European Commission v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:666
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-308/14
Date06 October 2015
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62014CC0308
62014CC0308

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 6 octobre 2015 ( 1 )

Affaire C‑308/14

Commission européenne

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

«Manquement d’État — Coordination des systèmes de sécurité sociale — Règlement (CE) no 883/2004 — Article 4 — Égalité de traitement en matière d’accès aux prestations de sécurité sociale — Prestations familiales — Droit de séjour — Directive 2004/38/CE — Législation nationale refusant l’octroi d’allocations familiales et d’un crédit d’impôt pour enfant aux personnes qui ne disposent pas d’un droit de séjour dans l’État membre en cause»

1.

La Commission européenne reproche au Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement (CE) no 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ( 2 ) en soumettant les demandeurs de certaines prestations sociales à un «test de droit de séjour» qui ne serait pas conforme à l’esprit dudit règlement et qui serait également discriminatoire.

2.

Dans ce cadre, la Cour doit à nouveau faire face, comme dans les récentes affaire Brey ( 3 ), Dano ( 4 ) et Alimanovic ( 5 ), à la question de la relation entre le règlement no 883/2004 et la directive 2004/38/CE ( 6 ). En l’espèce, la question de la légitimité de la prise en considération de la légalité du séjour dans le contexte de l’octroi de prestations sociales se pose également, bien qu’avec d’importantes différences. Ainsi, alors que, dans ces affaires préjudicielles, la problématique portait sur l’interprétation de cette directive, avec le règlement no 883/2004 en arrière-plan, la présente affaire porte sur un problème de respect de ce règlement dans le cadre duquel se pose la question de la pertinence même de l’application de ladite directive dans les circonstances de l’espèce.

3.

Le grief de traitement discriminatoire soulevé à l’encontre du Royaume‑Uni, qui constitue en réalité le grief principal, nous amènera en substance à faire une distinction basique entre deux questions: d’une part, la question de principe visant à savoir si, du fait de l’application du règlement précité, les dispositions de la directive 2004/38 qui encadrent la légalité du séjour d’un citoyen de l’Union dans un État membre autre que le sien doivent ou non être mises entre parenthèses et, d’autre part, la question, en soi différente, des circonstances et conditions dans lesquelles la vérification de ce séjour légal est, le cas échéant, compatible avec le principe de non-discrimination visé à l’article 4 du règlement no 883/2004.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement no 883/2004

4.

L’article 1er, sous j) et z), du règlement no 883/2004 dispose:

«Aux fins du présent règlement:

[…]

j)

le terme ‘résidence’ désigne le lieu où une personne réside habituellement;

[…]

z)

le terme ‘prestations familiales’ désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d’adoption visées à l’annexe I.»

5.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous j), dudit règlement:

«1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[…]

j)

les prestations familiales.»

6.

L’article 4 du règlement no 883/2004, intitulé «Égalité de traitement», dispose:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci.»

7.

L’article 11, paragraphes 1 et 3, sous e), de ce règlement dispose:

«1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[…]

3. Sous réserve des articles 12 à 16:

[…]

e)

les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres.»

8.

L’article 67 du règlement no 883/2004 dispose:

«Une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. […]»

2. La directive 2004/38

9.

Le libellé de l’article 7 de la directive 2004/38 est le suivant:

«1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil; ou

b)

s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil; ou,

c)

s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour; ou

d)

si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

[…]

3. Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants:

a)

s’il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident;

b)

s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistré en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent;

c)

s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistré en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois;

d)

s’il entreprend une formation professionnelle. À moins que l’intéressé ne se trouve en situation de chômage involontaire, le maintien de la qualité de travailleur suppose qu’il existe une relation entre la formation et l’activité professionnelle antérieure.

[…]»

10.

En vertu de l’article 14 de ladite directive:

«1. Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

2. Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles.

Dans certains cas spécifiques lorsqu’il est permis de douter qu’un citoyen de l’Union ou les membres de sa famille remplissent les conditions énoncées aux articles 7, 12 et 13, les États membres peuvent vérifier si c’est effectivement le cas. Cette vérification n’est pas systématique.

3. Le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement.

[…]»

11.

Conformément à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2004/38, «[l]es procédures prévues aux articles 30 et 31 s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique».

12.

L’article 24 de ladite directive, intitulé «Égalité de traitement», dispose:

«1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l’acquisition du droit de séjour...

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