Diageo Brands BV v Simiramida-04 EOOD.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:137
Date03 March 2015
Celex Number62013CC0681
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-681/13
62013CC0681

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 3 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑681/13

Diageo Brands BV

contre

Simiramida-04 EOOD

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) no 44/2001 — Reconnaissance et exécution des décisions — Motifs de refus — Violation de l’ordre public de l’État requis — Ordre public de l’Union — Décision émanant d’une juridiction d’un autre État membre, contraire au droit de l’Union en matière de marques — Respect des droits de propriété intellectuelle — Directive 2004/48/CE — Frais de justice»

I – Introduction

1.

Dans la présente affaire, le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) a adressé à titre préjudiciel plusieurs questions à la Cour concernant principalement l’interprétation de l’article 34, point 1, du règlement (CE) no 44/2001 ( 2 ), qui prévoit qu’une décision n’est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État requis. Plus précisément, il s’agit de savoir si le fait qu’une décision rendue dans l’État d’origine est contraire au droit de l’Union justifie que cette décision ne soit pas reconnue dans l’État requis, au motif qu’elle viole l’ordre public de cet État. Cette affaire offre à la Cour l’occasion de développer les critères à prendre en compte par le juge de l’État requis, lesquels ont été formulés, en dernier lieu, dans l’arrêt Apostolides ( 3 ), pour apprécier s’il existe une violation manifeste de son ordre public, lorsque cette violation découle de la violation des règles du droit de l’Union.

II – Le cadre juridique

A – Le règlement no 44/2001

2.

Les considérants 6, 16 et 17 du règlement no 44/2001 sont libellés comme suit:

«(6)

Pour atteindre l’objectif de la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale, il est nécessaire et approprié que les règles relatives à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions soient déterminées par un instrument juridique communautaire contraignant et directement applicable.

[...]

(16)

La confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure.

(17)

Cette même confiance réciproque justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre soit efficace et rapide. À cette fin, la déclaration relative à la force exécutoire d’une décision devrait être délivrée de manière quasi automatique, après un simple contrôle formel des documents fournis, sans qu’il soit possible pour la juridiction de soulever d’office un des motifs de non-exécution prévus par le présent règlement.»

3.

Les articles 33, paragraphe 1, 34, points 1 et 2, et 36 du règlement no 44/2001 figurent dans le chapitre III, intitulé «Reconnaissance et exécution», de celui-ci.

4.

L’article 33, paragraphe 1, de ce règlement se lit comme suit:

«Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.»

5.

L’article 34, points 1 et 2, dudit règlement dispose:

«Une décision n’est pas reconnue si:

1)

la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État requis;

2)

l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire».

6.

Aux termes de l’article 36 du même règlement:

«En aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond.»

B – La directive 2004/48/CE

7.

L’article 1er de la directive 2004/48/CE ( 4 ) prévoit que cette directive concerne «les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle», étant précisé que cette expression inclut «les droits de propriété industrielle».

8.

L’article 2, paragraphe 1, de cette directive indique que les mesures, procédures et réparations qu’elle prévoit s’appliquent «à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation communautaire et/ou la législation nationale de l’État membre concerné».

9.

En vertu de l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive, les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle que les États membres sont tenus de prendre doivent être «effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif».

10.

Dans cette perspective, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/48 impose aux États membres de veiller à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, sous certaines conditions, «ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, au regard de l’atteinte alléguée». La même disposition précise que ces mesures peuvent inclure «la saisie réelle des marchandises litigieuses». De même, l’article 9 de cette directive, intitulé «Mesures provisoires et conservatoires», impose aux États membres au paragraphe 1, sous b), de veiller à ce que les autorités judiciaires puissent, à la demande du requérant, «ordonner la saisie ou la remise des marchandises qui sont soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle». Les articles 7, paragraphe 4, et 9, paragraphe 7, de la même directive prévoient que, «dans les cas où il est constaté ultérieurement qu’il n’y a pas eu atteinte ou menace d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle», les autorités judiciaires sont habilitées «à ordonner au demandeur, à la demande du défendeur, d’accorder à ce dernier un dédommagement approprié en réparation de tout dommage causé par ces mesures».

11.

S’agissant des frais de justice, l’article 14 de la directive 2004/48 dispose:

«Les États membres veillent à ce que les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause soient, en règle générale, supportés par la partie qui succombe, à moins que l’équité ne le permette pas.»

III – Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

12.

Diageo Brands BV (ci-après «Diageo Brands»), dont le siège est situé à Amsterdam (Pays-Bas), est titulaire, entre autres, de la marque «Johnny Walker». Elle commercialise du whisky de cette marque en Bulgarie par l’intermédiaire d’un importateur local exclusif.

13.

Simiramida-04 EOOD (ci-après «Simiramida»), établie à Varna (Bulgarie), commercialise des boissons alcoolisées.

14.

Le 31 décembre 2007, un container de 12096 bouteilles de whisky de la marque «Johnny Walker», destiné à Simiramida, est arrivé au port de Varna (Bulgarie) en provenance de Géorgie. Considérant que l’importation en Bulgarie de ce lot de bouteilles sans son autorisation constituait une atteinte à la marque dont elle est titulaire, Diageo Brands a sollicité et obtenu, le 12 mars 2008, l’autorisation du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) de faire saisir le lot de whisky en cause.

15.

Le 9 mai 2008, sur appel de Simiramida, le Sofiyski apelativen sad (Cour d’appel de Sofia) a annulé l’ordonnance de saisie du 12 mars 2008.

16.

Par décisions des 30 décembre 2008 et 24 mars 2009, le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) a rejeté le pourvoi en cassation formé par Diageo Brands pour des motifs de forme.

17.

Le 9 avril 2009, la saisie du lot de whisky effectuée à la demande de Diageo Brands a été levée.

18.

Dans la procédure au fond intentée par Diageo Brands contre Simiramida pour atteinte à la marque, le Sofiyski gradski sad a, par décision du 11 janvier 2010, rejeté les demandes de Diageo Brands. Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, le Sofiyski gradski sad a, sans examiner les circonstances de l’affaire, jugé qu’il ressortait d’une décision interprétative, rendue par le Varhoven kasatsionen sad le 15 juin 2009, que l’importation en Bulgarie de produits qui sont mis en circulation en dehors de l’Espace économique européen (EEE) avec le consentement du titulaire de la marque ne constitue pas une atteinte aux droits conférés par la marque. Le Sofiyski gradski sad a considéré que, en vertu du droit judiciaire bulgare, il était lié par cette décision interprétative.

19.

Diageo Brands n’a exercé aucune voie de recours contre cette décision du Sofiyski gradski sad du 11 janvier 2010, qui a acquis force de chose jugée.

20.

Dans le litige au principal, Simiramida demande devant les juridictions néerlandaises le versement d’une somme s’élevant à plus de 10 millions d’euros à titre de réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison de la saisie effectuée à la demande de Diageo Brands. Simiramida fonde sa demande sur la décision rendue le 11 janvier 2010 par le Sofiyski gradski sad, en ce que celle-ci a constaté le caractère illégal de cette saisie. En défense, Diageo Brands fait valoir que cette décision ne peut pas être reconnue aux Pays-Bas au motif qu’elle est manifestement contraire à l’ordre public, au sens de l’article...

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