LD v ALB FILS KLINIKEN GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:505
Date22 June 2023
Docket NumberC-427/21
Celex Number62021CJ0427
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

22 juin 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail intérimaire – Directive 2008/104/CE – Article 1er – Champ d’application – Notion de “mise à disposition de manière temporaire” – Transfert des fonctions exercées par un travailleur, de l’employeur de ce dernier à une entreprise tierce – Mise à disposition permanente de ce travailleur avec maintien du contrat de travail initial de celui-ci »

Dans l’affaire C‑427/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), par décision du 16 juin 2021, parvenue à la Cour le 14 juillet 2021, dans la procédure

LD

contre

ALB FILS Kliniken GmbH,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Kumin (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et P.-L. Krüger, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire (JO 2008, L 327, p. 9).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant LD, un travailleur salarié, à ALB FILS Kliniken GmbH, l’ancien employeur de ce dernier, au sujet de l’obligation qui incombait à LD de fournir sa prestation de travail, de manière permanente, auprès d’A Service GmbH (ci-après la « société A ») à la suite du transfert à cette dernière des fonctions que celui-ci exerçait auprès d’ALB FILS Kliniken.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 11 et 15 de la directive 2008/104 sont libellés comme suit :

« (11) Le travail intérimaire répond non seulement aux besoins de flexibilité des entreprises mais aussi à la nécessité de concilier la vie privée et la vie professionnelle des salariés. Il contribue ainsi à la création d’emplois ainsi qu’à la participation et à l’insertion sur le marché du travail.

[...]

(15) Les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail. S’agissant des travailleurs liés à l’entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée indéterminée et, compte tenu de la protection particulière afférente à la nature de leur contrat de travail, il convient de prévoir la possibilité de déroger aux règles applicables dans l’entreprise utilisatrice. »

4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1. La présente directive s’applique aux travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire et qui sont mis à la disposition d’entreprises utilisatrices afin de travailler de manière temporaire sous leur contrôle et leur direction.

2. La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées qui sont des entreprises de travail intérimaire ou des entreprises utilisatrices exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif.

[...] »

5 En vertu de l’article 2 de ladite directive, intitulé « Objet » :

« La présente directive a pour objet d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant le respect du principe de l’égalité de traitement, tel qu’il est énoncé à l’article 5, à l’égard des travailleurs intérimaires et en reconnaissant les entreprises de travail intérimaire comme des employeurs, tout en tenant compte de la nécessité d’établir un cadre approprié d’utilisation du travail intérimaire en vue de contribuer efficacement à la création d’emplois et au développement de formes souples de travail. »

6 L’article 3 de la même directive, intitulé « Définitions », énonce, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b) “entreprise de travail intérimaire” : toute personne physique ou morale qui, conformément au droit national, conclut des contrats de travail ou noue des relations de travail avec des travailleurs intérimaires en vue de les mettre à la disposition d’entreprises utilisatrices pour y travailler de manière temporaire sous le contrôle et la direction desdites entreprises ;

c) “travailleur intérimaire” : un travailleur ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire dans le but d’être mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice en vue d’y travailler de manière temporaire sous le contrôle et la direction de ladite entreprise ;

d) “entreprise utilisatrice” : toute personne physique ou morale pour laquelle et sous le contrôle et la direction de laquelle un travailleur intérimaire travaille de manière temporaire ;

e) “mission” : la période pendant laquelle le travailleur intérimaire est mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice en vue d’y travailler de manière temporaire sous le contrôle et la direction de ladite entreprise ;

[...] »

7 L’article 5 de la directive 2008/104, intitulé « Principe d’égalité de traitement », prévoit, à ses paragraphes 1 et 5 :

« 1. Pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste.

[...]

5. Les États membres prennent les mesures nécessaires, en conformité avec le droit national ou les pratiques en vigueur dans le pays, en vue d’éviter le recours abusif à l’application du présent article et, en particulier, l’attribution de missions successives dans le but de contourner les dispositions de la présente directive. [...] »

8 L’article 6 de cette directive, intitulé « Accès à l’emploi, aux équipements collectifs et à la formation professionnelle », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Les travailleurs intérimaires sont informés des postes vacants dans l’entreprise utilisatrice dans le but de leur assurer la même possibilité qu’aux autres travailleurs de cette entreprise d’obtenir un emploi permanent. [...]

2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les clauses interdisant ou ayant pour effet d’empêcher la conclusion d’un contrat de travail ou d’une relation de travail entre l’entreprise utilisatrice et le travailleur intérimaire après l’expiration de sa mission soient nulles ou puissent être déclarées nulles.

[...] »

Le droit allemand

L’AÜG

9 En vertu de l’article 1er du Gesetz zur Regelung der Arbeitnehmerüberlassung (loi portant réglementation de la mise à disposition de main‑d’œuvre), du 7 août 1972 (BGBl. 1972 I, p. 1393), dans sa version publiée le 3 février 1995 (BGBl. 1995 I, p. 158), telle que modifiée en dernier lieu par le Gesetz zur befristeten krisenbedingten Verbesserung der Regelungen für das Kurzarbeitergeld (loi relative à l’amélioration temporaire, en raison de la crise, des règles relatives aux allocations de chômage partiel), du 13 mars 2020 (BGBl. 2020 I, p. 493) (ci-après l’« AÜG »), intitulé « Mise à disposition de travailleurs, obligation d’autorisation » :

« 1 Les employeurs qui, en tant qu’entreprises de travail intérimaire, souhaitent, dans le cadre de leur activité économique, mettre des travailleurs (travailleurs intérimaires) à la disposition d’entreprises tierces (entreprises utilisatrices) pour y fournir une prestation de travail, doivent disposer d’une autorisation. Des travailleurs sont mis à disposition en vue de fournir une prestation de travail lorsqu’ils sont intégrés à l’organisation du travail de l’entreprise utilisatrice et soumis à l’autorité de cette dernière. [...] La mise à disposition de travailleurs est autorisée de manière temporaire jusqu’à une durée maximale fixée au paragraphe 1b. [...]

[...]

1b. L’entreprise de travail intérimaire ne peut mettre le même travailleur intérimaire à la disposition de la même entreprise utilisatrice pendant plus de 18 mois consécutifs ; l’entreprise de travail intérimaire ne peut faire travailler le même travailleur intérimaire pendant plus de 18 mois consécutifs. [...]

[...]

3. La présente loi [...] n’est pas applicable à la mise à disposition de travailleurs

[...]

2b) entre employeurs, lorsque les fonctions d’un travailleur sont transférées de l’employeur actuel à un autre employeur et que, en application d’une convention collective du service public,

a) la relation de travail avec l’employeur actuel continue d’exister et

b) la prestation de travail sera à l’avenir fournie au sein de l’entreprise ou de l’organisme du nouvel employeur,

[...] »

10 L’article 9 de l’AÜG, intitulé « Privation d’effet », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sont sans effet

[...]

1b) les contrats de travail entre l’entreprise de travail intérimaire et le travailleur intérimaire dès lors que la durée maximale de mise à disposition autorisée prévue à l’article 1er, paragraphe 1b, est dépassée, à moins que, dans un délai d’un mois à compter du dépassement de la durée maximale de mise à disposition autorisée, le travailleur intérimaire ne fasse savoir par écrit à l’entreprise de travail intérimaire ou à l’entreprise utilisatrice qu’il souhaite maintenir le contrat de travail avec l’entreprise de travail intérimaire,

[...] »

11 L’article 10 de l’AÜG, intitulé « Conséquences juridiques d’une privation d’effet », énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsque le contrat entre une entreprise de travail intérimaire et un travailleur intérimaire est sans effet en application de l’article 9, une relation de travail est considérée avoir pris naissance entre l’entreprise...

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