„Vakarų Baltijos laivų statykla“ UAB v Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:159
Docket NumberC-151/16
Celex Number62016CC0151
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 March 2017
62016CC0151

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 2 mars 2017 ( 1 )

Affaire C‑151/16

« Vakarų Baltijos laivų statykla » UAB

contre

Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos

[demande de décision préjudicielle formée par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie)]

« Demande de décision préjudicielle – Droit de la fiscalité à la consommation – Exonération fiscale de la livraison de produits énergétiques – Utilisation comme carburant pour la navigation – Exigences des États membres visant à assurer l’application correcte et claire des exonérations – Absence de preuves – Proportionnalité – Transposition des principes du droit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) »

I. Introduction

1.

La Cour est invitée à se prononcer sur une exonération particulière des droits d’accise prévue par le droit de l’Union en faveur du carburant utilisé par les bateaux de la navigation marchande circulant dans des eaux de l’Union européenne. Il advient toutefois que c’est non pas une entreprise de navigation qui s’est prévalue de cette exonération, mais un chantier naval. Celui‑ci a vendu à une compagnie maritime un navire dont les réservoirs contenaient une certaine quantité de carburant sans posséder les licences requises en droit national pour pouvoir livrer du carburant en exonération des droits d’accise.

2.

Cette situation pose deux questions fondamentales. D’une part, il s’agit de préciser le champ d’application personnel de l’exonération fiscale. Pour le faire, il faudra déterminer si le fabricant ou le fournisseur d’un navire peut lui aussi bénéficier de l’exonération que l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51), telle que modifiée par la directive 2004/75/CE du Conseil du 29 avril 2004 (JO 2004, L 195, p. 1) (ci‑après la « directive 2003/96 »), prévoit en faveur de la navigation. D’autre part, la signification des règles de preuve à appliquer dans le cadre de la mise en œuvre d’une disposition portant exonération en matière d’accise devra être concrétisée. Deux arrêts rendus par la neuvième chambre de la Cour ( 2 ) montrent que la Cour a tendance à transposer aux droits d’accise la jurisprudence qu’elle a dégagée en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12) dispose ce qui suit :

« Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle‑ci s’effectue. »

4.

L’article 41 de la directive 2008/118 énonce la règle suivante :

« Jusqu’à l’adoption par le Conseil de dispositions communautaires relatives à l’avitaillement des bateaux et aéronefs, les États membres peuvent maintenir leurs dispositions nationales concernant les exonérations pour ce type de commerce. »

5.

L’article 6 de la directive 2003/96 offre la possibilité suivante aux États membres :

« Les États membres ont la faculté d’accorder les exonérations ou les réductions du niveau de taxation prévues dans la présente directive :

a)

directement ;

b)

sous la forme d’un taux de taxe différencié

ou

c)

sous la forme d’un remboursement total ou partiel du montant de la taxe. »

6.

L’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/96 dispose ce qui suit :

« 1. Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1)] concernant les utilisations exonérées de produits imposables, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus :

[…]

c)

les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation comme carburant ou combustible pour la navigation dans des eaux communautaires (y compris la pêche), autre qu’à bord de bateaux de plaisance privés, et l’électricité produite à bord des bateaux.

Aux fins de la présente directive, on entend par “bateau de plaisance privé” tout bateau utilisé par son propriétaire ou par la personne physique ou morale qui peut l’utiliser à la suite d’une location ou à un autre titre, à des fins autres que commerciales et, en particulier, autres que le transport de passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux ou pour les besoins des autorités publiques. »

B. Le droit lituanien

7.

Les marchandises soumises aux droits d’accise, l’application des droits d’accise à ces marchandises ainsi que les aspects particuliers du contrôle et du transport de pareilles marchandises sont précisés dans l’Akcizų įstatymas (loi sur le régime d’accise), dans la version de la loi no XI 722 du 1er avril 2010 actuellement en vigueur. Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, point 5, de la loi sur le régime d’accise, « les produits soumis à des droits d’accise […] sont exonérés de ceux‑ci lorsqu’ils sont livrés […] pour l’avitaillement de navires transportant des passagers ou du fret […] sur des lignes internationales ». L’article 43, paragraphe 2, point 2, de cette loi prévoit en outre que l’exonération s’applique également au « carburant livré pour la navigation sur des eaux de l’Union européenne (y compris à des fins de pêche), à l’exception de la navigation de plaisance privée ».

III. Le litige au principal

8.

La requérante est une entreprise établie en Lituanie qui a pour activité, notamment, de fabriquer des navires de différents types. Le 7 octobre 2009, elle a conclu un contrat portant sur la construction d’un cargo (ci‑après le « navire ») pour une cliente.

9.

Pendant la construction du navire, la requérante a acheté 80600 litres de carburant auprès de son fournisseur. Celui‑ci a livré le carburant directement dans les réservoirs du navire. Il a facturé les droits d’accise sur le carburant et la requérante les a acquittés lorsqu’elle a payé les factures de TVA qui lui avaient été adressées. La requérante a consommé une partie de ce carburant lorsqu’elle a réalisé les tests du navire.

10.

Le 6 juin 2013, la requérante a transféré la propriété du navire à sa cliente ainsi que l’ensemble des droits et intérêts y afférents. Le navire a été livré à la cliente avec tous les équipements et réserves présents à bord, y compris les 73030 litres de carburant qui restaient dans les cuves au terme des essais effectués avant la livraison. Le contrat de vente prévoyait que la cliente était tenue d’acquérir ce carburant au prix coûtant, qui est ainsi devenu un élément du prix total d’achat du navire.

11.

Après la livraison du navire à la cliente, celle‑ci l’a fait naviguer de son propre chef sans cargaison (commerciale) depuis le chantier naval jusqu’au port de Stralsund (en Allemagne). C’est là que le navire a reçu sa première cargaison, qui devait être transportée, à titre onéreux, à Santander (en Espagne).

12.

Peu de temps après la vente du navire (le 22 juillet 2013), la requérante a introduit une demande de remboursement des droits d’accise afférents au carburant vendu à la cliente en même temps que le navire. Par la décision du 21 août 2013, contre laquelle le recours est dirigé, l’autorité fiscale (la défenderesse) a rejeté la demande de remboursement. Elle a fait valoir, en substance, que la requérante n’avait pas correctement rempli les documents comptables et qu’en outre, elle ne possédait pas de licence, délivrée conformément à la procédure nationale applicable, qui l’aurait autorisée à avitailler des navires.

13.

Saisie d’un recours dirigé contre cette décision, la Mokestinių ginčų komisija (commission des litiges fiscaux) l’a annulée au moyen de sa décision no S 185 (7 195/2013) du 28 novembre 2013. À l’appui de cette annulation, elle a notamment fait valoir que les conditions de remboursement qui n’avaient pas été remplies étaient purement formelles et n’étaient pas de nature à priver la requérante de son droit au remboursement des droits d’accise.

14.

La défenderesse a alors saisi le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), qui a fait droit à son recours par jugement du 9 décembre 2014 au motif que la requérante ne possédait pas de licence d’avitaillement qui lui aurait permis d’effectuer la livraison litigieuse. C’est contre ce jugement que la requérante s’est, à son tour, pourvue en appel.

IV. La demande préjudicielle et la procédure devant la Cour

15.

Le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) désormais saisi du litige a, le 14 mai 2016, adressé les questions préjudicielles suivantes à la Cour :

« 1)

L’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, telle que dernièrement modifiée par la directive 2004/75/CE du Conseil du 29 avril 2004, devrait‑il être interprété comme signifiant que les droits d’accise ne peuvent pas être prélevés au titre de l’avitaillement en produits énergétiques...

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