Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 12 mars 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:205
Date12 March 2020
Celex Number62018CC0575
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 12 mars 2020 (1)

Affaire C575/18 P

République tchèque

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière des États membres – Constatation de la responsabilité financière de la République tchèque – Perte de certains droits à l’importation – Obligation de verser à la Commission le montant correspondant à ladite perte – Notion d’“acte attaquable” – Droit à un recours effectif »






Introduction

1. Par son pourvoi, la République tchèque sollicite l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (2), par laquelle ce dernier a rejeté le recours en annulation qu’elle avait formé à l’égard de la prétendue décision de la Commission européenne qui serait contenue dans la lettre du 20 janvier 2015, émanant du directeur de la direction « Ressources propres et programmation financière » de la direction générale du Budget et portant la référence Ares (2015)217973 (ci‑après la « lettre litigieuse »), au motif de son irrecevabilité.

2. Ce pourvoi soulève nombre de questions fondamentales quant au fonctionnement du système des ressources propres traditionnelles (RPT) de l’Union, quant au concept de paiement assorti de réserves mais aussi, plus généralement, quant à l’accès des États membres à une protection juridictionnelle effective en cas de litiges portant sur l’étendue de leurs responsabilités financières à l’égard de l’Union.

Le cadre juridique

Le traité FUE

3. L’article 263, premier alinéa, TFUE dispose :

« La Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes législatifs, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. »

La Charte

4. Aux termes de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. »

La décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil

5. D’après le considérant 2 de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (3), le système des ressources propres doit « assurer des ressources suffisantes pour le développement ordonné des politiques [de l’Union], sous réserve de la nécessité d’une discipline budgétaire stricte ».

6. Conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union européenne les recettes provenant notamment des droits du tarif douanier commun et autres droits établis ou à établir par les institutions de l’Union sur les échanges avec les pays non membres.

7. L’article 8, paragraphe 1, précise encore que les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), sont perçues par les États membres. Ceux-ci mettent lesdites ressources à la disposition de la Commission.

Le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil

8. Le considérant 21 du règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 (4) dispose qu’une étroite collaboration entre les États membres et la Commission est de nature à faciliter l’application correcte de la réglementation financière relative aux ressources propres.

9. Au titre de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 1150/2000, un droit de l’Union sur les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

10. L’article 6, paragraphes 1 et 3, dispose :

« 1. Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[...]

3. a) Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b) Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.

[...] »

11. Aux termes de l’article 9, paragraphe 1 :

« Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné.

[...] »

12. Au titre de l’article 10, paragraphe 1, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 de ce règlement.

13. L’article 11, paragraphe 1, prévoit que tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.

14. Enfin, aux termes de l’article 17, paragraphes 1 à 4 :

« 1. Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2. Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables :

a) soit pour des raisons de force majeure ;

b) soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.

En cas de paiement échelonné, la période de cinq ans au maximum court à compter du dernier paiement effectif dans la mesure où celui‑ci ne solde pas la dette.

Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, point b). Ils sont mentionnés en annexe au relevé trimestriel visé au paragraphe 4, point b), du même article ainsi que, le cas échéant, dans le relevé trimestriel visé au paragraphe 5 de cet article.

3. Dans les trois mois suivant la décision administrative mentionnée au paragraphe 2 ou suivant l’échéance visée à ce même paragraphe, les États membres communiquent à la Commission les éléments d’information portant sur les cas d’application dudit paragraphe 2 pour autant que le montant des droits constatés en jeu dépasse 50 000 euros.

[...]

Cette communication, qui est faite sur un modèle établi par la Commission après consultation du comité visé à l’article 20, doit permettre à cette dernière d’apprécier les raisons visées au paragraphe 2, points a) et b), qui ont empêché l’État membre concerné de mettre à disposition le montant en cause, ainsi que les mesures prises par ce dernier pour assurer le recouvrement.

4. La Commission dispose d’un délai de six mois à compter de la réception de la communication visée au paragraphe 3 pour transmettre ses observations à l’État membre concerné.

Lorsque la Commission juge utile de demander des renseignements complémentaires, le délai de six mois court dès réception des informations complémentaires sollicitées. »

Les antécédents du litige

15. Les antécédents du litige peuvent être résumés comme suit.

16. Le 30 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adopté un rapport final à la suite d’une enquête qui portait sur des vérifications relatives à l’importation de briquets de poche avec pierre en provenance du Laos, au cours de la période comprise entre les années 2004 et 2007. Ces briquets étaient en réalité originaires de Chine et auraient dû être frappés d’un droit anti-dumping.

17. Ce rapport indiquait que « les éléments de preuve de l’origine chinoise établis au cours de la mission d’inspection suffisent pour que les États membres ouvrent une procédure administrative de redressement fiscal ». Selon ledit rapport, il était nécessaire « que les États membres réalisent des audits de suivi et, le cas échéant, des enquêtes sur les importateurs concernés et qu’ils ouvrent, d’urgence, une procédure de recouvrement ».

18. S’agissant de la République tchèque, les conclusions du rapport de l’OLAF ont mis en lumière 28 cas d’importation de marchandises, qui relevaient de la compétence de trois bureaux de douane différents.

19. Les bureaux de douane concernés ont pris des mesures afin de procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces 28 cas.

20. Cependant, la République tchèque n’a pas été en mesure d’assurer le redressement dans le délai imparti dans l’entièreté de ces 28 cas.

21. Entre les mois de novembre 2013...

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