Frisdranken Industrie Winters BV v Red Bull GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:258
Date14 April 2011
Celex Number62010CC0119
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-119/10

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 14 avril 2011 (1)

Affaire C‑119/10

Frisdranken Industrie Winters BV

contre

Red Bull GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Directive 89/104/CEE – Droit de marque – Droit pour le titulaire d’une marque enregistrée de s’opposer à l’usage illicite de sa marque – Usage d’un signe – Notion – Remplissage de canettes pour le compte d’un tiers – Produits d’exportation – Risque de confusion – Public à prendre en considération»





I – Introduction

1. L’usage illicite, dans la vie des affaires, d’une marque ou d’un signe similaire d’un tiers enfreint les droits du titulaire de cette marque. En va-t-il toutefois de même d’une entreprise qui remplit pour le compte d’un tiers des canettes pourvues de tels signes? Et le fait que ces produits soient destinés à être directement exportés du territoire dans lequel la marque est protégée a-t-il une incidence? Telles sont les questions qui se posent en l’espèce.

II – Cadre juridique

2. Le texte de base est la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (2) (ci-après la «directive sur les marques»).

3. Les droits sur la marque sont inscrits à l’article 5 de la directive sur les marques:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

2. […]

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

4. […]»

4. Il convient en outre d’évoquer la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (3).

5. L’article premier de la directive 2004/48/CE décrit son objet comme suit:

«La présente directive concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. Aux fins de la présente directive, l’expression ‘droits de propriété intellectuelle’ inclut les droits de propriété industrielle.»

6. L’article 11, troisième phrase, de ladite directive régit les droits susceptibles d’être invoqués envers les intermédiaires:

«Les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE [(4)].»

III – Les faits et la demande de décision préjudicielle

7. La société Red Bull GmbH (ci-après «Red Bull») produit et commercialise une boisson dite énergisante sous la marque mondialement connue RED BULL. Red Bull a accompli pour cette marque des enregistrements internationaux désignant notamment les pays du Benelux.

8. La société Frisdranken Industrie Winters BV (ci-après «Winters») est une entreprise qui a principalement une activité dite «de remplissage» de canettes avec des boissons produites par elle-même ou par des tiers.

9. La société Smart Drinks Ltd (ci-après «Smart Drinks»), personne morale de droit des Îles Vierges britanniques et qui y a son siège, est un concurrent de Red Bull.

10. Winters a rempli des canettes d’une boisson rafraîchissante pour le compte de Smart Drinks. À cet effet, Smart Drinks a livré à Winters des canettes vides et leurs capsules revêtues de différents signes, ornements et textes. Les canettes livrées étaient notamment revêtues des signes BULLFIGHTER, PITTBULL, RED HORN, devenus par la suite LONG HORN et LIFE WIRE. Smart Drinks a aussi livré à Winters le sirop de base de la boisson rafraîchissante. Winters a ensuite rempli les canettes d’une quantité définie de sirop de base additionné d’eau et au besoin de gaz carbonique et fermé les canettes, le tout en suivant les indications et recettes de Smart Drinks. Puis, Winters a remis les canettes remplies à Smart Drinks qui les a exportées en dehors du territoire Benelux.

11. En ce qui concerne la présente affaire, Winters s’est bornée à ces activités de remplissage pour Smart Drinks. Ses activités ne comportaient pas la vente ni la livraison des produits à Smart Drinks ou à des tiers.

12. Le 2 août 2006, Red Bull a demandé en référé d’ordonner à Winters de cesser tout usage de signes ressemblant à un certain nombre de marques de Red Bull visées dans la citation. Red Bull a affirmé à cet effet que Winters empiète sur les droits de marques en question de Red Bull en remplissant des canettes revêtues des signes visés plus haut.

13. Les deux premiers juges des référés ont déterminé que Winters empiète sur les marques de Red Bull. La ressemblance entre les signes employés et les marques s’apprécie selon eux abstraitement en se référant à un consommateur moyen dans le territoire Benelux.

14. Le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), saisi à présent d’un pourvoi en cassation de Winters, pose les questions suivantes à la Cour:

«1) a) Le simple ‘remplissage’ de conditionnements pourvus d’un signe doit-il être qualifié d’’usage de ce signe dans la vie des affaires’ au sens de l’article 5 de la directive sur les marques même si ce remplissage intervient à titre de prestation de service pour un tiers et à sa demande pour distinguer les produits de ce donneur d’ordre?

b) La première question, sous a), appelle-t-elle une réponse différente s’il s’agit d’une atteinte visée à l’article 5, paragraphe 1, initio et sous a) ou sous b)?

2) Si la réponse à la première question, sous a), est affirmative, l’usage du signe peut-il être aussi interdit dans le Benelux au titre de l’article 5 de la directive sur les marques si les produits revêtus du signe étaient exclusivement destinés à l’exportation en dehors

a) du territoire Benelux ou

b) de l’Union européenne et qu’ils ne peuvent pas y être aperçus par le public, sauf dans l’entreprise ou le remplissage a eu lieu?

3) Si la deuxième question, sous a) ou b), appelle une réponse affirmative, selon quel critère l’existence d’une atteinte s’apprécie-t-elle? Est-ce la perception du consommateur (moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé) dans respectivement le Benelux et l’Union […] qui, dans les circonstances données, ne peut alors pas être déterminée autrement que de manière théorique ou abstraite, ou faut-il recourir à cet égard à un autre critère, par exemple la perception du consommateur dans le pays vers lequel les produits sont exportés?»

15. Winters et Red Bull ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites et orales. La République de Pologne a également pris part à l’audience du 10 mars 2011.

IV – Appréciation juridique

16. Le présent renvoi soulève trois questions centrales, à savoir, premièrement, si un prestataire de services enfreint un droit de marque en remplissant pour le compte d’un tiers des canettes pourvues d’un signe ressemblant à des marques [première question, sous a)], deuxièmement, s’il y a également atteinte à la marque si ces produits sont destinés à être exportés en dehors du territoire dans lequel la marque est protégée (deuxième question) et, troisièmement, quels sont les critères à appliquer dans l’appréciation du risque de confusion à l’endroit de produits d’exportation (troisième question).

A – Sur la première question, sous a)

17. Par la première question, sous a), le juge de renvoi souhaite savoir si le simple remplissage de canettes pourvues d’un signe doit être qualifié d’«usage de ce signe dans la vie des affaires» au sens de l’article 5 de la directive sur les marques même si ce...

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