The Gibraltar Betting and Gaming Association Limited v Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs and Her Majesty's Treasury.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:32
Docket NumberC-591/15
Celex Number62015CC0591
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 January 2017
62015CC0591

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 19 janvier 2017 ( 1 )

Affaire C‑591/15

The Queen, à la demande de

The Gibraltar Betting and Gaming Association Limited

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

et Her Majesty’s Treasury

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], Royaume-Uni]

«Article 355, point 3, TFUE — Champ d’application territoriale des traités — Statut de Gibraltar — Article 56 TFUE — Libre prestation des services — Situation purement interne — Jeux de hasard — Notion de “restriction” — Mesure fiscale indistinctement applicable»

Introduction

1.

Au cours de l’année 2014, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a adopté un nouveau régime fiscal pour certaines taxes sur les jeux d’argent (ci‑après le « nouveau régime fiscal ») qui impose aux prestataires de services de jeux d’argent d’acquitter une taxe pour les services de jeux d’argent fournis aux « personnes établies au Royaume-Uni », que ces prestataires soient établis au Royaume-Uni ou dans un autre pays. Le régime fiscal antérieur, que ce nouveau régime fiscal remplace, prévoyait que seuls les prestataires de services établis au Royaume‑Uni devaient payer les taxes sur les jeux d’argent frappant les bénéfices bruts réalisés sur leurs services de jeux d’argent aux consommateurs dans le monde entier.

2.

L’organisation The Gibraltar Betting and Gaming Association (ci-après la « GBGA »), une société qui a été constituée à Gibraltar, conteste le nouveau régime fiscal en ce qu’il frappe désormais d’une taxe supplémentaire, au Royaume-Uni, les services de jeux d’argent qui sont proposés à partir de Gibraltar au marché du Royaume‑Uni. La GBGA soutient que cette taxe est contraire à la libre prestation des services qui est inscrite à l’article 56 TFUE.

3.

Pour savoir si l’article 56 TFUE peut ou non être invoqué dans une situation dont les éléments se cantonnent au Royaume‑Uni et à Gibraltar, il conviendra de déterminer si, aux fins de cette disposition, ces deux entités font ou non partie d’un même État membre. En d’autres termes, il faudra déterminer si nous sommes en présence de ce qui est désigné généralement comme une « situation purement interne ».

4.

Dans les présentes conclusions, sans recourir au procédé narratif du cliffhanger, quand bien même l’affaire porte sur la relation qui existe entre une île ( 2 ) et un rocher, je propose à la Cour de statuer que, aux fins de l’article 56 TFUE, Gibraltar et le Royaume-Uni doivent être considérés comme une seule entité. Il s’agit en effet d’une situation purement interne qui n’entraîne pas l’applicabilité de l’article 56 TFUE. À titre subsidiaire, si la Cour devait en décider autrement, je propose que les dispositions du nouveau régime fiscal qui sont contestées en l’espèce ne soient pas considérées comme une restriction à la libre prestation des services, étant donné qu’elles s’appliquent indistinctement et de manière non discriminatoire aux prestataires de services de jeux d’argent établis au Royaume-Uni et ailleurs.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

5.

L’article 355 TFUE dispose comme suit :

« Outre les dispositions de l’article 52 du traité sur l’Union européenne relatives au champ d’application territoriale des traités, les dispositions suivantes s’appliquent :

[…]

3. Les dispositions des traités s’appliquent aux territoires européens dont un État membre assume les relations extérieures.

[…]. »

6.

L’article 28 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion et aux adaptations des traités ( 3 ) dispose ce qui suit :

« Les actes des institutions de la Communauté visant les produits de l’annexe II du traité CEE et les produits soumis à l’importation dans la Communauté à une réglementation spécifique comme conséquence de la mise en œuvre de la politique agricole commune, ainsi que les actes en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ne sont pas applicables à Gibraltar, à moins que le Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission n’en dispose autrement. »

7.

Il ressort clairement de la lecture combinée de l’article 29 du même acte d’adhésion et du point 1.4 de son annexe I que Gibraltar ne fait pas partie du territoire douanier de l’Union ( 4 ).

Le droit du Royaume-Uni

8.

Il existe sept taxes de jeu d’argent au Royaume‑Uni, à savoir la taxe générale sur les paris, la taxe sur les paris mutuels, la taxe sur les jeux à distance, la taxe sur les jeux, la taxe sur le bingo, la taxe sur les loteries et la taxe sur les appareils de divertissement.

9.

L’affaire au principal concerne la taxe sur les jeux à distance.

10.

Dans le courant de l’année 2014, la Finance Act 2014 (loi de finances de 2014, ci-après la « FA 2014 ») a instauré au Royaume‑Uni le nouveau régime fiscal imposant des droits d’accises sur les services de jeux d’argent. L’article 154 du chapitre 3 de la partie 3 de la FA 2014 définit les « jeux à distance » comme étant ceux auxquels des personnes participent en utilisant Internet, le téléphone, la télévision, la radio ou tout type de technologie électronique ou autre de communication. L’article 188, paragraphe 1, sous a), de la FA 2014 définit les « jeux » comme étant des « jeux de hasard en vue d’obtenir un prix ».

11.

L’article 155, paragraphe 1, de la FA 2014 prévoit qu’un droit d’accises, appelé taxe sur les jeux à distance, doit être perçu pour une « participation à des jeux à distance d’une personne imposable dans le cadre d’accords conclus entre cette personne et une autre personne ».

12.

Telle que définie à l’article 155, paragraphe 2, de la FA 2014, la notion de « personne imposable » comprend « toute personne établie au Royaume-Uni ». Aux termes de l’article 186, paragraphe 1, de la FA 2014, une « personne établie au Royaume-Uni » est définie comme étant « une personne physique résidant habituellement au Royaume‑Uni » ou « une personne morale légalement constituée au Royaume‑Uni ». Les opérateurs économiques (y compris les prestataires de services de jeux de hasard) doivent tenir des registres appropriés leur permettant de vérifier si le client réside habituellement au Royaume‑Uni (« personne établie au Royaume-Uni ») ou en dehors du Royaume‑Uni (voir le document « Her Majesty’s Revenue and Customs Guidance » publié conformément aux exigences de l’article 187 de la FA 2014). Ils doivent notamment vérifier l’adresse du client (telle qu’elle est indiquée sur un relevé bancaire, associée à une carte de crédit ou mentionnée sur un permis de conduire) ou un numéro de téléphone où il peut être joint. Dès que le client présente au moins deux indices d’un établissement au Royaume-Uni, les opérateurs doivent le traiter comme une « personne établie au Royaume‑Uni » et le déclarer à l’administration fiscale du Royaume‑Uni.

13.

Le taux d’imposition des jeux à distance s’élève à 15 % des « bénéfices réalisés par le prestataire de jeux » sur les jeux à distance au cours d’un exercice comptable. En substance, les bénéfices se calculent en prenant le montant des mises après déduction des gains versés (voir l’article 157 de la FA 2014).

14.

En vertu de l’article 162 de la FA 2014, « [u]n prestataire de jeux est tenu au paiement des taxes sur les jeux à distance frappant les bénéfices qu’il réalise sur ces jeux au cours d’un exercice comptable ».

Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

15.

La GBGA est une association professionnelle dont les membres sont essentiellement des prestataires de jeux d’argent établis à Gibraltar qui fournissent des jeux à distance à des clients au Royaume‑Uni et ailleurs. Au moins 55 % des services de jeux d’argent à distance fournis à des clients établis au Royaume-Uni sont assurés par des sociétés établies à Gibraltar et près de 90 % de l’activité économique générée sur le marché des jeux d’argent à distance par des clients établis au Royaume‑Uni échappaient à tout droit d’accise au profit du Trésor du Royaume-Uni.

16.

Sous l’empire du régime précédent, le droit fiscal du Royaume‑Uni prévoyait que les prestataires de services de jeux à distance établis au Royaume-Uni devaient s’acquitter, au Royaume‑Uni, d’une taxe de 15 % sur les bénéfices bruts provenant des services de jeux à distance qu’ils fournissaient à leurs clients, quel que soit le lieu de résidence de ces derniers. Selon la juridiction de renvoi, il est constant que cette imposition pouvait à bon droit être qualifiée de « taxe » prélevée selon le principe du « lieu de prestation ». Les prestataires de services de jeux à distance établis en dehors du Royaume-Uni (y compris à Gibraltar) ne payaient aucune taxe, au Royaume-Uni, sur les services de jeux à distance fournis aux personnes au Royaume-Uni. Les prestataires de services de jeux à distance établis à Gibraltar s’acquittaient, à Gibraltar, sur leurs services de jeux d’argent à distance fournis dans le monde entier, d’une taxe a) au taux de 1 % du chiffre d’affaires pour les paris en ligne à cote fixe et d’échanges de paris et b) au taux de 1 % sur la marge brute ou le rendement brut des jeux pour les casinos en ligne. Selon la juridiction de renvoi, il est également constant que cette imposition pouvait à bon droit être qualifiée de « taxe » prélevée selon le principe du « lieu de prestation ».

17.

Devant la juridiction de renvoi, la GBGA conteste le nouveau régime...

To continue reading

Request your trial
3 practice notes
  • Google LLC contra Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 January 2019
    ...público». 25 Sobre el artículo 355 TFUE, véanse también mis conclusiones en el asunto The Gibraltar Betting and Gaming Association (C‑591/15, EU:C:2017:32), puntos 54 y 26 Véase la sentencia de 6 de septiembre de 2017, Intel/Comisión (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), apartado 43. 27 En ese caso ......
  • Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 18 May 2017.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 May 2017
    ...TFEU. 100 Judgment of 15 November 2016 (C‑268/15, EU:C:2016:874). 101 See also my Opinion in The Gibraltar Betting and Gaming Association (C‑591/15, EU:C:2017:32, point 102 Judgment of 15 November 2016 (C‑268/15, EU:C:2016:874). 103 See judgment of 16 June 2015 (C‑593/13, EU:C:2015:399). Ad......
  • The Gibraltar Betting and Gaming Association Limited v Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs and Her Majesty's Treasury.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 June 2017
    ...3, TFUE — Statut de Gibraltar — Article 56 TFUE — Libre prestation de services — Situation purement interne — Irrecevabilité» Dans l’affaire C‑591/15, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wa......
2 cases
  • Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 18 May 2017.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 May 2017
    ...Judgment of 15 November 2016 (C‑268/15, EU:C:2016:874). 101 See also my Opinion in The Gibraltar Betting and Gaming Association (C‑591/15, EU:C:2017:32, point 102 Judgment of 15 November 2016 (C‑268/15, EU:C:2016:874). 103 See judgment of 16 June 2015 (C‑593/13, EU:C:2015:399). Advocate Gen......
  • Google LLC contra Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 January 2019
    ...25 Sobre el artículo 355 TFUE, véanse también mis conclusiones en el asunto The Gibraltar Betting and Gaming Association (C‑591/15, EU:C:2017:32), puntos 54 y 26 Véase la sentencia de 6 de septiembre de 2017, Intel/Comisión (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), apartado 43. 27 En ese caso y en aquel......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT