Mylan AB v Gilead Sciences Finland Oy and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2024:8
Date11 January 2024
Docket NumberC-473/22
Celex Number62022CJ0473
CourtCourt of Justice (European Union)
62022CJ0473

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 janvier 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Médicament à usage humain – Certificat complémentaire de protection (CCP) – Directive 2004/48/CE – Article 9, paragraphe 7 – Mise sur le marché de produits en violation des droits conférés par un CCP – Mesures provisoires ordonnées sur la base d’un CCP – Annulation ultérieure du CCP et révocation des mesures – Conséquences – Droit à un dédommagement approprié en réparation du préjudice causé par les mesures provisoires – Responsabilité du demandeur desdites mesures pour le préjudice causé par celles-ci – Réglementation nationale prévoyant une responsabilité sans faute »

Dans l’affaire C‑473/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques, Finlande), par décision du 14 juillet 2022, parvenue à la Cour le 14 juillet 2022, dans la procédure

Mylan AB

contre

Gilead Sciences Finland Oy,

Gilead Biopharmaceutics Ireland UC,

Gilead Sciences Inc.,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, MM. N. Piçarra, M. Safjan, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Mylan AB, par Mme A. Jäälinoja et M. B. Rapinoja, asianajajat,

pour Gilead Sciences Finland Oy, Gilead Biopharmaceutics Ireland UC et Gilead Sciences Inc., par MM. R. Hilli et M. Segercrantz, asianajajat,

pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. S. L. Kalėda, P.‑J. Loewenthal, J. Ringborg, Mmes J. Samnadda et I. Söderlund, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 7, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mylan AB à Gilead Sciences Finland Oy, à Gilead Biopharmaceutics Ireland UC et à Gilead Sciences Inc. (ci-après, ensemble, « Gilead e.a. ») au sujet de la réparation du préjudice que Mylan a subi en conséquence d’une mesure provisoire adoptée à son égard à la demande de Gilead e.a. et révoquée ultérieurement.

Le cadre juridique

Le droit international

3

Le premier alinéa du préambule de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’« accord sur les ADPIC »), qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), est libellé comme suit :

« Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle et de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitime ».

4

L’article 1er de l’accord sur les ADPIC, intitulé « Nature et portée des obligations », stipule, à son paragraphe 1 :

« Les Membres donneront effet aux dispositions du présent accord. Les Membres pourront, sans que cela soit une obligation, mettre en œuvre dans leur législation une protection plus large que ne le prescrit le présent accord, à condition que cette protection ne contrevienne pas aux dispositions dudit accord. Les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques. »

5

L’article 50 de cet accord, intitulé « Mesures provisoires », prévoit, à son paragraphe 7 :

« Dans les cas où les mesures provisoires seront abrogées ou cesseront d’être applicables en raison de toute action ou omission du requérant, ou dans les cas où il sera constaté ultérieurement qu’il n’y a pas eu atteinte ou menace d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires seront habilitées à ordonner au requérant, à la demande du défendeur, d’accorder à ce dernier un dédommagement approprié en réparation de tout dommage causé par ces mesures. »

Le droit de l’Union

6

Les considérants 4, 5, 7, 8, 10 et 22 de la directive 2004/48 énoncent :

« (4)

Sur le plan international, tous les États membres, ainsi que la Communauté [européenne] elle-même, pour les questions relevant de sa compétence, sont liés par [l’accord sur les ADPIC].

(5)

L’accord sur les ADPIC contient notamment des dispositions relatives aux moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, qui constituent des normes communes applicables sur le plan international et mises en œuvre dans tous les États membres. La présente directive ne devrait pas affecter les obligations internationales des États membres y compris celles résultant de l’accord sur les ADPIC.

[...]

(7)

Il ressort des consultations engagées par la Commission [européenne] sur cette question que, dans les États membres, et en dépit des dispositions de l’accord sur les ADPIC, il existe encore des disparités importantes en ce qui concerne les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Ainsi, les modalités d’application des mesures provisoires qui sont utilisées notamment pour sauvegarder les éléments de preuve, le calcul des dommages-intérêts ou encore les modalités d’application des procédures en cessation des atteintes aux droits de propriété intellectuelle connaissent des variations importantes d’un État membre à l’autre. [...]

(8)

Les disparités existant entre les régimes des États membres en ce qui concerne les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle sont nuisibles au bon fonctionnement du marché intérieur et ne permettent pas de faire en sorte que les droits de propriété intellectuelle bénéficient d’un niveau de protection équivalent sur tout le territoire de la Communauté. [...]

[...]

(10)

L’objectif de la présente directive est de rapprocher [les législations des États membres] afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.

[...]

(22)

Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l’atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d’espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle. »

7

Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« La présente directive concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. Aux fins de la présente directive, l’expression “droits de propriété intellectuelle” inclut les droits de propriété industrielle. »

8

L’article 2 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 3 :

« La présente directive n’affecte pas :

[...]

b)

les obligations découlant, pour les États membres, des conventions internationales, et notamment de l’accord sur les ADPIC, y compris celles relatives aux procédures pénales et aux sanctions applicables ;

[...] »

9

Le chapitre II de la directive 2004/48, intitulé « Mesures, procédures et réparations », comporte les articles 3 à 15 de cette directive. L’article 3 de celle-ci, intitulé « Obligation générale », prévoit :

« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.

2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif. »

10

L’article 7 de ladite directive, intitulé « Mesures de conservation des preuves », est libellé comme suit :

« 1. Avant même l’engagement d’une action au fond, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles...

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