Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 2 May 2019.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2019:358 |
Docket Number | C-28/18 |
Celex Number | 62018CC0028 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 02 May 2019 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 2 mai 2019 ( 1 )
Affaire C‑28/18
Verein für Konsumenteninformation
contre
Deutsche Bahn AG
[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]
« Demande de décision préjudicielle – Règlement (UE) no 260/2012 – Article 9, paragraphe 2 – Exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros – Accessibilité des paiements – Paiement par prélèvement SEPA – Conditions générales exigeant du payeur qu’il ait un domicile dans le même État membre que celui du bénéficiaire »
Introduction
1. |
C’est une vérité universellement reconnue que les libertés fondamentales constitutives du marché intérieur souffrent peu les exigences en matière de résidence. En fait de libertés fondamentales, le législateur de l’Union ( 2 ) et la Cour ont pour ainsi dire toujours placé la suppression des obstacles fondés sur des critères de résidence au cœur de leur activité. À cet égard, selon une jurisprudence désormais constante de la Cour, une disposition nationale qui prévoit une distinction fondée sur le critère de la résidence risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres. En effet, les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux ( 3 ). Étant donné que les libertés fondamentales s’adressent en premier lieu aux États membres, les affaires dont la Cour a été saisie concernent principalement des mesures étatiques imposant une condition de résidence (nationale). |
2. |
L’on en sait bien moins à propos de situations dans lesquelles une personne privée exige d’une autre personne privée que son domicile se situe dans un lieu déterminé. Le droit de l’Union est peu clair en la matière. Est-il légal qu’il soit pratiquement impossible pour un client, qui ne réside pas dans le même État membre que celui dans lequel une banque est établie, d’obtenir un prêt auprès de celle-ci ? Un assureur est-il en droit de refuser une protection à un éventuel client situé dans un autre État membre ? Il est difficile, à tout le moins pour un profane, de concevoir que de telles situations soient conciliables avec l’objectif d’un marché intérieur. Si, pour certains, de telles pratiques sont incompatibles avec le principe d’un marché intérieur « dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités» ( 4 ), d’autres pourraient invoquer une prétendue différence fondamentale entre les activités d’entités publiques et celles d’entités privées, ainsi que le fait que, du point de vue des principes, à tout le moins initialement, l’action publique devait être régie par les libertés fondamentales et l’activité privée par les dispositions en matière de droit de la concurrence. Pour le surplus, l’on s’en remettait à la sagesse du « marché » lui-même. |
3. |
Les présentes conclusions n’ont pas vocation à trancher cette question fondamentale ( 5 ). Force est simplement de constater que, dans un certain nombre de cas, le « marché » n’a pas été à même de régir des situations « horizontales » entre deux entités privées, si bien que le législateur s’est employé à prendre des mesures et à restreindre l’autonomie des parties ( 6 ). Le règlement relatif aux prix d’itinérance dans l’Union européenne ( 7 ) est une illustration parfaite de l’action du législateur en ce sens. En effet, dans ce dernier cas, le législateur de l’Union est intervenu dans les rapports entre personnes privées – qui entretiennent elles-mêmes une relation asymétrique, à savoir les compagnies téléphoniques, d’une part, et les consommateurs, d’autres part ‑ et a mis en œuvre des instruments classiques du marché intérieur, tels que le principe de non-discrimination dans les relations horizontales ( 8 ). |
4. |
Le cas d’espèce constitue un autre exemple d’intervention législative de l’Union : celui des paiements transfrontaliers à l’intérieur de l’Union. À cet effet, à la veille de l’entrée en vigueur du cours légal de l’euro ( 9 ), le Conseil a, le 29 décembre 2001, adopté le règlement (CE) no 2560/2001 ( 10 ), abrogé par le règlement (CE) no 924/2009 ( 11 ). Le législateur de l’Union a ensuite adopté le règlement (UE) no 260/2012 ( 12 ) établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros. C’est de l’interprétation de ce dernier règlement dont il est question dans la présente affaire. |
5. |
L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) s’interroge sur la question de savoir si l’entreprise allemande de transport ferroviaire Deutsche Bahn AG peut exiger des clients souhaitant régler par prélèvement qu’ils aient leur domicile en Allemagne. |
6. |
Dans les présentes conclusions, je ferai valoir qu’il convient de répondre à cette question par la négative. Mon principal argument peut être résumé comme suit : une société n’est pas obligée de proposer à ses clients un paiement par prélèvement. Toutefois, si une telle possibilité est prévue, elle doit être proposée de manière à éviter les discriminations. |
Le cadre juridique
7. |
L’article 1er du règlement no 260/2012, intitulé « Objet et champ d’application » dispose : « 1. Le présent règlement établit les règles pour les virements et les prélèvements libellés en euros dans l’Union lorsque tant le prestataire de services de paiement du payeur que celui du bénéficiaire, ou l’unique prestataire de services de paiement intervenant dans l’opération de paiement, sont situés dans l’Union. 2. Le présent règlement ne s’applique pas :
3. Lorsque des schémas de paiement sont fondés sur des opérations de paiement par virement ou prélèvement mais présentent des caractéristiques ou des services additionnels optionnels, le présent règlement ne s’applique qu’aux virements ou prélèvements sous-jacents. » |
8. |
L’article 2 du règlement no 260/2012, intitulé « Définitions », dispose : « Aux fins du présent règlement, on entend par :
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[...]
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