Opinion of Advocate General Kokott delivered on 11 April 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:323
Celex Number62017CC0663
CourtCourt of Justice (European Union)
Date11 April 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE KOKOTT

présentées le 11 avril 2019 (1)

Affaires jointes C663/17 P, C665/17 P et C669/17 P

Banque centrale européenne

contre

Trasta Komercbanka AS,

Ivan Fursin e.a. (C663/17 P)

et

Commission européenne

contre

Trasta Komercbanka AS,

Ivan Fursin e.a. (C665/17 P)

et

Trasta Komercbanka AS,

Ivan Fursin e.a.

contre

Banque centrale européenne (C669/17 P)

« Pourvoi – Recours en annulation – Exception d’irrecevabilité – Règlement (UE) no 1024/2013– Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Retrait de l’agrément d’un établissement de crédit par la Banque centrale européenne – Liquidation automatique de l’établissement de crédit concerné en droit national – Qualité pour agir de l’établissement de crédit en liquidation, représenté par son ancien organe de direction – Qualité pour agir des actionnaires »






I. Introduction

1. Dans le contexte des règles en matière de surveillance bancaire, les trois présents pourvois concernant la recevabilité des recours formés par une banque lettone et ses actionnaires contre le retrait d’une licence bancaire (ou « agrément ») (2) par la Banque centrale européenne (BCE) soulèvent des questions fondamentales quant au système de protection juridictionnelle de l’Union.

2. Le retrait d’une licence bancaire entraîne en droit letton directement et sans possibilité de recours la dissolution de la banque concernée. Par conséquent, le recours de Trasta Komercbanka (ci-après « TKB ») contre le retrait de sa licence a été rejeté comme irrecevable par le Tribunal statuant sur une exception soulevée en ce sens par la BCE. Le Tribunal a considéré que, à la suite de la liquidation, l’organe de direction ayant formé le recours n’était plus habilité en droit national à représenter la banque et à conférer à cette fin à des avocats le mandat de mener la procédure. Dans ces circonstances, le Tribunal a jugé qu’un recours des actionnaires pour la défense des intérêts de la banque quant au retrait de l’agrément était, à titre exceptionnel, recevable.

3. Cette partie de la décision du Tribunal est contestée par la BCE et la Commission dans le cadre de leurs pourvois, par lesquels elles mettent également en cause la qualité pour agir des actionnaires. Or, il s’agit là de la problématique fondamentale afférente à la protection juridictionnelle qui sous-tend les présentes procédures : toutes les voies de recours devant la Cour devraient-elles en définitive rester fermées ? Est-il en outre susceptible d’être licite au regard de l’obligation incombant à l’Union d’assurer une protection juridictionnelle effective contre les actes de l'Union faisant grief que le droit national attache au retrait d’une licence bancaire des conséquences irréversibles excluant de fait un contrôle effectif par les juridictions de l’Union ?

4. Une importance particulière s’attache dans le présent cas de figure, dans lequel un acte de l’Union implique directement la dissolution de la personne morale destinataire de cet acte, à la question de savoir qui est habilité à représenter cette personne morale dans le cadre de la procédure intentée à son encontre devant les juridictions de l’Union.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5. L’article 14 du règlement nº 1024/2013 (3) contient les dispositions suivantes :

« 1. Toute demande d’agrément pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit devant être établi dans un État membre participant est soumise aux autorités compétentes nationales de l’État membre où l’établissement de crédit doit être établi conformément aux exigences du droit national applicable.

[…]

5. Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale. Ces consultations visent, en particulier, à garantir qu’avant de décider de retirer un agrément, la BCE donne suffisamment de temps aux autorités nationales pour leur permettre d’arrêter les mesures correctrices nécessaires, y compris d’éventuelles mesures de résolution, et qu’elle tient compte de celles-ci.

Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale.

[...] »

B. Le droit letton

1. Kredītiestāžu likums (loi lettone sur les établissements de crédit)

6. L’article 129 de la loi lettone sur les établissements de crédit (4) prévoit les dispositions suivantes :

« (1) Si, conformément à l’article 27, paragraphe 1, points 1, 2, 3, 4 et 8 de la présente loi, la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux, Lettonie) annule une licence (autorisation) délivrée aux fins de l’exploitation d’un établissement de crédit, la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux) nomme un mandataire et présente au tribunal une demande de liquidation de cet établissement de crédit ainsi qu’une demande de nomination d’un liquidateur, en proposant un candidat à cette fonction.

(2) Après l’annulation de la licence, l’assemblée des actionnaires de l’établissement de crédit n’est plus habilitée à adopter une décision de liquidation volontaire ou de nomination d’un liquidateur.

[…] »

7. L’article 133, paragraphe 4, de la loi lettone sur les établissements de crédit énonce :

« Les dispositions du chapitre XI de la présente loi, à l’exception des articles 160 et 166, ainsi que les droits, devoirs et pouvoirs conférés à l’administrateur par les articles 172 et 172.1 de la présente loi, s’appliquent au liquidateur de l’établissement de crédit nommé par le tribunal ».

8. L’article 161, paragraphe 1, de cette loi est libellé de la manière suivante :

« À la suite de la déclaration d’insolvabilité d’un établissement de crédit, l’administrateur assume tous les devoirs, droits et pouvoirs des organes d’administration et de leurs dirigeants qui sont prévus par la loi et par les statuts de l’établissement de crédit ».

2. Civilprocesa likums (code letton de procédure civile)

9. L’article 5, paragraphe 3, du code letton de procédure civile (5) énonce :

« Si la question juridique pertinente est régie par des dispositions du droit de l’Union qui sont directement applicables en Lettonie, le droit letton s’applique dans la mesure permise par les dispositions du droit de l’Union ».

10. L’article 371 du code letton de procédure civile réglemente le contenu de la demande de liquidation qui doit être présentée par la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission lettone des marchés financiers et des capitaux) dans les cas visés à l’article 129 de la loi lettone sur les établissements de crédit. L’article 129, paragraphe 2, prévoit :

« La demande de liquidation doit être accompagnée de la décision de la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux), portant annulation de la licence délivrée aux fins de l’exploitation de l’établissement de crédit, ainsi que des documents confirmant les circonstances en raison desquelles la licence a été retirée à l’établissement de crédit ».

11. L’article 377, paragraphe 2, du code letton de procédure civile énonce :

« Lors de l’adoption d'un jugement concernant la liquidation d’un établissement de crédit, le tribunal nomme un liquidateur pour l’établissement de crédit. Le tribunal nomme en tant que liquidateur de l’établissement de crédit une personne proposée par la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux) ».

12. L’article 387 du code letton de procédure civile prévoit en outre :

« […]

(2) Un administrateur ou un liquidateur peut, sur demande de la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux), être révoqué par le tribunal. La demande doit être accompagnée de la décision de la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et des capitaux), exprimant la défiance à l’égard de l’administrateur ou du liquidateur sur le fondement de l’une des circonstances suivantes :

1. l’administrateur ou le liquidateur ne répond pas aux exigences de l’article 131, paragraphe 1, ou de l’article 131.1, paragraphe 1, de la loi sur les établissements de crédit ou l’une des circonstances visées à l’article 132 ou 132.1 est découverte ;

2. l’administrateur ou le liquidateur n’est pas compétent ;

3 l’administrateur ou le liquidateur abuse de ses pouvoirs.

(3) Le tribunal peut examiner la question de la révocation d’un administrateur ou liquidateur sur demande d’un créancier ou d’un groupe de créanciers ou d’office, s’il dispose de preuves attestant que l’administrateur ou le liquidateur a, dans l’exercice de ses fonctions, violé les dispositions de la loi sur les établissements de crédit ou d’autres actes juridiques ou ne s’est pas conformé à des décisions de justice, que l’administrateur ou le liquidateur ne répond pas aux exigences de l’article 131, paragraphe 1, ou de l’article 131.1, paragraphe 1, de la loi sur les établissements de crédit, que l’une des circonstances visées à l’article 132 ou 132.1 est découverte, ou que l’administrateur ou le liquidateur n’est pas compétent ou abuse de ses pouvoirs ».

3. Komerclikums (Code de commerce letton)

13. L’article 322 du code de commerce letton (6), dont l’intitulé officiel est « Droits et devoirs du liquidateur », est libellé de la manière suivante :

« (1) Le liquidateur dispose de tous les droits et assume tous les devoirs du directoire et du conseil de surveillance qui ne sont pas...

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