Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 19 October 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:788
Date19 October 2017
Celex Number62016CC0270
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-270/16
62016CC0270

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 19 octobre 2017 ( 1 )

Affaire C‑270/16

Carlos Enrique Ruiz Conejero

contre

Ferroser Servicios Auxiliares SA

et

Ministerio Fiscal

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social no 1 de Cuenca (tribunal du travail no 1 de Cuenca, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap – Règle nationale autorisant, sous certaines conditions, le licenciement d’un travailleur pour absences répétées, même justifiées – Absences dûment justifiées liées au handicap du travailleur »

1.

La présente demande de décision préjudicielle invite la Cour à examiner l’application de l’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap, établie dans la directive 2000/78/CE ( 2 ), à une règle nationale qui permet à un employeur de résilier un contrat de travail à la suite d’une ou plusieurs périodes d’absence du travail sans faire référence au handicap éventuel du travailleur.

Le cadre juridique

La directive 2000/78

2.

Les considérants de la directive 2000/78 énoncent notamment :

« (16)

La mise en place de mesures destinées à tenir compte des besoins des personnes handicapées au travail remplit un rôle majeur dans la lutte contre la discrimination fondée sur un handicap.

(17)

La présente directive n’exige pas qu’une personne qui n’est pas compétente, ni capable ni disponible pour remplir les fonctions essentielles du poste concerné ou pour suivre une formation donnée soit recrutée, promue ou reste employée ou qu’une formation lui soit dispensée, sans préjudice de l’obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées.

[…]

(20)

Il convient de prévoir des mesures appropriées, c’est-à-dire des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap, par exemple en procédant à un aménagement des locaux ou à une adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l’offre de moyens de formation ou d’encadrement.

(21)

Afin de déterminer si les mesures en question donnent lieu à une charge disproportionnée, il convient de tenir compte notamment des coûts financiers et autres qu’elles impliquent, de la taille et des ressources financières de l’organisation ou de l’entreprise et de la possibilité d’obtenir des fonds publics ou toute autre aide.

[…] »

3.

L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

4.

L’article 2 de la directive 2000/78 est intitulé « Concept de discrimination ». Il prévoit :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a)

une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)

une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)

cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii)

dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

[…] »

5.

Aux termes de l’article 3 de la directive 2000/78, intitulé « Champ d’application » :

« 1. Dans les limites des compétences conférées à [l’Union européenne], la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

a)

les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;

[…]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;

[…] »

6.

L’article 5 de la directive 2000/78 est intitulé « Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées ». Il prévoit :

« Afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l’employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée. Cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’État membre concerné en faveur des personnes handicapées. »

Le droit national

7.

L’article 52, sous d), du Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores ( 3 ) (décret royal législatif 1/1995, portant approbation du texte de refonte de la loi sur le statut des travailleurs), du 24 mars 1995 (ci-après l’« article 52, sous d), du statut des travailleurs »), dispose :

« Résiliation du contrat pour raisons objectives.

Le contrat pourra être résilié :

[…]

d)

Pour absences répétées au travail, quand bien même justifiées, qui représentent 20 % des jours ouvrables au cours de deux mois consécutifs lorsque le total des absences au cours des douze mois antérieurs atteint 5 % des jours ouvrables ou 25 % au cours de quatre mois non consécutifs sur une période de douze mois.

Ne seront pas considérées comme des absences aux fins de l’alinéa antérieur les absences pour motif de grève légale pour toute la durée de celle-ci, les absences pour exercice d’activités de représentation légale des travailleurs, les absences pour accident de travail, les congés pour risques encourus pendant la maternité, la grossesse et l’allaitement, les congés de maladie pour cause de grossesse, d’accouchement ou d’allaitement, les congés de paternité, les congés et les vacances, les congés de maladie ou d’accident ne résultant pas du travail lorsque le congé aura été accordé par les services de santé officiels et aura une durée excédant vingt jours consécutifs, les absences motivées par la situation physique ou psychologique résultant de violences au sein du couple, situation attestée par les services sociaux de vigilance ou par les services de santé, selon le cas.

Ne seront pas davantage considérées comme des absences celles qui sont la conséquence du traitement médical d’un cancer ou d’une maladie grave. »

8.

L’article 4, paragraphe 2, sous c), du statut des travailleurs établit :

« 2. Les travailleurs ont le droit, dans le cadre du travail :

[…]

c)

de ne pas être soumis à une discrimination, directe ou indirecte, en matière de recrutement ou, une fois recrutés, de ne pas être soumis à des discriminations, directes ou indirectes, fondées sur le sexe, l’état civil, l’âge dans les limites fixées par la présente loi, l’origine raciale ou ethnique, la condition sociale, la religion ou les convictions, les idées politiques, l’orientation sexuelle, l’affiliation ou la non-affiliation à un syndicat ou pour des raisons linguistiques à l’intérieur du territoire espagnol.

Ils ne pourront pas non plus être soumis à des discriminations fondées sur le handicap dès lors qu’ils remplissent les conditions d’aptitude à l’exercice du travail ou de l’emploi dont il s’agit. »

9.

L’article 2, sous d), du Real Decreto Legislativo 1/2013, por el que se aprueba el Texto Refundido de la Ley General de derechos de las personas con discapacidad y de su inclusión social (décret royal législatif 1/2013, portant approbation du texte de refonte de la loi générale sur les droits des personnes atteintes de handicap et leur inclusion sociale), du 29 novembre 2013 (BOE no 289, du 3 décembre 2013, p. 95635, ci-après la « loi générale sur le handicap »), prévoit :

« Définitions

Aux fins de la présente loi :

[…]

d)

discrimination indirecte : elle existe lorsqu’une disposition législative ou réglementaire, une clause conventionnelle ou contractuelle, un accord individuel, une décision unilatérale, un critère ou une pratique, ou bien un environnement, un produit ou un service, apparemment neutre, peut occasionner un désavantage particulier pour une personne par rapport à une autre, au motif de ou en...

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