Prism Investments BV v Jaap Anne van der Meer.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:401
Date16 June 2011
Celex Number62010CC0139
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-139/10

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 16 juin 2011 (1)

Affaire C-139/10

Prism Investments BV

contre

J. A. Van der Meer, en qualité de syndic de la faillite de Arilco Holland BV

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Règlement (CE) n° 44/2001 – Reconnaissance et exécution de décisions judiciaires – Motifs de refus – Moyens de défense au fond concernant le droit constaté par un titre»





I – Introduction

1. La demande de décision préjudicielle dont il s’agit en l’espèce a pour objet le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2). Elle porte sur la question de savoir si les juridictions de l’État requis peuvent, dans le cadre d’un recours contre une déclaration constatant la force exécutoire, examiner un moyen de défense tiré par le débiteur du fait qu’il aurait satisfait aux obligations imposées par la décision judiciaire étrangère après le prononcé de cette décision.

II – Cadre juridique

2. Le chapitre III du règlement n° 44/2001 énonce les règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution de décisions.

3. L’article 38, paragraphe 1, concerne l’exécution de décisions:

«Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.»

4. Aux termes de l’article 41, la décision est déclarée exécutoire dès l’achèvement des formalités prévues à l’article 53, sans examen des motifs de refus visés aux articles 34 et 35. La partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut, en cet état de la procédure, présenter d’observations. L’article 43 permet à toute partie de former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire.

5. L’article 45 du règlement n° 44/2001, qui a pour objet la procédure de recours, dispose:

«1. La juridiction saisie d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l’un des motifs prévus aux articles 34 et 35. Elle statue à bref délai.

2. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond.»

6. L’article 34 dispose:

«Une décision n’est pas reconnue si:

1) la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis;

2) l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire;

3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’État membre requis;

4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État membre requis.»

7. L’article 35 dispose:

«1. De même, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l’article 72.

2. Lors de l’appréciation des compétences mentionnées au paragraphe précédent, l’autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l’État membre d’origine a fondé sa compétence.

3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine. Le critère de l’ordre public visé à l’article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence.»

III – Les faits et la question préjudicielle

8. Par arrêt du 5 décembre 2006, la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) a condamné la SA Prism Investments (ci-après «Prism») à payer à la société Arilco Holland BV (ci-après «Arilco») la somme de 1 048 230,30 euros.

9. En août 2007, Arilco a été déclarée en faillite et placée sous le contrôle de M. van der Meer, en qualité de syndic. Le 3 septembre 2007, ce dernier a demandé au Rechtbank ’s-Hertogenbosch (Pays-Bas) de prononcer, sur la base de l’article 38 du règlement n° 44/2001, l’exequatur de l’arrêt précité, afin de pouvoir l’exécuter aux Pays-Bas. Cette demande a été accueillie.

10. Par recours fondé sur l’article 43 du règlement n° 44/2001, Prism a sollicité l’annulation de la déclaration d’exequatur en alléguant qu’elle avait déjà exécuté, par voie de compensation, la condamnation figurant dans l’arrêt déclaré exécutoire.

11. Par décision du 22 juillet 2008, le Rechtbank a rejeté ce recours au motif que, selon l’article 45 du règlement n° 44/2001, une déclaration constatant la force exécutoire ne peut être révoquée que pour l’un des motifs prévus aux articles 34 et 35 de ce règlement. La satisfaction des obligations en cause ne ferait pas partie de ces motifs et ne pourrait dès lors être prise en compte dans le cadre de la procédure de recours contre la déclaration constatant la force exécutoire, mais uniquement au stade ultérieur de l’exécution proprement dite.

12. Prism a réagi à cette décision par un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui est la juridiction de renvoi. Cette dernière juridiction a sursis à statuer et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«L’article 45 du règlement n° 44/2001 s’oppose-t-il à ce que le juge saisi d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 de ce règlement refuse ou révoque l’exequatur pour un motif autre que ceux prévus aux articles 34 et 35 du règlement, qui s’est produit après que cette décision a été rendue, tel que le motif selon lequel cette décision a déjà été exécutée?»

13. Des observations écrites ont été déposées dans la procédure devant la Cour par le syndic de la faillite d’Arilco, par les gouvernements belge, allemand, néerlandais, suédois et tchèque, par le gouvernement du Royaume-Uni ainsi que par la Commission européenne. Les gouvernements néerlandais, tchèque et allemand ainsi que la Commission ont pris part à la procédure orale du 10 février 2011.

IV – Appréciation

14. La demande de décision préjudicielle a pour objet la question de savoir si l’article 45 du règlement n° 44/2001 fait obstacle à la prise en compte de moyens de défense au fond invoqués par le débiteur dans une procédure d’exequatur. Par «moyens de défense au fond», il faut entendre des moyens de défense apparus après l’établissement du titre et qui rendent caduc le droit constaté par ce titre. Il peut s’agir, par exemple, d’un paiement ou d’une compensation. C’est ainsi que le débiteur de la procédure au principal fait valoir que l’obligation pécuniaire imposée par l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles aurait déjà été exécutée dans l’intervalle par voie de compensation. La juridiction de renvoi s’interroge maintenant sur le point de savoir si cet argument tiré de la compensation est recevable dans une procédure de recours contre l’exequatur.

15. Avant d’aborder l’interprétation de l’article 45 du règlement n° 44/2001, il convient d’examiner un argument du gouvernement du Royaume-Uni relatif au caractère exécutoire de l’arrêt en cause.

A – Caractère exécutoire de la décision au sens de l’article 38 du règlement n° 44/2001

16. Le Royaume-Uni est d’avis que la satisfaction du droit consacré par la décision à exécuter fait d’emblée perdre à cette décision son caractère exécutoire dans l’État d’origine et s’oppose donc à la déclaration d’exequatur.

17. Il faut certes concéder au Royaume-Uni que le caractère exécutoire de la décision dans l’État d’origine constitue une condition de l’exécution de cette décision dans l’État membre requis (3). Cela découle d’emblée de l’article 38 du règlement n° 44/2001, selon lequel les décisions rendues dans un État membre «et qui y sont exécutoires» peuvent être mises à exécution dans un autre État membre (4). Il est en outre vrai qu’il n’y a pas lieu d’attribuer à un jugement, lors de son exécution, des effets juridiques qu’il n’a pas dans l’État membre d’origine (5).

18. Cependant, la seule satisfaction de la revendication consacrée dans un titre n’enlève nullement son caractère exécutoire à la décision judiciaire et ne conduit pas non plus à lui reconnaître, lors de son exécution à l’étranger, des effets juridiques qu’elle n’aurait pas dans l’État d’origine.

19. Le terme «exécutoires» figurant à l’article 38 du règlement vise en effet uniquement le caractère exécutoire, du point de vue formel, des décisions étrangères (6). Ce caractère fait défaut, par exemple, lorsque la décision fait l’objet d’un recours ou est encore susceptible de l’être si elle n’a pas été déclarée exécutoire par provision (7).

20. C’est pourquoi, dans l’affaire Apostolides, la Cour a statué que les possibilités effectives d’exécution dans l’État d’origine sont sans pertinence au regard de la question du «caractère exécutoire». La circonstance que les requérants pouvaient rencontrer des difficultés pour faire exécuter les jugements en cause...

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