Merck KGaA v Merck & Co. Inc. and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:771
Date19 October 2017
Celex Number62016CJ0231
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-231/16
62016CJ0231

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

19 octobre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 207/2009 – Marque de l’Union européenne – Article 109, paragraphe 1 – Actions civiles sur la base de marques de l’Union européenne et de marques nationales – Litispendance – Notion de “mêmes faits” – Utilisation du terme “Merck” dans des noms de domaines et sur des plateformes de médias sociaux sur Internet – Action fondée sur une marque nationale suivie d’une action fondée sur une marque de l’Union européenne – Dessaisissement – Étendue »

Dans l’affaire C‑231/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne), par décision du 14 avril 2016, parvenue à la Cour le 25 avril 2016, dans la procédure

Merck KGaA

contre

Merck & Co. Inc.,

Merck Sharp & Dohme Corp.,

MSD Sharp & Dohme GmbH,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, M. A. Rosas, Mmes C. Toader, A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 février 2017,

considérant les observations présentées :

pour Merck KGaA, par Mes S. Völker et M. Pemsel, Rechtsanwälte,

pour Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme Corp. ainsi que MSD Sharp & Dohme GmbH, par Mes A. Bothe, Y. Draheim et P. Fromlowitz, Rechtsanwälte,

pour la Commission européenne, par MM. T. Scharf et M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 109, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Merck KGaA à Merck & Co. Inc., à Merck Sharp & Dohme Corp. et à MSD Sharp & Dohme GmbH au sujet de ses demandes de mesures d’interdiction du fait de l’utilisation, par ces dernières sociétés, du terme « MERCK » dans des noms de domaines et sur des plateformes de médias sociaux sur Internet ainsi que dans des dénominations commerciales, tant en Allemagne qu’ailleurs au sein de l’Union européenne.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 44/2001

3

Le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), a remplacé, dans les relations entre les États membres, la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32).

4

Le considérant 15 du règlement no 44/2001 énonçait :

« Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres. Il importe de prévoir un mécanisme clair et efficace pour résoudre les cas de litispendance [...] »

5

L’article 27 dudit règlement, qui figurait sous la section 9 du chapitre II de celui-ci, intitulée « Litispendance et connexité », prévoyait :

« 1. Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

2. Lorsque la compétence du tribunal premier saisi est établie, le tribunal saisi en second lieu se dessaisit en faveur de celui-ci. »

Le règlement no 207/2009

6

Les considérants 3 et 15 à 17 du règlement no 207/2009 énoncent :

« (3)

Pour poursuivre les objectifs [...] de [l’Union], il apparaît nécessaire de prévoir un régime [...] des marques [de l’Union européenne] conférant aux entreprises le droit d’acquérir, selon une procédure unique, des marques [de l’Union européenne] qui jouissent d’une protection uniforme et produisent leurs effets sur tout le territoire de [l’Union]. Le principe du caractère unitaire de la marque [de l’Union européenne] ainsi exprimé devrait s’appliquer sauf disposition contraire du présent règlement.

[...]

(15)

Pour renforcer la protection des marques [de l’Union européenne], il convient que les États membres désignent, eu égard à leur système national, un nombre aussi limité que possible de tribunaux nationaux de première et de deuxième instance compétents en matière de contrefaçon et de validité de la marque [de l’Union européenne].

(16)

Il est indispensable que les décisions sur la validité et la contrefaçon des marques [de l’Union européenne] produisent effet et s’étendent à l’ensemble de [l’Union européenne], seul moyen d’éviter des décisions contradictoires des tribunaux et de l’[Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)], et des atteintes au caractère unitaire des marques [de l’Union européenne]. Ce sont les dispositions du [règlement no 44/2001] qui devraient s’appliquer à toutes les actions en justice relatives aux marques [de l’Union européenne], sauf si le présent règlement y déroge.

(17)

Il convient d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et de marques nationales parallèles. À cet effet, lorsque les actions sont formées dans le même État membre, les moyens pour atteindre cet objectif sont à rechercher dans les règles de procédure nationales, auxquelles le présent règlement ne porte pas atteinte, alors que, lorsque les actions sont formées dans des États membres différents, des dispositions inspirées des règles en matière de litispendance et de connexité du [règlement no 44/2001] apparaissent appropriées. »

7

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 dispose :

« La marque [de l’Union européenne] a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de [l’Union] : elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de [l’Union]. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement. »

8

L’article 109 de ce règlement, intitulé « Actions civiles simultanées et successives sur la base de marques [de l’Union européenne] et de marques nationales », qui figure sous la section 1 du titre XI dudit règlement, intitulée « Actions civiles sur la base de plusieurs marques », prévoit, à son paragraphe 1, sous a) :

« Lorsque des actions en contrefaçon sont formées pour les mêmes faits entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents saisies l’une sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et l’autre sur la base d’une marque nationale :

a)

la juridiction saisie en second lieu doit, même d’office, se dessaisir en faveur de la juridiction première saisie lorsque les marques en cause sont identiques et valables pour des produits ou services identiques. La juridiction qui devrait se dessaisir peut surseoir à statuer si la compétence de l’autre juridiction est contestée ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

La requérante au principal, Merck, est une entreprise chimique et pharmaceutique qui, selon la décision de renvoi, emploie environ 40000 personnes et exerce son activité dans 67 États à travers le monde.

10

La première défenderesse au principal, Merck & Co., est la société-mère, cotée en bourse, de la deuxième défenderesse au principal, Merck Sharp & Dohme, qui commercialise principalement des médicaments et des vaccins ainsi que des produits cosmétiques et de soin. Selon la décision de renvoi, Merck Sharp & Dohme est en charge des activités opérationnelles du groupe et, en particulier, de sa visibilité sur Internet, notamment par la publication d’informations intéressant ses actionnaires. La troisième défenderesse au principal, MSD Sharp & Dohme, est une filiale allemande de Merck & Co.

11

La requérante et les défenderesses au principal faisaient initialement partie du même groupe de sociétés. Depuis l’année 1919, elles sont toutefois totalement distinctes.

12

Il ressort de la décision de renvoi que Merck est titulaire de la marque nationale MERCK, enregistrée au Royaume-Uni. Elle est également titulaire de la marque verbale de l’Union européenne MERCK, pour des produits qui relèvent des classes 5, 9, et 16, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et pour des services qui relèvent de la classe 42 de cet arrangement.

13

Plusieurs accords ont été successivement conclus entre, d’une part, la société aux droits de laquelle est venue Merck et, d’autre part, la société aux droits de laquelle est venue Merck Sharp & Dohme. Ces accords, dont le dernier en date est encore en vigueur, prévoyaient des règles quant à l’utilisation, par Merck Sharp & Dohme, en Allemagne ainsi que dans d’autres États, de marques de Merck.

14

À partir du site Internet www.merck.com des défenderesses au principal, tout utilisateur en Allemagne ou dans un autre...

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