European Commission v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:427
CourtCourt of Justice (European Union)
Date15 July 2010
Docket NumberC-512/08
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62008CC0512

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 15 juillet 2010 (1)

Affaire C‑512/08

Commission européenne

contre

République française

«Libre prestation des services – Restrictions injustifiées – Exigence d’autorisation préalable en France en tant que condition pour le remboursement de soins médicaux non hospitaliers dans un autre État membre impliquant des équipements médicaux lourds – Absence de législations garantissant au patient assuré le remboursement complémentaire de la partie du montant que le patient assuré est en droit de recevoir conformément à la formule de remboursement utilisée dans l’État membre d’affiliation dépassant le montant qui aurait été payé conformément à la formule utilisée dans l’État membre dans lequel le traitement est fourni»





1. Les arrêts de la Cour relatifs à l’application des règles du marché intérieur aux services de santé (2) ont fait l’objet de controverses. Ils soulèvent bien souvent des problématiques ayant une importance constitutionnelle et substantielle. Ils démontrent les effets potentiellement perturbateurs sur les différents régimes nationaux de sécurité sociale résultant de la décision de soumettre les services essentiels et publics au régime de la liberté de circulation de l’Union européenne (3).

2. Le présent recours en manquement ne constitue pas une exception à cet égard. Le premier grief soulevé par la Commission européenne à l’encontre de la République française a pour objet une absence de respect des obligations au titre de l’article 49 CE (4) dans la mesure où le remboursement des soins fournis en dehors d’un hôpital nécessitant l’utilisation d’équipements médicaux lourds (5) est soumis à une autorisation préalable. Le second grief porte sur le fait que les autorités françaises ont omis d’adopter une législation spécifique accordant à un patient affilié au régime de sécurité sociale français un remboursement complémentaire dans les circonstances exposées au point 53 de l’arrêt Vanbraekel e.a. (6).

3. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Vanbraekel e.a., précité, avait pour objet la base de calcul du montant à rembourser à un patient affilié au régime de sécurité sociale belge qui avait reçu un traitement médical dans un hôpital en France. La question était de savoir si le patient devait être remboursé par le régime d’assurance belge d’après le montant qui devrait être remboursé en vertu de la législation française (38 608,99 FF) ou selon le niveau de remboursement prévu en droit belge (49 935,44 FF) (7). La Cour a jugé que dès lors que l’article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 (8) n’a pas réglementé cette question, celle-ci devait être examinée au regard de l’article 49 CE (9). La Cour a considéré que le fait que le droit national n’a pas garanti un droit au remboursement additionnel constitue une restriction injustifiée à la libre prestation des services (10) et a exposé au point 53 de son arrêt les circonstances dans lesquelles les patients sont éligibles pour de tels remboursements additionnels (11).

Le droit de l’Union

L’article 49 CE

4. L’article 49, paragraphe 1, CE prévoit:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.»

5. L’article 55 CE applique la dérogation à la liberté d’établissement tenant à la protection de la santé publique prévue à l’article 46 CE à la disposition relative aux services de l’article 49 CE.

Le règlement n° 1408/71

6. Le règlement n° 1408/71 n’est pas directement concerné par la présente procédure. Toutefois, il convient de s’en rappeler pour comprendre le dispositif législatif communautaire. Ce règlement vise à assurer que les travailleurs se déplaçant dans l’Union continuent à percevoir le bénéfice des prestations de soins de santé et de sécurité sociale (voir, notamment, cinquième et sixième considérants du règlement n° 1408/71). Ledit règlement suit le principe selon lequel la sécurité sociale reste un domaine réservé de la compétence des États membres. En conséquence, il s’agit non pas d’une mesure d’harmonisation, mais d’un dispositif qui vise à établir un degré de coordination en prévoyant que des systèmes fondamentalement différents travaillent ensemble en vue d’assurer des prestations minimales de soin de santé et de sécurité sociale (12). L’article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71 exige l’autorisation préalable pour les traitements médicaux reçus en dehors de l’État membre dans lequel le patient est assuré (élément qui n’empêche pas le patient de se fonder sur l’article 49 CE) (13). L’article 36 du règlement n° 1408/71 établit la procédure de remboursement entre les institutions de l’État membre dans lequel l’assuré est affilié et celles de l’État membre dans lequel les soins sont dispensés.

Le cadre juridique national

Le code de la sécurité sociale

7. L’article R. 332-3 du code de la sécurité sociale a été créé par le décret n° 2005-386, du 19 avril 2005. Dans la section consacrée aux soins dispensés hors de France, il énonce que «les caisses d’assurance maladie procèdent au remboursement des frais des soins dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, dans les mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l’assuré et sous réserve des adaptations prévues aux articles R. 332-4 à R. 332-6».

8. L’article R. 332-4 dudit code prévoit:

«Hors l’hypothèse de soins inopinés, les caisses d’assurance maladie ne peuvent procéder que sur autorisation préalable au remboursement des frais des soins hospitaliers ou nécessitant le recours aux équipements matériels lourds mentionnés au II de l’article R. 712-2 du code de la santé publique dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et appropriés à leur état.»

9. L’autorisation préalable prévue à l’article R. 332-4 du code de la sécurité sociale peut être refusée s’il est satisfait à l’une des conditions suivantes, à savoir les soins envisagés ne figurent pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ou un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité peut être obtenu en temps opportun en France, compte tenu de l’état du patient et de l’évolution probable de sa maladie. L’article R. 332‑4 de ce code arrête également la procédure de dépôt d’une demande d’autorisation préalable. En substance, les patients sont tenus de s’adresser à la caisse d’affiliation, toute décision de refus d’autorisation préalable doit être dûment motivée et susceptible de recours.

Le code de la santé publique

10. L’article L. 6121-1 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur au moment des faits, expose les objectifs en matière de santé publique qui comprennent la prise en compte du besoin de planifier la répartition des ressources pour assurer l’accès public aux soins de santé. L’article L. 6122-1 de ce code prévoit que «sont soumis à l’autorisation de l’agence régionale de l’hospitalisation les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation, et l’installation des équipements matériels lourds. La liste des activités de soins et des équipements matériels lourds soumis à autorisation est fixée par décret en Conseil d’État».

11. L’article L. 6122-14 dudit code définit les équipements relevant de la liste en ce sens, à savoir «les équipements mobiliers destinés à pourvoir soit au diagnostic, à la thérapeutique ou à la rééducation fonctionnelle des blessés, des malades et des femmes enceintes, soit au niveau du traitement de l’information et qui ne peuvent être utilisés que dans des conditions d’installation et de fonctionnement particulièrement onéreuses ou pouvant entraîner un excès d’actes médicaux».

12. La liste de ces équipements est établie à l’article R. 6122-26 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur au moment des faits (qui correspond à l’ancien II de l’article R. 712-2 de ce code), et prévoit que sont soumis à l’autorisation préalable les équipements matériels lourds énumérés ci-après:

«1. Caméra à scintillation munie ou non de détecteur d’émission de positons en coïncidence, tomographe à émissions, caméra à positons (‘PET scanner’) [(14)];

2. Appareil d’imagerie ou de spectrométrie par résonance magnétique nucléaire à utilisation clinique [(15)];

3. Scanographe à utilisation médicale [(16)];

4. Caisson hyperbare [(17)];

5. Cyclotron à utilisation médicale [(18)].»

13. Les autorités françaises ont adopté trois circulaires pour expliquer la situation en droit interne relative au remboursement des coûts de traitement médical des personnes affiliées au régime français de la sécurité sociale qui ont reçu un traitement médical dans d’autres États membres ou dans l’Espace économique européen ainsi que les exigences relatives à l’obtention de l’autorisation préalable pour les traitements médicaux reçus à l’étranger impliquant l’utilisation d’équipements médicaux lourds (19).

14. La circulaire DSS/DACI/2003/286 prévoit que les personnes affiliées au régime français de sécurité sociale peuvent exiger le remboursement complémentaire aux conditions de la jurisprudence Vanbraekel e.a.

15. La circulaire DSS/DACI/2005/235 énonce que «le décret n° 2005‑386 du 19 avril 2005 relatif à la prise en charge des soins reçus hors de France parachève l’intégration en droit interne de la jurisprudence communautaire relative à la libre...

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