MyTravel Group plc v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2008:315
CourtGeneral Court (European Union)
Docket NumberT-212/03
Date09 September 2008
Celex Number62003TJ0212
Procedure TypeRecurso por responsabilidad - infundado

Affaire T-212/03

MyTravel Group plc

contre

Commission des Communautés européennes

« Responsabilité non contractuelle de la Communauté — Concurrence — Décision déclarant une opération de concentration incompatible avec le marché commun — Annulation de la décision par un arrêt du Tribunal — Violation suffisamment caractérisée d'une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers »

Sommaire de l'arrêt

1. Responsabilité non contractuelle — Conditions — Violation suffisamment caractérisée du droit communautaire — Notion

(Art. 288, al. 2, CE)

2. Responsabilité non contractuelle — Conditions — Violation suffisamment caractérisée d'une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers — Opérations de concentration

(Art. 288, al. 2, CE; règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2, § 1, 2, et 3, et 8, § 2, et 3)

3. Responsabilité non contractuelle — Conditions — Violation suffisamment caractérisée du droit communautaire

(Art. 288, al. 2, CE)

4. Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission — Engagements des entreprises concernées de nature à rendre l'opération notifiée compatible avec le marché commun — Prise en compte d'engagements soumis après la date limite — Conditions

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2, § 2, 6, § 2, 8, § 2, et 18, § 3; communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément aux règlements nº 4064/89 et nº 447/98, point 43)

5. Procédure — Dépens — Condamnation de la partie gagnante à supporter ses propres dépens

(Règlement de procédure du Tribunal de première instance, art. 87, § 2 et 3)

1. La notion de violation suffisamment caractérisée du droit communautaire nécessaire pour engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne comprend pas les erreurs ou les fautes qui, même si elles présentent un degré de gravité certain, ne sont pas étrangères au comportement normal d’une institution chargée de veiller à l’application des règles de concurrence, lesquelles sont complexes, délicates et sujettes à une importante marge d’interprétation.

Le fait que le Tribunal de première instance ait annulé une décision de la Commission déclarant une opération de concentration incompatible avec le marché commun ne peut pas être assimilé, sans autre forme d'analyse, à la constatation d'une violation suffisamment caractérisée et n'est donc pas suffisant, en soi, pour engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté. En particulier, de simples erreurs d'appréciation et l'absence de preuves pertinentes retenues dans le cadre d'un recours en annulation ne sauraient suffire en tant que telles à qualifier une violation manifeste et grave des limites qui s'imposent au pouvoir d'appréciation de la Commission en matière de contrôle des concentrations, notamment en présence d'une situation d'oligopole complexe.

Accepter qu’il en soit autrement risquerait, en effet, de compromettre la capacité de la Commission à exercer pleinement la fonction de régulateur de la concurrence que lui confie le traité CE en raison de l’effet inhibant sur le contrôle des concentrations que pourrait engendrer le risque d’avoir à supporter les dommages allégués par les entreprises concernées dans de telles circonstances.

Pour tenir compte d’un tel effet, contraire à l’intérêt général communautaire, le manquement à une obligation légale, qui, pour regrettable qu’il soit, peut être expliqué par les contraintes objectives qui pèsent sur l’institution et sur ses agents en matière de contrôle des concentrations, ne peut être tenu pour constitutif d’une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire aux fins de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté. En revanche, le droit à la réparation des dommages qui résultent du comportement de l’institution est ouvert lorsque celui-ci se traduit par un acte manifestement contraire à la règle de droit et gravement préjudiciable aux intérêts de tiers qui ne saurait trouver ni justification ni explication dans les contraintes particulières qui s’imposent objectivement au service dans le cadre d’un fonctionnement normal.

(cf. points 40-43, 85)

2. L'article 2, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, qui vise l’hypothèse d’une décision d’autorisation, et l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, qui vise l’hypothèse d’une décision d’interdiction, s’interprètent au regard de l’article 2, paragraphe 1, de ce même règlement, qui expose les éléments qui doivent concrètement être pris en compte par la Commission pour apprécier la compatibilité ou l’incompatibilité d’une opération de concentration de dimension communautaire avec le marché commun.

Prises ensemble, ces dispositions ont pour objet de conférer des droits aux particuliers en ce sens que la Commission, lorsqu’elle est saisie d’une opération de concentration en application du règlement nº 4064/89, est, en principe, tenue de prendre position soit dans le sens de l’autorisation de cette opération, soit dans celui de l’interdiction de celle-ci, selon son appréciation de l’évolution économique attribuable à l’opération en cause dont la probabilité est la plus forte. Ainsi, si les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 2, dudit règlement sont remplies, une entreprise ayant notifié une opération de concentration de dimension communautaire a le droit de voir cette opération déclarée compatible avec le marché commun. Cette entreprise ne peut, toutefois, réaliser cette opération en l’absence d’une autorisation de la part de la Commission et une décision d’interdiction emporte d’importantes conséquences. Une telle intervention de la Communauté dans la vie des affaires, qui exige d’une entreprise qu’elle obtienne une autorisation avant de réaliser la concentration envisagée et qui oblige la Commission à interdire la réalisation de cette opération si elle se révèle incompatible avec le marché commun, implique nécessairement que les entreprises auxquelles une autorisation est refusée puissent demander à être indemnisées des conséquences dommageables d’une telle décision s’il s’avère qu’elle repose sur une violation suffisamment caractérisée des règles matérielles appliquées par la Commission pour apprécier la compatibilité de l’opération en cause avec le marché commun.

Par ailleurs, la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet de conclure que le comportement de l’institution a constitué une illégalité de nature à engager la responsabilité de la Communauté au titre de l’article 288 CE.

L’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, lu conjointement avec les paragraphes 1 et 2 de cette disposition et avec l’article 8, paragraphes 2 et 3, dudit règlement, ainsi que l’obligation de diligence consacrent donc des règles qui ont pour objet de conférer des droits aux entreprises concernées par une décision qui interdit la réalisation d’une opération de concentration.

(cf. points 47-50)

3. En matière de responsabilité non contractuelle, il ne saurait être en principe exclu que des vices manifestes et graves affectant l’analyse économique sous-jacente à une décision, adoptée sur la base de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, déclarant une opération de concentration incompatible avec le marché commun en application de l’article 2, paragraphes 1 et 3, dudit règlement puissent constituer des violations suffisamment caractérisées pour engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

Une telle détermination impose toutefois de tenir compte de ce que les analyses économiques nécessaires à la qualification d’une situation ou d’une opération en droit de la concurrence sont généralement, tant sur le plan des faits que sur celui du raisonnement élaboré à partir de leur description, des énoncés intellectuels complexes et difficiles, dans lesquels peuvent se glisser certaines insuffisances, telles que des approximations, des incohérences, voire certaines omissions. Cela est d’autant plus vrai dans le cadre du contrôle des concentrations, compte tenu notamment des contraintes de délai qui s’imposent à l’institution.

De telles insuffisances dans l’analyse économique risquent d’autant plus de se produire lorsque, comme c’est le cas dans le contrôle des concentrations, l’analyse comporte un aspect prospectif. La gravité d’une insuffisance documentaire ou logique peut, dans ces conditions, ne pas toujours constituer une circonstance suffisante pour entraîner l’engagement de la responsabilité communautaire.

La Commission dispose d’une marge d’appréciation aux fins de conserver la maîtrise de la politique communautaire de la concurrence, ce qui implique qu’une pratique rigoureusement constante et invariable dans la mise en oeuvre des règles pertinentes ne saurait être attendue d’elle et, corrélativement, qu’elle jouit d’une certaine latitude dans le choix des instruments économétriques à sa disposition, ainsi que dans celui des angles d’approche appropriés pour l’étude d’un phénomène, pour autant que ces choix ne soient pas manifestement contraires aux règles admises de la discipline économique et soient mis en oeuvre de manière conséquente.

La marge d’appréciation qu’il convient de reconnaître à la Commission dans le cadre des questions de responsabilité non contractuelle intéressant le contrôle des concentrations s’applique tant au niveau de l’examen individuel des erreurs susceptibles d’être commises au stade de l’analyse des effets de l’opération sur la concurrence qu’au stade de l’examen global de telles erreurs.

(cf. points 80-83, 95)

4. Dans le cadre du contrôle des opérations de concentration, les entreprises concernées peuvent proposer des engagements à la Commission afin d’obtenir une décision...

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