant pour cette unité, HF a été directement engagée par le Parlement et a travaillé pour celui‑ci en qualité successivement d’agent auxiliaire, d’agent contractuel ou encore d’agent temporaire.

9. Par lettre du 11 décembre 2014, adressée au secrétaire général du Parlement (ci‑après le « secrétaire général ») et, en copie, au président du comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci‑après le « comité consultatif ») ainsi qu’au président du Parlement et au directeur général de la direction générale « Personnel » du secrétariat général du Parlement, HF a, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, présenté une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut (ci‑après la « demande d’assistance »).

10. À l’appui de cette demande, HF faisait valoir qu’elle était victime d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis du statut, de la part du chef d’unité de l’audiovisuel, lequel se serait matérialisé par des conduites, des paroles et des écrits de ce dernier, notamment lors de réunions du service. Elle demandait, plus précisément, que des mesures urgentes soient adoptées afin de la protéger immédiatement de son harceleur présumé et qu’une enquête administrative soit ouverte par l’AHCC afin d’établir la réalité des faits.

11. Par lettre du 4 février 2015, le directeur général du personnel a informé HF qu’une mesure d’éloignement vis-à-vis du chef de l’unité de l’audiovisuel avait été adoptée en sa faveur, laquelle consistait en la réaffectation de HF à l’unité du programme de visites.

12. Par lettre du 8 décembre 2015, le directeur général du personnel a informé HF de son intention de considérer la demande d’assistance comme étant non fondée, à l’issue, notamment, de l’audition par le comité consultatif du chef de l’unité de l’audiovisuel et de quatorze autres fonctionnaires et agents de cette unité. Il invitait HF, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), à présenter ses observations.

13. Par lettre du 17 décembre 2015, HF a sollicité la communication du rapport, selon elle, d’« enquête », établi par le comité consultatif. Cette demande a été réitérée par lettre du 5 février 2016.

14. Par lettre du 9 février 2016, le directeur général du personnel a octroyé à HF un délai expirant le 1er avril 2016 pour déposer ses observations écrites. Par ailleurs, il lui a indiqué que le comité consultatif ne lui avait adressé qu’un avis concluant à l’absence de harcèlement moral. À cet égard, il aurait été normal que le comité consultatif ne lui ait pas communiqué de rapport, tel que visé à l’article 14 des règles internes en matière de harcèlement, car un tel rapport ne serait établi par le comité consultatif que dans les cas dans lesquels ledit comité constate l’existence d’un harcèlement moral.

15. Le 1er avril 2016, HF a déposé ses observations écrites faisant suite aux lettres du directeur général du personnel du 8 décembre 2015 et du 9 février 2016. Dans celles‑ci, tout en réitérant le fait que les comportements du chef de l’unité de l’audiovisuel à son égard étaient constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, elle a notamment contesté l’affirmation du directeur général du personnel selon laquelle le comité consultatif n’aurait pas établi de rapport, au sens de l’article 14 des règles internes en matière de harcèlement, mais aurait seulement rendu un avis. À cet égard, elle a fait valoir que le refus du directeur général du personnel de lui communiquer l’intégralité des conclusions du comité consultatif méconnaissait ses droits de la défense et privait de tout effet utile les observations qu’elle présentait.

16. Par décision du 3 juin 2016, le directeur général du personnel, agissant en qualité d’AHCC, a rejeté la demande d’assistance (ci‑après la « décision litigieuse »). Dans cette décision, il a notamment indiqué que HF avait été informée, de manière complète et détaillée, des motifs pour lesquels il envisageait, à la date du 8 décembre 2015, de rejeter la demande d’assistance. En outre, selon ce directeur, d’une part, HF n’avait aucun droit subjectif à la communication d’un rapport d’enquête, d’un avis ou de comptes rendus d’audition des témoins établis par le comité consultatif. D’autre part, ledit directeur a maintenu l’analyse qu’il avait exposée dans la lettre du 8 décembre 2015 et, partant, a décidé de ne pas reconnaître que la situation décrite par HF relevait de la notion de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

17. Le 6 septembre 2016, HF a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision litigieuse. À l’appui de cette réclamation, elle a invoqué la violation des droits de la défense, de l’article 41 de la Charte, du droit d’être entendu et du principe du contradictoire ainsi que des irrégularités dans la procédure suivie par le comité consultatif, des erreurs manifestes d’appréciation, la violation des articles 12 bis et 24 du statut et la violation de l’obligation d’assistance et du devoir de sollicitude.

18. Par décision du 4 janvier 2017, le secrétaire général a, en sa qualité d’AHCC, rejeté ladite réclamation.

19. S’agissant du grief de HF relatif à l’absence de communication, par l’AHCC, du rapport établi par le comité consultatif et des comptes rendus d’audition des témoins, le secrétaire général a notamment estimé que, au regard de la jurisprudence résultant des arrêts Tzirani/Commission (5) et Cerafogli/BCE (6), il n’existait pas d’obligation, pour l’AHCC, de transmettre ces documents à HF, notamment parce que, au sein du Parlement, le comité consultatif devait travailler dans la plus grande confidentialité et que ses travaux étaient secrets. Or, pour assurer la liberté de parole de tous les intervenants, notamment des témoins, il aurait été impossible, pour l’AHCC, de transmettre ces documents à HF.

20. Quant à l’existence, en l’espèce, d’un cas de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, le...

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