Unión de Televisiones Comerciales Asociadas (UTECA) v Administración General del Estado.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:468
Date04 September 2008
Celex Number62007CC0222
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-222/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 4 septembre 2008 (1)

Affaire C‑222/07

Unión de Televisiones Comerciales Asociadas (UTECA)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo espagnol]

«Directive 89/552/CEE ‘télévision sans frontières’ – Œuvres européennes – Obligation pour les opérateurs de télévision d’assurer le financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens – Quota linguistique – Harmonisation minimale – Libertés fondamentales du traité CE – Concurrence – Aides d’État – Notion d’aide d’État (article 87, paragraphe 1, CE





I – Introduction

1. Une loi nationale peut-elle imposer à des opérateurs de télévision de consacrer un pourcentage déterminé de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, dont la version originale doit de surcroît être dans l’une des langues officielles de l’État membre en cause? C’est la question centrale de la demande de décision préjudicielle dont le Tribunal Supremo (Espagne) (2) espagnol a saisi la Cour de justice en l’espèce.

2. Dans la procédure au principal, l’Unión de Televisiones Comerciales Asociadas (UTECA), une association de télévisions commerciales établies en Espagne, conteste l’obligation imposée par le droit espagnol aux opérateurs de télévision de consacrer 5 % de leurs recettes annuelles au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, 60 % de ce financement étant réservés à des œuvres dont la langue originale est l’une des langues officielles en Espagne (3).

3. La Cour de justice est invitée à dire si une telle réglementation nationale est compatible avec les dispositions de la directive «télévision sans frontières», avec les libertés fondamentales du traité CE et avec le droit européen sur les aides.

4. Il va sans dire que, outre son impact économique, on ne saurait sous-estimer l’importance de la réponse à cette question pour la politique culturelle d’un bon nombre d’États membres et de la Communauté dans son ensemble. L’intérêt suscité par cette affaire est illustré d’emblée par la participation active de toute une série de gouvernements nationaux à la procédure devant la Cour.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

5. Outre diverses dispositions du traité, le cadre juridique de la présente affaire est constitué par la directive 89/552/CEE (4) – également dénommée directive «télévision sans frontières» – dans sa version modifiée par la directive 97/36/CE (5)(6).

6. Les dispositions générales du chapitre II de la directive 89/552 incluent l’article 3, paragraphe 1, qui dispose:

«Les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la présente directive.»

7. Le chapitre III de la directive 89/552, qui est intitulé «Promotion de la distribution et de la production de programmes télévisés», comprend notamment les articles 4, 5 et 6.

8. L’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/552 dispose:

«Les États membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des œuvres européennes, au sens de l’article 6, une proportion majoritaire de leur temps de diffusion […] Cette proportion, compte tenu des responsabilités de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle à l’égard de son public en matière d’information, d’éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés.»

9. L’article 5 de la directive 89/552 dispose:

«Les États membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent au moins 10 % de leurs temps d’antenne […] ou alternativement, au choix de l’État membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants d’organismes de radiodiffusion télévisuelle. Cette proportion, compte tenu des responsabilités des organismes de radiodiffusion télévisuelle à l’égard de leur public en matière d’information, d’éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés; elle doit être atteinte en réservant une proportion adéquate à des œuvres récentes, c’est-à-dire des œuvres diffusées dans un laps de temps de cinq ans après leur production.»

10. L’article 6 de la directive 89/552 contient la définition suivante:

«1. Aux fins du présent chapitre, on entend par ‘œuvres européennes’ les œuvres suivantes:

a) les œuvres originaires d’États membres;

[…]

2. Les œuvres visées au paragraphe 1 points a) et b) sont des œuvres qui sont réalisées essentiellement avec le concours d’auteurs et de travailleurs résidant dans un ou plusieurs États visés au même paragraphe points a) et b) et qui répondent à l’une des trois conditions suivantes:

a) elles sont réalisées par un ou des producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États;

b) la production de ces œuvres est supervisée et effectivement contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États;

c) la contribution des coproducteurs de ces États est majoritaire dans le coût total de la coproduction, et celle-ci n’est pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces États […]»

11. Par ailleurs, les treizième, dix-neuvième, vingt-deuxième, vingt-troisième et vingt-sixième considérants de la directive 89/552 énoncent ce qui suit:

«(13) considérant que la présente directive prévoit les dispositions minimales nécessaires pour assurer la libre diffusion des émissions; que, de ce fait, elle n’affecte pas les compétences que possèdent les États membres et leurs autorités en ce qui concerne l’organisation – y compris les systèmes de concession, d’autorisation administrative ou de taxation – et le financement des émissions, ainsi que le contenu des programmes; que l’indépendance de l’évolution culturelle d’un État membre à l’autre et la diversité culturelle de la Communauté restent ainsi préservées;(

(19) considérant que des exigences minimales applicables à tous les programmes télévisés, publics ou privés de la Communauté en ce qui concerne les productions audiovisuelles européennes sont un moyen permettant de promouvoir la production, la production indépendante et la distribution dans les industries susmentionnées et complètent d’autres instruments qui ont été ou seront proposés dans le même sens;

[…]

(22) considérant qu’il importe de rechercher les instruments et procédures appropriés et conformes au droit communautaire qui favorisent la réalisation de ces objectifs en vue de l’adoption des mesures qui s’imposent pour encourager l’activité et le développement de la production et de la distribution audiovisuelles européennes, notamment dans les pays à faible capacité de production ou à aire linguistique restreinte;

(23) considérant que des dispositifs nationaux de soutien au développement de la production européenne pourront être appliqués dans la mesure où ils sont conformes au droit communautaire;

[…]

(26) considérant que, dans le souci de promouvoir activement telle ou telle langue, les États membres doivent conserver la faculté de fixer des règles plus strictes ou plus détaillées en fonction de critères linguistiques, pour autant que ces règles respectent le droit communautaire et, notamment, ne soient pas applicables à la retransmission de programmes originaires d’autres États membres».

12. À titre complémentaire, il y a également lieu de se référer aux considérants 44 et 45 de la directive 97/36, qui énoncent ce qui suit:

«(44) considérant que l’approche adoptée dans la directive 89/552/CEE et la présente directive vise à réaliser l’harmonisation fondamentale nécessaire et suffisante pour assurer la libre circulation des émissions de télévision à l’intérieur de la Communauté; que les États membres ont la faculté d’appliquer aux organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines coordonnés par la présente directive, y compris, notamment, des règles visant à réaliser des objectifs en matière linguistique et garantir la protection de l’intérêt public pour ce qui concerne le rôle de la télévision comme support d’information, d’éducation, de culture et de divertissement ainsi que des règles répondant à la nécessité de préserver le pluralisme dans l’industrie de l’information et les médias et d’assurer la protection de la concurrence en vue d’éviter les abus de position dominante et/ou l’établissement ou le renforcement de positions dominantes par le biais de concentrations, ententes, acquisitions ou initiatives similaires; que ces règles doivent être compatibles avec le droit communautaire;

(45) considérant que l’objectif d’une aide à la production audiovisuelle européenne peut être atteint dans les États membres dans le cadre de l’organisation de leurs services de radiodiffusion, entre autres en attribuant une mission d’intérêt général à certains organismes de radiodiffusion, notamment l’obligation d’investir largement dans des productions européennes».

B – Le droit international

13. La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (7) a été adoptée le 20 octobre 2005 à Paris, dans le cadre de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Outre la Communauté européenne, les parties à cette convention incluent la plupart de ses États membre (8). La convention Unesco est entrée en vigueur le 18 mars 2007.

14. Le préambule de la convention Unesco confirme notamment que la diversité culturelle «est une caractéristique inhérente à l’humanité» (9), «qu’elle constitue «un...

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