Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 11 February 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:118
Date11 February 2021
Celex Number62019CC0579
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 11 février 2021 (1)

Affaire C579/19

R (à la requête de l’Association of Independent Meat Suppliers e.a.)

contre

Food Standards Agency

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 854/2004Règlement (CE) no 882/2004 – Contrôles officiels des denrées alimentaires d’origine animale – Droit à un contrôle juridictionnel d’une décision d’un vétérinaire officiel – Principes d’équivalence et d’effectivité – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) porte essentiellement sur l’interprétation de l’article 5, point 2, du règlement (CE) nº 854/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant les règles spécifiques d’organisation des contrôles officiels concernant les produits d’origine animale destinés à la consommation humaine (2), ainsi que sur l’interprétation de l’article 54, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 882/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif aux contrôles officiels effectués pour s’assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux (3). L’article 5, point 2, du règlement nº 854/2004 concerne l’apposition par les vétérinaires officiels de marques de salubrité lorsqu’ils jugent que la viande est propre à la consommation humaine, tandis que l’article 54, paragraphe 3, du règlement nº 882/2004 concerne les informations sur les droits de recours contre les décisions prises par les autorités compétentes des États membres à la suite de ces contrôles officiels.

2. Les règlements nº 854/2004 et nº 882/2004 s’inscrivent dans le cadre juridique qui régit la sécurité alimentaire dans l’Union européenne (4). Globalement, ces règlements établissent des règles harmonisées en matière de contrôles officiels effectués par les autorités compétentes des États membres pour assurer que les exploitants du secteur alimentaire respectent leurs obligations découlant du droit de l’Union. Dans ce contexte, les vétérinaires officiels sont des personnes spécialement qualifiées qui, avec l’assistance d’auxiliaires officiels, effectuent des tâches pour le compte de ces autorités dans le système des contrôles officiels concernant la viande.

3. Dans la présente affaire, la Cour est invitée à se prononcer sur ce qui découle du « droit de recours contre les décisions prises par l’autorité compétente à la suite des contrôles officiels », qui est énoncé au considérant 43 du règlement nº 882/2004 et davantage précisé à l’article 54, paragraphe 3, de ce règlement.

4. Premièrement, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité, avec les règlements nº 854/2004 et nº 882/2004, d’un régime juridique qui existait dans le droit du Royaume‑Uni avant l’entrée en vigueur de ces règlements, à savoir l’article 9 de la Food Safety Act 1990 (loi sur la sécurité des aliments de 1990, ci‑après la « loi de 1990 ») (5). Elle le fait dans le cadre d’un litige qui oppose les requérantes dans la procédure au principal, la Cleveland Meat Company (ci‑après la « CMC ») et l’Association of Independent Meat Suppliers, à la défenderesse, la Food Standards Agency (agence des normes alimentaires, Royaume‑Uni, ci‑après la « FSA »), sur la question de savoir quelle voie de recours, existant en droit national pour l’appréciation juridictionnelle d’une décision prise par un vétérinaire officiel de ne pas apposer une marque de salubrité sur une viande jugée impropre à la consommation humaine, est compatible avec le droit de l’Union. L’article 9 de la loi de 1990, qui implique une procédure devant un Justice of the Peace (juge siégeant dans un tribunal d’instance, ci‑après « juge de paix ») comportant un contrôle sur le fond de l’affaire, constitue-t-il la seule voie qui satisfait au droit de recours susmentionné prescrit par le droit de l’Union, comme le prétendent les requérantes, ou une demande de contrôle juridictionnel selon le droit du Royaume‑Uni (ci‑après la « demande de contrôle juridictionnel »), qui implique une procédure devant une juridiction ne comportant pas un contrôle sur le fond de l’affaire, offre-t-elle un moyen effectif et approprié pour faire respecter les prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires des règlements nº 854/2004 et nº 882/2004 et, plus spécifiquement, le refus du vétérinaire officiel d’apposer une marque de salubrité, comme le prétend la FSA ? Cette question nécessite un examen de la jurisprudence de la Cour relative à l’autonomie procédurale dont les États membres disposent pour établir les règles régissant les recours destinés à assurer la sauvegarde des droits de l’Union, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que du droit à un recours effectif tel que le garantit l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

5. Deuxièmement, la juridiction de renvoi demande si, pour se conformer à ces règlements et, de manière plus générale, au droit de l’Union, le règlement nº 882/2004 prévoit un recours contre la décision d’un vétérinaire officiel refusant d’apposer une marque de salubrité, prise au titre de l’article 5, point 2, du règlement nº 854/2004, qui inclut un contrôle juridictionnel sur le fond. Cette question doit recevoir, elle aussi, une réponse à la lumière de la jurisprudence pertinente de la Cour sur l’article 47, premier alinéa, de la Charte, puisqu’elle concerne l’étendue du contrôle juridictionnel.

6. En conséquence, cette affaire soulève des questions nouvelles concernant la protection juridictionnelle effective des particuliers dans le cadre du droit de l’Union sur les denrées alimentaires et concernant le rapport qui existe, à cet égard, entre le règlement nº 854/2004 et le règlement nº 882/2004. En outre, elle est susceptible d’avoir des implications plus générales pour le développement de la jurisprudence de la Cour sur le contrôle juridictionnel de décisions administratives, par les juridictions nationales, au titre de l’article 47 de la Charte.

II. Le cadre juridique

7. L’article 5, point 2, du règlement nº 854/2004 prévoit :

« Le marquage de salubrité des carcasses d’ongulés domestiques, de gibier d’élevage, mammifère, autre que les lagomorphes, et de gros gibier sauvage ainsi que les demi-carcasses, les quartiers et les découpes produites en découpant les demi-carcasses en trois gros morceaux s’effectue en abattoir et dans des établissements de traitement du gibier conformément à l’annexe I, chapitre III, section I. Les marques de salubrité sont apposées par le vétérinaire officiel ou sous sa responsabilité dès lors que les contrôles officiels n’ont décelé aucune des irrégularités susceptibles de rendre la viande impropre à la consommation humaine. »

8. Aux termes du considérant 43 du règlement nº 882/2004 :

« Les exploitants devraient avoir un droit de recours contre les décisions prises par l’autorité compétente à la suite des contrôles officiels, et être informés de ce droit. »

9. L’article 54, paragraphe 3, du règlement nº 882/2004 prévoit :

« L’autorité compétente transmet à l’exploitant concerné ou à son représentant :

a) une notification écrite de sa décision concernant les mesures à prendre en vertu du paragraphe 1, ainsi que la motivation de sa décision ; et

b) des informations sur ses droits de recours contre de telles décisions, ainsi que sur la procédure et les délais applicables. »

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10. Le 11 septembre 2014, CMC a acheté un taureau vivant pour une somme d’environ 1 400 livres sterling (GBP) (approximativement 1 700 euros). Le vétérinaire officiel affecté à l’abattoir de CMC l’a déclaré propre à être abattu. Un auxiliaire officiel, qualifié d’inspecteur de l’hygiène des viandes, a procédé à l’inspection post mortem de la carcasse ainsi que des abats et il a décelé la présence de trois abcès dans ces abats (6). Ultérieurement, le même jour, le vétérinaire officiel a procédé à l’inspection de la carcasse et, après discussion avec l’inspecteur de l’hygiène des viandes, il a déclaré la viande impropre à la consommation humaine, parce que les abcès laissaient suspecter que le taureau souffrait d’une pyohémie, une forme de septicémie (7). Partant, le vétérinaire officiel n’a pas apposé, sur la carcasse, la marque de salubrité qui aurait certifié qu’elle était propre à la consommation humaine. De ce fait, en vertu de la disposition réglementaire 19 des Food Safety and Hygiene (England) Regulations 2013 [règlements de 2013 sur la sécurité et l’hygiène des denrées alimentaires (Angleterre)] (8), il était interdit à CMC de vendre la carcasse.

11. CMC a demandé l’avis d’un autre vétérinaire et a contesté l’avis du vétérinaire officiel. Elle a fait valoir que, en cas de contestation et de refus de sa part de remettre volontairement la carcasse, le vétérinaire officiel aurait à procéder à la saisie de celle‑ci et à porter l’affaire devant un juge de paix, et ce en application de l’article 9 de la loi de 1990, pour qu’il soit statué sur la question de savoir si cette carcasse doit ou non être déclarée impropre à la consommation. La FSA, qui est l’autorité compétente aux fins de la législation nationale et de l’Union dans le domaine de la sécurité des aliments et qui est responsable des contrôles officiels dans les abattoirs, a estimé qu’il n’était pas nécessaire de faire usage de cette procédure et que, puisqu’elle avait été déclarée impropre à la consommation humaine par le vétérinaire officiel, la carcasse devait être éliminée...

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