Opinion of Advocate General Bobek delivered on 7 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:370
Date07 May 2019
Celex Number62018CC0347
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-347/18
62018CC0347

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 7 mai 2019 ( 1 )

Affaire C‑347/18

Alessandro Salvoni

contre

Anna Maria Fiermonte

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 53 – Certificat attestant que la décision rendue par la juridiction d’origine est exécutoire – Procédure – Pouvoirs de la juridiction d’origine – Protection des consommateurs – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

I. Introduction

1.

Dans le cadre du système établi par le règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 2 ), les décisions rendues par les juridictions d’un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. Si la décision est exécutoire dans l’État membre d’origine, elle le sera dans les autres États membres sans besoin de procédure d’exequatur.

2.

Afin d’exécuter dans un État membre une décision rendue dans un autre État membre, le demandeur doit néanmoins communiquer à l’autorité compétente chargée de l’exécution une copie de la décision et un certificat – délivré conformément à l’article 53 du règlement no 1215/2012 – attestant que la décision est exécutoire et contenant un extrait de la décision (ci-après le « certificat visé à l’article 53 »).

3.

Quelle est la nature exacte de cette procédure et quels sont les pouvoirs de la juridiction d’origine à cet égard ? Telles sont en substance les questions soulevées par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) dans la présente demande de décision préjudicielle. Ce dernier cherche en particulier à savoir si la juridiction d’origine chargée de délivrer le certificat visé à l’article 53 peut, d’office, vérifier si la décision dont l’exécution est demandée a été rendue en violation des règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs afin de pouvoir, le cas échéant, informer le consommateur de la violation éventuellement constatée et lui permettre d’envisager la possibilité de s’opposer à l’exécution de la décision dans l’État membre requis.

II. Droit de l’Union

4.

Le considérant 26 du règlement no 1215/2012 est libellé comme suit :

« La confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union justifie le principe selon lequel les décisions rendues dans un État membre devraient être reconnues dans tous les États membres sans qu’une procédure spéciale ne soit nécessaire. En outre, la volonté de réduire la durée et les coûts des litiges transfrontières justifie la suppression de la déclaration constatant la force exécutoire préalable à l’exécution dans l’État membre requis. En conséquence, toute décision rendue par les juridictions d’un État membre devrait être traitée comme si elle avait été rendue dans l’État membre requis. »

5.

L’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 dispose :

« En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5) :

[...]

c)

lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »

6.

En vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, « [l]’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur ».

7.

L’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 prévoit :

« Aux fins de l’exécution dans un État membre d’une décision rendue dans un autre État membre, le demandeur communique à l’autorité compétente chargée de l’exécution :

a)

une copie de la décision réunissant les conditions nécessaires pour en établir l’authenticité ; et

b)

le certificat, délivré conformément à l’article 53, attestant que la décision est exécutoire, et contenant un extrait de la décision ainsi que, s’il y a lieu, les informations utiles concernant les frais remboursables de la procédure et le calcul des intérêts. »

8.

L’article 45, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 est libellé comme suit :

« À la demande de toute partie intéressée, la reconnaissance d’une décision est refusée :

[...]

e)

si la décision méconnaît :

i)

les sections 3, 4 ou 5 du chapitre II lorsque le preneur d’assurance, l’assuré, un bénéficiaire du contrat d’assurance, la victime, le consommateur ou le travailleur était le défendeur [...] »

9.

En vertu de l’article 46 du règlement no 1215/2012, « [à] la demande de la personne contre laquelle l’exécution est demandée, l’exécution d’une décision est refusée lorsque l’existence de l’un des motifs visés à l’article 45 est constatée ».

10.

Aux termes de l’article 53 du règlement no 1215/2012, « [à] la demande de toute partie intéressée, la juridiction d’origine délivre le certificat qu’elle établit en utilisant le formulaire figurant à l’annexe I ».

III. Les faits, la procédure et la question préjudicielle

11.

Par une requête déposée le 3 novembre 2015, M. Alessandro Salvoni, un avocat établi à Milan, a demandé au Tribunale di Milano (tribunal de Milan) de délivrer une injonction de payer à l’encontre de Mme Anna Maria Fiermonte (résidant à Hambourg) pour les sommes dues pour les services qu’il a fournis dans le cadre d’une procédure relative à un testament.

12.

Le 26 octobre 2015, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) a délivré une injonction de payer d’un montant de 53297,68 euros, augmenté des intérêts et des frais (ci-après l’« injonction de payer litigieuse »).

13.

Mme Fiermonte ne s’opposant pas à l’injonction de payer litigieuse, celle-ci est devenue définitive. M. Salvoni a ensuite demandé au Tribunale di Milano (tribunal de Milan) de délivrer le certificat visé à l’article 53 relatif à cette injonction.

14.

Toutefois, à la suite d’une recherche sur Internet qu’elle a effectuée de sa propre initiative et d’un examen des observations de M. Salvoni, la juridiction de renvoi est parvenue aux conclusions suivantes : i) la relation entre Mme Fiermonte et M. Salvoni est assimilable à un contrat entre un consommateur et un professionnel, et ii) M. Salvoni dirigeait ses activités vers l’État membre de résidence du consommateur conformément à l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1215/2012. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a estimé que, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, M. Salvoni aurait dû porter l’action contre sa cliente devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel celle-ci était domiciliée (à savoir l’Allemagne).

15.

Le Tribunale di Milano (tribunal de Milan), agissant désormais dans le cadre de la procédure relative au certificat visé à l’article 53, a ainsi constaté que, lors de la délivrance de l’injonction de payer litigieuse, il avait précédemment omis de vérifier sa compétence en vertu du règlement no 1215/2012, comme l’exige l’article 28, paragraphe 1.

16.

Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi estime que la délivrance automatique du certificat visé à l’article 53 pourrait être contraire au droit de l’Union, car elle pourrait priver la personne contre laquelle l’exécution de l’injonction de payer en question est demandée d’un recours effectif. La juridiction de renvoi reconnaît que, conformément aux articles 42 et 53 du règlement no 1215/2012, elle n’a pas le pouvoir de refuser de délivrer le certificat étant donné que l’injonction de payer litigieuse est devenue définitive. Elle se demande néanmoins si l’article 53 du règlement no 1215/2012, interprété à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), pourrait tout de même lui conférer le pouvoir de prendre d’autres mesures afin de protéger le consommateur.

17.

À cet égard, la juridiction de renvoi se réfère à la jurisprudence de la Cour qui considère que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel et que, par conséquent, une intervention positive de la part des juridictions nationales, le cas échéant d’office, peut, dans certaines circonstances, s’avérer nécessaire pour corriger cette situation d’inégalité ( 3 ). Partant, dans une situation comme celle de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi estime qu’un équilibre doit être trouvé entre la nécessité d’assurer l’exécution rapide et efficace des décisions au sein de l’Union européenne et la nécessité de protéger efficacement les consommateurs.

18.

Selon la juridiction de renvoi, un juste équilibre serait atteint en interprétant l’article 53 du règlement no 1215/2012 comme permettant à la juridiction d’origine d’exercer des pouvoirs d’office afin de vérifier si les règles de compétence énoncées au chapitre II, section 4, du règlement (à savoir les articles 17...

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