Opinion of Advocate General Hogan delivered on 13 December 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:1004
Date13 December 2018
Celex Number62017CC0299
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-299/17
62017CC0299

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 13 décembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑299/17

VG Media Gesellschaft zur Verwertung der Urheber- und Leistungsschutzrechte von Medienunternehmen mbH

contre

Google LLC, venant aux droits de Google Inc.

[demande de décision préjudicielle présentée par le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 98/34/CE – Procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Obligation des États membres de communiquer à la Commission européenne tout projet de règle technique – Inapplicabilité des règles ayant la qualité de règles techniques non notifiées à la Commission – Règle nationale qui interdit aux exploitants commerciaux de moteurs de recherche et aux prestataires commerciaux de services qui éditent des contenus de mettre des produits de la presse à la disposition du public, une règle qui ne vise pas spécifiquement les services définis au même point – Règle technique – Règle qui ne vise pas spécifiquement les services de la société de l’information »

1.

Lorsqu’un État membre introduit de nouvelles dispositions dans sa loi sur le droit d’auteur, en prévoyant que les exploitants commerciaux d’un moteur de recherche sur Internet ne peuvent pas, sans en avoir été dûment autorisés, mettre à disposition des extraits ( 2 ) de texte, d’images et de contenus vidéos proposés par des éditeurs de presse, cette règle doit-elle être notifiée à la Commission européenne, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information ( 3 ), telle que modifiée par la directive 2006/96/CE du Conseil, du 20 novembre 2006, portant adaptation de certaines directives dans le domaine de la libre circulation des marchandises, en raison de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie ( 4 ) (ci-après la « directive 98/34 » ?

2.

Il s’agit, en substance, de la question posée dans le cadre du présent renvoi préjudiciel. Il est constant que la loi allemande en cause n’a pas été notifiée à la Commission. Il est également manifeste que, si cette notification était requise par les dispositions de la directive 98/34, la juridiction nationale doit écarter l’application de la loi nationale en question, même dans une procédure impliquant des particuliers, dans l’attente de cette notification ( 5 ). La question essentielle porte sur le point de savoir si les dispositions de la directive 98/34 s’appliquent à ces nouvelles dispositions de la loi allemande sur le droit d’auteur.

3.

La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre de la procédure pendante devant le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne), opposant, d’une part, VG Media Gesellschaft zur Verwertung der Urheber- und Leistungsschutzrechte von Medienunternehmen mbH (ci-après « VG Media »), un organisme de gestion collective, autorisé en vertu du droit allemand à gérer les droits d’auteur et les droits voisins au nom, notamment, d’éditeurs de presse, à, d’autre part, Google LLC (ci-après « Google »), qui exploite le moteur de recherche Google search sous les domaines www.google.de et www.google.com et le service Google News, consultable séparément en Allemagne sous news.google.de ou news.google.com.

4.

VG Media a formé, au nom de ses membres, un recours en indemnisation à l’encontre de Google concernant l’usage fait par cette dernière depuis le 1er août 2013, pour ses propres services, d’extraits de texte, d’images et de vidéos provenant de contenus de la presse et des médias, produits par les membres de VG Media, sans verser à ce titre de rémunération.

5.

Le 1er août 2013, la République fédérale d’Allemagne a instauré un droit voisin du droit d’auteur pour les éditeurs de presse en vertu des articles 87f et 87h de la Gesetz über Urheberrecht und verwandte Schutzrechte (Urheberrechtsgesetz) (loi allemande relative au droit d’auteur et aux droits voisins, ci-après l’« UrhG »). Étant donné que le projet de loi en question n’a pas été notifié à la Commission, contrairement à ce que prévoit l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34 – et que, comme je l’ai déjà mentionné, la sanction de cette omission est l’inapplicabilité des dispositions législatives nationales en ce sens que, à défaut de notification, ces dispositions ne sont pas opposables aux particuliers –, le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin) a présenté à la Cour deux questions portant sur le point de savoir si les dispositions en cause de l’UrhG constituent, en vertu de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, une « règle relative aux services » et, par conséquent, une exigence de nature générale relative à l’accès aux services de la société de l’information ( 6 ) et à leur exercice et non des « règles qui ne visent pas spécifiquement » ces services ( 7 ).

6.

La juridiction de renvoi a également sollicité l’interprétation de l’expression « règle technique » visée à l’article 1er, point 11, de cette directive. Avant d’examiner ces questions, il convient tout d’abord d’exposer les dispositions de droit applicables.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

7.

L’article 1er, points 2, 5 et 11, de la directive 98/34 énonce :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

2) “service” : tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

[...]

5) “règle relative aux services” : une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services visées au point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis au même point.

[...]

Aux fins de la présente définition :

une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services,

une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente.

[...]

11) “règle technique” : une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...] »

8.

L’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/34 prévoit :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

B. Le droit allemand

9.

L’article 87f de l’UrhG intitulé « Éditeurs de presse » énonce :

« (1) Le producteur d’un produit de la presse (éditeur de presse) détient le droit exclusif de mettre à la disposition du public, en tout ou partie, le produit de la presse à des fins commerciales, sauf s’il s’agit de mots isolés ou de très courts extraits de texte. Si le produit de la presse a été produit dans le cadre d’une entreprise, le propriétaire de l’entreprise est réputé en être le producteur.

(2) Un produit de presse est la fixation rédactionnelle et technique de contributions journalistiques dans le cadre d’un recueil publié périodiquement sur tout support sous un titre, qui doit être considéré, dans le cadre d’une appréciation globale, comme étant, dans une large mesure, caractéristique de la maison d’édition et qui ne vise pas principalement un but d’autopromotion. Les contributions journalistiques sont, notamment, des articles et illustrations qui visent à transmettre des informations, à former des opinions ou à distraire. »

10.

L’article 87g de l’UrhG intitulé « Cessibilité, durée et limitations du droit » prévoit :

« (1) Le droit de l’éditeur de presse visé à l’article 87f, paragraphe 1, première phrase, est cessible. Les articles 31 et 33 s’appliquent par analogie.

(2) Le droit expire un an après la publication du produit de la presse.

(3) Le droit de l’éditeur de presse ne peut être invoqué au détriment de l’auteur ou du titulaire d’un droit voisin du droit d’auteur dont l’œuvre ou l’objet de la protection protégé en vertu de la présente loi sont contenus dans le produit de la presse.

(4) La mise à la disposition du public, en...

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