Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 25 July 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:610
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 July 2018
Docket NumberC-377/16
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
Celex Number62016CC0377
62016CC0377

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑377/16

Royaume d’Espagne

contre

Parlement européen

« Appel à manifestation d’intérêt – Agents contractuels – Chauffeurs – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 21 et 22 – Règlement no 1 – Articles 1er, 2 et 6 – Régime linguistique des institutions de l’Union européenne – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 1er quinquies – Régime applicable aux autres agents – Article 82 – Discrimination en raison de la langue »

Introduction

1.

Par son recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, le Royaume d’Espagne demande l’annulation d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par le Parlement européen en vue de la sélection de candidats devant être recrutés en tant que chauffeurs (ci‑après l’« appel à candidatures »). Le Royaume d’Espagne fait valoir en particulier que cet appel à candidatures n’a pas respecté les règles du régime linguistique des institutions de l’Union européenne, telles qu’elles ressortent du règlement no 1 ( 2 ), s’agissant des communications entre les candidats et l’Office européen de sélection du personnel (ci‑après l’« EPSO »), et que la clause de cet appel à candidatures imposant aux candidats la connaissance de l’allemand, de l’anglais ou du français comme deuxième langue était constitutive d’une discrimination prohibée par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 3 ) et par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents ( 4 ).

2.

Le Parlement conteste ces allégations et soutient que la Cour devrait rejeter le recours ( 5 ).

3.

Dans une Union européenne qui a pour devise « in varietate concordia » et qui compte la libre circulation parmi ses droits fondamentaux, les langues ont vocation à jouer un rôle particulièrement important ( 6 ). Néanmoins, pour que le projet européen progresse, il doit accepter les réalités pratiques du monde d’aujourd’hui, et ce, tout particulièrement, au vu des 552 combinaisons linguistiques qui sont désormais possibles en associant deux des 24 langues officielles de l’Union ( 7 ). Telle est la question qui sera examinée pour l’essentiel dans les présentes conclusions.

Cadre juridique

Le traité sur l’Union européenne

4.

L’article 3, paragraphe 3, TUE dispose, pour ce qui intéresse les présentes conclusions :

« […]

[L’Union européenne] respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. »

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

5.

L’article 24 TFUE dispose :

« […]

Tout citoyen de l’Union peut écrire à toute institution ou organe visé au présent article ou à l’article 13 du traité sur l’Union européenne [ ( 8 )] dans l’une des langues visées à l’article 55, paragraphe 1, dudit traité [ ( 9 )] et recevoir une réponse rédigée dans la même langue. »

6.

Aux termes de l’article 342 TFUE :

« Le régime linguistique des institutions de l’Union est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par le Conseil statuant à l’unanimité par voie de règlements. »

La Charte

7.

L’article 21, paragraphe 1, de la Charte énonce :

« Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. »

8.

Selon l’article 22 de la Charte :

« L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique. »

Le règlement no 1

9.

En adoptant le règlement no 1, le Conseil a exercé les compétences qui lui sont conférées par ce qui est désormais l’article 342 TFUE pour fixer notamment le régime applicable aux langues utilisées par les institutions de l’Union européenne et au sein de celles‑ci. Dans sa version actuellement en vigueur, ce règlement dispose :

« 1. Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque.

2. Les textes adressés aux institutions [de l’Union européenne] par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue.

3. Les textes adressés par les institutions [de l’Union européenne] à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés dans la langue de cet État.

4. Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les langues officielles.

5. Le Journal officiel de l’Union européenne paraît dans les langues officielles.

6. Les institutions [de l’Union européenne] peuvent déterminer les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs.

7. Le régime linguistique de la procédure de la Cour de justice est déterminé dans le règlement de procédure de celle‑ci.

8. En ce qui concerne les États membres où existent plusieurs langues officielles, l’usage de la langue sera, à la demande de l’État intéressé, déterminé suivant les règles générales découlant de la législation de cet État. »

Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

10.

L’article 1er du statut des fonctionnaires dispose :

« Le présent statut s’applique aux fonctionnaires de l’Union. »

11.

En vertu de son article 1er bis, paragraphe 1 :

« Est fonctionnaire de l’Union au sens du présent statut toute personne qui a été nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d’une des institutions de l’Union par un acte écrit de l’autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution. »

12.

L’article 1er quinquies dispose :

« 1. Dans l’application du présent statut est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

[…]

6. Dans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. […] »

13.

L’article 5, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires précise que les emplois relevant du statut sont classés suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent. L’article 5, paragraphe 4, indique qu’un tableau descriptif des différents emplois-types figure à l’annexe I.

14.

Le chapitre 1 du titre III du statut des fonctionnaires est intitulé « Recrutement » et comporte les articles 27 à 34. L’article 27 dispose :

« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union. Aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé.

[…] »

15.

En vertu de l’article 28 :

« Nul ne peut être nommé fonctionnaire :

[…]

f)

s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer. »

16.

L’annexe III du statut des fonctionnaires est intitulée « Procédure de concours ». Elle contient un certain nombre de dispositions précises sur les modalités d’organisation des concours de recrutement de fonctionnaires.

17.

Un document intitulé « Régime applicable aux autres agents de l’Union européenne » (ci‑après le « RAA ») est annexé au statut des fonctionnaires. Son article 1er indique que les agents engagés par contrat incluent la catégorie des « agents contractuels ».

18.

L’article 3 bis, paragraphe 1, du RAA dispose :

« Est considéré comme “agent contractuel”, aux fins du présent régime, l’agent non affecté à un emploi prévu dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à l’institution concernée et engagé en vue d’exercer des fonctions, soit à temps partiel, soit à temps complet : a) dans une institution en vue d’exécuter des tâches manuelles ou d’appui administratif […] »

19.

Conformément à l’article 3 ter du RAA :

« Est considéré comme “agent contractuel auxiliaire”, aux fins du présent régime, l’agent engagé dans une institution […] en vue :

[…]

b)

de remplacer, après avoir examiné les possibilités d’intérim des fonctionnaires de l’institution, certaines personnes se trouvant momentanément dans l’incapacité d’exercer leurs fonctions, […] »

20.

L’article 80 du RAA contient un certain nombre de dispositions générales...

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