Opinion of Advocate General Bot delivered on 10 April 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:223
Date10 April 2018
Celex Number62017CC0122
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-122/17
62017CC0122

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 10 avril 2018 ( 1 )

Affaire C‑122/17

David Smith

contre

Patrick Meade,

Philip Meade,

FBD Insurance plc,

Ireland,

Attorney General

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of appeal (Cour d’appel, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Troisième directive 90/232/CEE – Article 1er – Responsabilité en cas de dommages corporels causés à tous les passagers autres que le conducteur – Assurance obligatoire – Effet direct des directives – Obligation de laisser inappliquée une réglementation nationale contraire à une directive – Invocabilité par l’État d’une directive à l’encontre d’un particulier »

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant initialement M. David Smith à MM. Patrick et Philip Meade, FBD Insurance plc (ci-après « FBD »), l’Irlande ainsi que l’Attorney General au sujet de l’indemnisation du dommage subi par M. Smith à la suite d’un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. Patrick Meade et détenu par M. Philip Meade.

3.

Dans son arrêt du 19 avril 2007, Farrell (C‑356/05, EU:C:2007:229), la Cour a dit pour droit que l’article 1er de la troisième directive devait être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile ne couvre pas la responsabilité des dommages corporels causés aux personnes voyageant dans une partie d’un véhicule automoteur qui n’a été ni conçue ni construite avec des sièges pour passagers ( 3 ). La Cour a également dit pour droit que l’article 1er de la troisième directive remplissait toutes les conditions requises pour produire un effet direct et conférait, par conséquent, des droits que les particuliers peuvent invoquer directement devant les juridictions nationales ( 4 ).

4.

La Cour est appelée à préciser les conséquences de son arrêt du 19 avril 2007, Farrell (C‑356/05, EU:C:2007:229), dans le contexte suivant : si le litige initial opposait M. Smith à MM. Meade, auxquels se sont ajoutés, en tant que défendeurs, FBD, l’Irlande et l’Attorney General, la phase procédurale au cours de laquelle a été posée la présente question préjudicielle oppose FBD, qui est subrogée dans les droits de M. Smith, à l’État irlandais. Dans ce cadre, ce dernier estime, comme moyen de défense, que la troisième directive est apte à faire peser sur cet assureur l’obligation d’indemniser M. Smith. Est donc posé le problème général, qui n’est certes pas nouveau, mais qui intervient dans une configuration procédurale particulière, de savoir si une directive peut avoir pour effet d’imposer des obligations à un particulier dans une situation où l’État a transposé de façon incorrecte cette directive.

5.

Dans les présentes conclusions, nous exposerons, d’abord, les raisons pour lesquelles nous considérons que, dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, une société d’assurances, qui est subrogée dans les droits d’une victime à laquelle elle a accordé une indemnisation, et, d’autre part, l’État, la juridiction nationale est tenue de laisser inappliquées les dispositions de son droit national selon lesquelles l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile ne couvre pas la responsabilité des dommages corporels causés aux personnes voyageant dans une partie d’un véhicule automoteur qui n’a été ni conçue ni construite avec des sièges pour passagers, dont la contrariété avec l’article 1er de la troisième directive découle de l’arrêt du 19 avril 2007, Farrell (C‑356/05, EU:C:2007:229).

6.

Nous expliquerons, ensuite, pourquoi nous considérons qu’une telle mise à l’écart des dispositions de droit national contraires à l’article 1er de la troisième directive ne saurait avoir pour conséquence de faire peser sur l’assureur qui s’est conformé à de telles dispositions la charge d’indemniser la victime d’un dommage non couvert par la police d’assurance agréée.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

7.

La directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité ( 5 ), a abrogé la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité ( 6 ), ainsi que la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ( 7 ), et la troisième directive. Néanmoins, compte tenu de la date des faits afférents à l’affaire au principal, il convient d’avoir égard aux directives abrogées.

8.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive :

« Chaque État membre prend toutes les mesures utiles [...] pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures. »

9.

L’article 1er, paragraphe 1, de la deuxième directive disposait :

« L’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la [première directive] couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels. »

10.

L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive énonçait :

« Chaque État membre prend les mesures utiles pour que toute disposition légale ou clause contractuelle qui est contenue dans une police d’assurance délivrée conformément à l’article 3[,] paragraphe 1[,] de la [première directive], qui exclut de l’assurance l’utilisation ou la conduite de véhicules par :

[...]

des personnes qui ne se sont pas conformées aux obligations légales d’ordre technique concernant l’état et la sécurité du véhicule concerné,

soit, pour l’application de l’article 3[,] paragraphe 1[,] de la [première directive], réputée sans effet [...]. »

11.

L’article 1er, premier alinéa, de la troisième directive prévoyait :

« [...] [L]’assurance visée à l’article 3[,] paragraphe 1[,] de la [première directive] couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule. »

B. Le droit irlandais

12.

L’article 56, paragraphe 1, du Road Traffic Act 1961 (loi de 1961 sur la circulation routière), dans sa version en vigueur à l’époque des faits au principal (ci-après la « loi de 1961 »), prévoyait qu’un automobiliste ne pouvait pas conduire un véhicule à propulsion mécanique sur une voie publique en l’absence d’une police d’assurance agréée et en cours de validité couvrant la négligence dans l’usage du véhicule qui fait naître une obligation de verser des dommages-intérêts à toute personne, à l’exception de la personne exceptée.

13.

L’article 56, paragraphe 3, de cette loi de 1961 disposait que l’utilisation d’un véhicule en violation de l’interdiction figurant à l’article 56, paragraphe 1, constituait un délit pénal.

14.

Aux termes de l’article 65, paragraphe 1, sous a), de ladite loi, constituait une « personne exceptée », au sens de l’article 56, paragraphe 1, de cette même loi :

« Toute personne demandant l’indemnisation de dommages corporels qu’elle a subis alors qu’elle était dans ou sur un véhicule à propulsion mécanique (ou un véhicule tracté par un tel véhicule) que le document pertinent concerne, autre qu’un véhicule à propulsion mécanique, un véhicule tracté ou des véhicules formant une combinaison de véhicules d’une classe désignée aux fins du présent paragraphe par des règlements adoptés par le Ministre dans la mesure où lesdits règlements ne prévoient pas une assurance obligatoire de la responsabilité civile couvrant les passagers pour :

i)

toute partie d’un véhicule à propulsion mécanique, autre qu’un grand véhicule de service public, à moins que cette partie du véhicule ne soit conçue et construite avec des sièges pour passagers, ou

ii)

un passager assis dans une caravane attachée à un véhicule à propulsion mécanique pendant que cette combinaison de véhicules se déplace en un lieu public. »

15.

L’article 6, paragraphe 1, sous a), du Road Traffic (Compulsory Insurance) Regulations, 1962 (règlement ministériel de 1962 relatif à l’assurance obligatoire en matière de circulation routière), dans sa version en vigueur à l’époque des faits au principal (ci-après le « règlement ministériel de 1962 »), énonçait :

« Les véhicules suivants sont désignés aux fins de l’application de [l’article 65, paragraphe 1, sous a), de la loi de 1961] :

a)

tous les véhicules, autres que les cycles motorisés, conçus et construits avec des sièges pour passagers. »

II. Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

16.

Le 19 juin 1999...

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