Opinion of Advocate General Bot delivered on 7 July 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:537
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-449/14
Date07 July 2016
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible
Celex Number62014CC0449
62014CC0449

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 7 juillet 2016 ( 1 )

Affaire C‑449/14 P

DTS Distribuidora de Televisión Digital SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Aides d’État — Régime d’aide en faveur de la RTVE — Modification du régime d’aide existant — Mesures fiscales, imposées aux opérateurs de radiodiffusion et de télécommunication, constituant le nouveau mode de financement de l’aide — Existence d’un lien d’affectation nécessaire entre les mesures fiscales et l’aide — Portée du critère tiré de l’influence directe du produit de la taxe sur l’importance de l’aide — Décision de la Commission déclarant le nouveau système de financement compatible avec le marché intérieur — Contestation de la légalité de la décision — Rejet du recours en annulation par le Tribunal»

I – Introduction

1.

La présente affaire a pour origine la décision 2011/1/UE de la Commission ( 2 ), par laquelle celle-ci a déclaré compatible avec le marché intérieur le régime d’aide espagnol en faveur de la Corporación de Radio y Televisión Española SA (RTVE), l’organisme public de radiodiffusion et de télédiffusion espagnol financé, en partie, au moyen d’une taxe sur les opérateurs de télévision et de télécommunication.

2.

Par son pourvoi, DTS Distribuidora de Televisión Digital SA ( 3 ) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 juillet 2014, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission ( 4 ), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

3.

Telefónica de España SA et Telefónica Móviles España SA ( 5 ) ont déposé un pourvoi incident par lequel elles demandent également l’annulation de cet arrêt.

4.

La présente affaire offre l’occasion à la Cour de clarifier la portée des critères qui doivent permettre d’apprécier dans quelle mesure des mesures fiscales constituent le mode de financement d’une aide d’État, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette aide et doivent, dès lors, être notifiées à la Commission européenne. Cet examen nécessite de démontrer l’existence d’un « lien d’affectation contraignant » entre ces mesures et le régime d’aide en cause. C’est l’existence d’un tel lien d’affectation entre les taxes que supportent les opérateurs de télévision et de télécommunication, tels que DTS et Telefónica, et l’aide versée à la RTVE, qui est, en l’occurrence, débattue par les parties.

5.

En effet, constatant l’absence de ce lien d’affectation contraignant entre les mesures fiscales et l’aide en cause, la Commission a, dans la décision litigieuse, considéré que lesdites taxes ne faisaient pas partie intégrante de l’aide versée à la RTVE et, par conséquent, ne devaient pas être intégrées dans l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur. Ainsi, sur la base de ces considérations, la Commission a déclaré l’aide en cause compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

6.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les moyens d’annulation soulevés par DTS et Telefónica contre la décision litigieuse.

7.

Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de rejeter le pourvoi introduit par DTS.

8.

D’une part, nous expliquerons que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans le cadre de son appréciation de la légalité de la décision litigieuse, et en particulier dans la mise en œuvre des critères dégagés par la Cour afin d’établir l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre les mesures fiscales supportées par DTS et Telefónica et l’aide versée à la RTVE. D’autre part, nous expliquerons qu’il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, aux fins de son analyse, de certaines dispositions de la législation nationale ou encore d’avoir dénaturé la portée du droit national pertinent.

9.

Nous proposerons également à la Cour de rejeter le pourvoi incident déposé par Telefónica, fondé sur un moyen unique tiré de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dans la mesure où le Tribunal, à notre sens, a parfaitement examiné la recevabilité des moyens d’annulation que Telefónica ont soulevés en première instance.

II – Les antécédents du litige et la décision litigieuse

10.

Par deux décisions ( 6 ), la Commission a approuvé le système de financement de la RTVE établi par la Ley 17/2006 de la radio y la televisión de titularidad estatal (loi no 17/2006, relative à la radio et à la télévision publiques), du 5 juin 2006 ( 7 ). Ce système de financement était mixte, la RTVE bénéficiant, d’une part, de recettes provenant de ses activités commerciales, notamment de la vente d’espaces publicitaires, et, d’autre part, d’une compensation de l’État espagnol pour l’accomplissement de la mission de service public.

11.

Ledit système de financement a été modifié d’une façon substantielle par la Ley 8/2009 de financiación de la Corporación de Radio y Televisión Española SA (RTVE) [loi no 8/2009, relative au financement de la Corporación de Radio y Televisión Española SA (RTVE)], du 28 août 2009 ( 8 ), entrée en vigueur le 1er septembre 2009. En particulier, afin de compenser la perte des recettes commerciales, cette loi a introduit ou modifié, à son article 2, paragraphe 1, sous b) à d), et à ses articles 4 à 6, plusieurs mesures fiscales, dont une nouvelle taxe de 1,5 % sur les recettes des opérateurs de télévision payante établis en Espagne ( 9 ). La contribution de cette taxe au budget de la RTVE ne pouvait dépasser 20 % de l’aide totale destinée chaque année à la RTVE. Toute recette fiscale supérieure était versée au budget général de l’État espagnol.

12.

Par ailleurs, la compensation pour l’accomplissement des obligations de service public, prévue par la loi no 17/2006, a été maintenue. Ainsi, si les sources de financement susmentionnées ne suffisaient pas pour couvrir l’ensemble des coûts de la RTVE pour l’accomplissement des obligations de service public, l’État espagnol était obligé, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi no 8/2009 et de l’article 33 de la loi no 17/2006, de combler cet écart.

13.

Enfin, l’article 3, paragraphe 2, de la loi no 8/2009 prévoyait un plafond pour les recettes de la RTVE. Au cours des deux années 2010 et 2011, le total desdites recettes ne pouvait pas dépasser 1200 millions d’euros par an, ce qui correspondait également au plafond de ses dépenses pour chaque exercice. Pendant les trois années 2012 à 2014, l’augmentation maximale de ce montant était fixée à 1 % et, pour les années suivantes, la hausse était déterminée par l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation.

14.

Après avoir été saisie, le 22 juin 2009, d’une plainte relative au projet de loi ayant donné lieu à la loi no 8/2009, la Commission a, le 2 décembre 2009, notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant la modification du régime de financement de la RTVE ( 10 ).

15.

Le 18 mars 2010, la Commission a ouvert la procédure de manquement prévue à l’article 258 TFUE, considérant que la taxe imposée sur les communications électroniques était contraire à l’article 12 de la directive 2002/20/CE ( 11 ). Le 30 septembre 2010, dans un avis motivé, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne d’éliminer cette taxe en raison de son incompatibilité avec ladite directive.

16.

Le 20 juillet 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse, dans laquelle elle a déclaré que la modification du système de financement de la RTVE prévue par la loi no 8/2009 était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Dans ce cadre, la Commission a, notamment, considéré que les mesures fiscales introduites ou modifiées par cette loi ne faisaient pas partie intégrante des nouveaux éléments d’aide prévus par ladite loi et qu’une éventuelle incompatibilité de ces mesures fiscales avec la directive 2002/20 n’affectait donc pas l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur. Par ailleurs, elle a estimé que le régime financier modifié de la RTVE était conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, dès lors qu’il respectait le principe de proportionnalité.

III – L’arrêt attaqué

17.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2010, DTS a introduit devant celui-ci un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de ce recours, DTS a soulevé trois moyens, tirés d’une violation, respectivement, de la notion d’aide au sens de l’article 107 TFUE en ce qui concerne la dissociabilité des mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi no 8/2009, de l’article 106, paragraphe 2, ainsi que des articles 49 et 63 TFUE.

18.

Le Tribunal a, par l’arrêt attaqué, rejeté chacun des moyens sur le fond et, partant, l’intégralité du recours.

IV – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

19.

Par son pourvoi, DTS conclut à ce que la Cour :

annule l’arrêt attaqué ;

annule la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, renvoie l’affaire devant le Tribunal ;

condamne la Commission et les autres parties aux dépens supportés devant la Cour et le Tribunal.

20.

La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de DTS aux dépens. Telefónica ont soumis un mémoire en réponse au soutien de DTS. Le Royaume d’Espagne et la RTVE ont chacun soumis un mémoire en réponse au soutien de la Commission.

21.

Telefónica ont formé un pourvoi incident par...

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